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Alors que la Commission des lois de l’Assemblée nationale a étudié le 3 mai le projet de loi sur la transformation de la fonction publique, texte qui arrivera en séance le 13 mai et qui pourrait être adopté avant l’été, le contenu de ce projet de loi semble encore méconnu des enseignants. Pourtant leur mobilisation devrait être importante le 9 mai comme elle l’avait été le 19 mars. Une mobilisation qui doit beaucoup aux réformes Blanquer…

19 mars 2019 : dans les cortèges de la première grande manifestation de la fonction publique, les enseignants ont largement donné le ton. Et la grève avait été massivement suivie dans le premier degré avec 24% de grévistes selon le ministère, le double selon les syndicats. Cela tient autant, sinon plus, à la résistance aux réformes Blanquer qu’à ce que prépare la loi sur « la transformation de la fonction publique ». Pourtant tous les syndicats de la Fonction publique (CFDT, CFTC, CFE-CGC, CGT, FAFP, FO, FSU, Solidaires, et UNSA ) appellent les fonctionnaires et les agents à faire grève et à manifester le 9 mai.

La révolution des managers

« La nécessaire transformation de l’action publique ne peut être menée à bien sans redonner sens et confiance aux 5,5 millions d’agents qui font tous les jours vivre le service public », explique le gouvernement dans l’exposé des motifs du projet de loi de transformation de la Fonction publique. « Cette transformation doit également être l’occasion de conforter et responsabiliser les managers publics en développant les leviers qui leur permettront d’être de vrais chefs d’équipe : en recrutant les compétences nécessaires au bon fonctionnement de leur service, en promouvant l’engagement professionnel de leurs équipes, en prenant des décisions au plus proche du terrain, sans remontée systématique au niveau national. Enfin, la recherche de nouvelles souplesses… dans les organisations de travail apparait indispensable pour améliorer la qualité du service public et garantir sa présence au plus près des territoires ».

Le projet de loi entend libérer les « managers », pour les enseignants les chefs d’établissement, principaux des futurs EPSF , Dasen etc. Finis les freins que constituent les commissions paritaires avec leurs vérifications et leur consultation en cas de conflit.

Le projet de loi commence par retirer une épine du pied des managers en supprimant les CHSCT qui sont dotés de pouvoirs réels en terme d’hygiène et sécurité. L’article 2 du projet de loi supprime les CHSCT et les comités techniques pour les remplacer par une nouvelle instance, le « comité social d’administration » (CSA).

L’article 3 modifie les compétences des commissions administratives paritaires (CAP) en supprimant leur avis préalable sur les questions de mobilité, d’avancement et de promotion. Pour le gouvernement c’est nécessaire pour « déconcentrer les décisions individuelles ». C’est la fameuse « gestion de proximité » annoncée par JM Blanquer : le « manager » local doit pouvoir décider seul de la carrière des fonctionnaires sous ses ordres. Il faut  » doter les managers des leviers de ressources humaines nécessaires à leur action » dit le texte.

Le fonctionnaire victime d’une erreur ou d’une mauvaise action de la part de son manager ne pourra plus demander l’intervention d’un élu. La loi prévoit « un recours administratif préalable obligatoire en cas de décision individuelle défavorable en matière de promotion, d’avancement, de mobilité et de mutation » dans des conditions qui seront définies par le Conseil d’Etat. Chaque agent devra donc se défendre seul et saisir individuellement la juridiction en charge de la question.

L’article 9 « simplifie » les procédures de mutation des fonctionnaires de l’Etat en supprimant la consultation préalable en CAP. L’article 10 supprime la notation qui sera remplacée par l’entretien individuel avec le manager. On peut craindre qu’à cette occasion soit revues les règles fixées par les accords PPCR comme la limitation de l’impact des inspections. Les CAP perdront aussi leur compétences en matière de promotion de corps, de cadre d’emploi ou de grade.

Toutes ces mesures ont un objectif clair : en finir avec l’influence syndicale dans l’administration. En effet c’est le controle qu’ils exercent sur la gestion administrative des carrières qui fait la puissance des syndicats de fonctionnaires. En leur retirant tout pouvoir d’intervention , le gouvernement fait coup double. Il assujettit les fonctionnaires à son autorité comme ils ne l’étaient plus depuis le début du 20ème siècle. Il se débarrasse des seules instances qui obligent les ministres et les cadres à un minimum de dialogue et à justifier leurs décisions.

Le recours général au contrat

L’article 5 du projet de loi autorise le recrutement de contractuels sur des emplois de direction de l’Etat. L’article 6 crée un nouveau type de contrat à durée » déterminée au sein de la fonction publique, le « contrat de projet ». L’article 7 étend la possibilité de recruter des contractuels dans la fonction publique.

« Cette mesure répond aux attentes des employeurs publics en renforçant les leviers managériaux à leur disposition pour faire face à l’évolution des métiers de la fonction publique », explique la loi.

Alors que la fonction publique compte déjà 20% de contractuels, le projet de loi vise clairement à remplacer les fonctionnaires par des contractuels à tous les niveaux. Dans l’enseignement c’est la réponse qu’ont trouvé plusieurs pays à l a crise du recrutement. PLutôt qu’augmenter les salaires et améliorer les conditions de travail des enseignants, recruter des contractuels en levant les conditions de diplôme exigées et en fixant au cas par cas la rémunération.

La Fonction publique et la loi Blanquer

Interrogée par le Café pédagogique le 15 mars, Bernadette Groison, secrétaire générale de la FSU, montrait comment le projet de loi peut impacter la vie quotidienne des enseignants. « Avec la banalisation des contrats, des enseignants seront recrutés sur une durée déterminée. Il seront dans une grande précarité dans leur vie personnelle… Si on augmente le volume de contractuels on risque qu’au lieu d’aligner les conditions de travail des contractuels sur les fonctionnaires il se produise l’inverse. Les fonctionnaires seront fragilisés à commencer pour accéder à certains postes », expliquait-elle. Nous travaillons à l’harmonisation des droits et à la titularisation. Et voilà que le gouvernement installe deux voies parallèles. Dans ce cas c’est la précarité qui va primer.

Mais les enseignants sont déjà mobilisés contre la loi Blanquer et les réformes engagée s à marche forcée par le ministre de l’Education nationale. Ils trouvent dans la loi Blanquer déjà un écho de la transformation de leurs conditions de travail avec par exemple l’annualisation permise par l’article 8, le renforcement du poids hiérarchique avec l’article 1 et les EPSF.  » Son projet de loi de l’école de la confiance va accroître les inégalités, dégrader les conditions de travail des personnels sans répondre à la nécessité d’améliorer le service public d’éducation pour assurer la réussite de tous les élèves et l’élévation du niveau de qualification », écrivent les syndicats Cgt FO et Sud éducation dans un tract commun. Ils soulignent aussi l’absence de revalorisation salariale.

François Jarraud

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