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C’est une grande victoire des enseignants. Le 17 mai le Sénat a écarté les deux amendements qui proposaient de rétablir les écoles publiques des savoirs fondamentaux et le ministre a reconnu que « le sujet n’est pas mur ». Mais la loi Blanquer emporte le Cnesco et instaure plusieurs points qui aggravent le métier enseignant.

La mobilisation des enseignants fait reculer le ministre

« On a besoin encore de temps, c’est un sujet des prochains mois pour avoir la plus large concertation ». JM Blanquer a eu du mal à reconnaitre que les EPSF ne passent pas. Mais il l’a finalement admis le 17 mai au Sénat, tout en dénonçant « les malentendus » sur ce sujet.

Si la commission du Sénat avait supprimé l’article créant les EPSF, le Républicain Jacques Grosperrin avait déposé un amendement de rétablissement des EPSF en prenant garde de demander l’accord des conseils d’école, CA de collège et des maires pour sa création. Son texte prévoyait aussi le maintien des directeurs avec délégation d’autorité du principal, donc des directeurs au statut changé.

LREM avait aussi déposé un amendement reprenant le texte original tout en reculant sur un point clé : le nouveau texte exigeait l’accord des conseils d’école et CA de collège pour ouvrir un EPSF.

Le rapporteur Max Brisson penchait fortement pour l’adoption de l’amendement Grosperrin et on pouvait craindre que le Sénat bascule en ce sens.

C’est la mobilisation des enseignants qui a retenu les sénateurs. « Sur l’EPSF on est parti d’une connerie », dit sans fard M Mizzon, centriste. « Ce qui est incompréhensible c’est la façon dont ça a été mené », estime M Dallier (LR). Ainsi la centriste Vérien raconte que dans son département (l’Yonne) parents et enseignants sont mobilisés et les examens sont menacés. V. Jasmin dit la même chose pour la Guadeloupe. « Il y a besoin d’apaisement et de consultation », reconnait le rapporteur. « Il faut prolonger le dialogue », estime la présidente de la commission de l’éducation, C. Morin Desailly. L. Lafon souligne le manque de portée pédagogique du projet gouvernemental, un texte « qui répond uniquement à une question d’aménagement du territoire ».

Sur ce terrain, sénateurs PS et PC font appel aux maires. « Ne soyons pas les fossoyeurs de l’école rurale », demande Mme Monier. « Ne portez pas un nouveau coup à la ruralité », déclare C Féret. »Que voulez-vous ? Que la forêt soit partout ? », dit Mme Préville (PS).

Au final, les deux amendements sont retirés. Et le ministre juge que le moment n’est pas venu de faire cette réforme. L’article 6 quater est donc supprimé et l’EPSF avec.

Certes il reste une possibilité de voir les EPSF revenir lors du compromis entre les assemblées. Mais les sénateurs et probablement les députés veulent en priorité en finir avec la mobilisation enseignante. Et il sera difficile pour le ministre de revenir sur ses propos et faire passer de force un article qui a été abandonné par ses propres troupes. Sur cette question, les enseignants, et aussi les maires, ont fait reculer les parlementaires puis JM Blanquer.

Maintien de l’autorité hiérarchique du directeur

Mais ce n’est pas le cas sur tous les points. L’article 6 ter stipule que les enseignants du premier degré sont placés « sous l’autorité » du directeur d’école qui « participe à leur évaluation ». Plusieurs amendements de suppression sont déposés par le PC, le PS et RDSE. « Les choses fonctionnent pourquoi changer », demande P. Ouzoulias (PC). Le rapporteur dénonce les « crispations syndicales » et plaide pour un pilotage des écoles par leur directeur. Le ministre se range à l’opposé. Il demande la suppression de l’article. Au final les sénateurs votent le maintien de l’article 6ter. Les directeurs d’école deviennent donc les supérieurs hiérarchiques de leurs ex collègues qui seront évalués par eux

L’annualisation des services prévue dans le cadre des nouvelles expérimentations est adoptée et les amendements de suppression son rejetés. Un autre amendement étend les postes à profil (252) « là où il y a des difficultés de recrutement », une idée déjà appliquée dans le passé sans résultats.

L’évaluation indépendante de l’École supprimée

Restait l’avenir du Cnesco. Trois amendements de R Karoutchi (LR), le PS et le PC demandaient la suppression de l’article 9 créant le conseil d’évaluation de l’école à la place du Cnesco. P Ouzoulias (pc), Mme Robert (PS) ont plaidé son maintien au vu de la qualité des travaux menés et de la nécessité de maintenir une évaluation externe de l’École.

JM Blanquer déclare que le Cnesco  » a interprété sa mission et n’aboutit pas à une évaluation du système éducatif ». Il promet que « le Cnesco ne va pas mourir : on va créer une chaire au Cnam avec des moyens importants ». Le Conseil d’évaluation de l’école créé à sa place fera l’évaluation de chaque école, chaque collège et lycée.

Les amendements de suppression de l’article sont rejetés. L’amendement déposé par P Ouzoulias et le groupe pc demandant le maintien du Cnesco dans le cadre de l’Office Parlementaire d’évaluation (Opcest) est lui aussi rejeté.

C’est donc la fin du Cnesco qui, depuis 2013, a multiplié les travaux et animé un véritable débat sur et dans l’école. A la place, on aura un conseil d’évaluation de l’école dépendant du ministre et dont les travaux, rendus publics, lancera la mise en concurrence des école et des collèges au même niveau que les lycées actuels.

Quel bilan et quelle suite ?

Cette quatrième journée marque la fin des travaux du Sénat. Mardi 21 la haute assemblée devrait adopter solennellement le texte. Le bilan de son passage au Sénat est ambigu. D’abord parce que les deux mesures phares, l’instruction obligatoire à trois ans et de 16 à 18 ans, n’ont pas d’impact important pour les enfants ou les familles. Elles restent largement formelles. Ensuite parce que rien n’est terminé. On va rentrer

La forte mobilisation des enseignants a obtenu le retrait de l’EPSF. Théoriquement il pourrait revenir lors de la phase de compromis entre Assemblée et Sénat, mais le ministre a reconnu que le moment n’est pas venu, autrement dit que cela lui créerait plus d’ennuis que d’avantages.

De l’autre, le Sénat a adopté les EPLEI qui entérinent définitivement un système scolaire à deux vitesses. L’avenir de la maternelle reste menacé. Il semble qu’on s’oriente vers le maintien des jardins d’enfants comme une structure parallèle aux maternelles, là aussi pour les favorisés. Mais probablement en en limitant le nombre à ceux qui existent déjà. Ce qui va peser davantage sur la maternelle c’est la scolarisation accélérée que le ministre prépare. Avec l’obligation scolaire à 3 ans, la maternelle devient une école comme les autres, comme l’a bien montré P Garnier.

D’autres mesures touchent les enseignants comme l’article 1 qui est maintenu dans une rédaction encore plus restrictive. Il y aussi la formation obligatoire sur les congés ou plus de facilité pour imposer l’annualisation des services. Il y a peu de chances de les voir remises en cause. Le compromis reviendra t il sur l’autorité hiérarchique du directeur d’école ? Il est possible que le ministre , qui s’est déclaré défavorable, le souhaite.

Quel sort sera fait aux mesures touchant les familles comme l’interdiction du port du voile pour les accompagnatrices ? Le ministre y était hostile mais il s’était déclaré favorable précédemment à cette mesure.

Globalement la loi Blanquer aura fait plus de mal que de bien à l’Ecole. Les mesures de scolarisation restent largement formelles alors que se multiplient celles qui rendent plus difficile le métier enseignant.

François Jarraud

La 1ere journée au Sénat

La 2de journée

La 3eme journée

P Garnier sur l’instruction obligatoire à 3 ans

L’évaluation revue par Blanquer : trois précédents: ce que dit Goigoux des évaluations CP, l’utilisation des évaluations, les dédoublements et la communication minsitérielle.