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Avec la publication au BO de la circulaire de rentrée (qui ne concerne que le premier degré) accompagnée de nouvelles « recommandations », le ministre met en route la mise au pas de la maternelle. La circulaire de rentrée précise comment la hiérarchie va controler l’application des « recommandations ». Celles-ci expliquent comment enseigner « le vocabulaire », les nombres et les langues étrangères en maternelle. Ces textes imposent un recadrage brutal de la maternelle amenée à devenir une école élémentaire comme les autres.

Modifié 12h30« Les acquisitions progressivement réalisées à l’école maternelle sont déterminantes pour la maîtrise future des savoirs fondamentaux… La connaissance et la manipulation des unités sonores de la langue française font l’objet d’un enseignement progressif. Dès la petite section, la construction d’une conscience phonologique est régulièrement travaillée. Elle se structure jusqu’à la grande section par des activités appropriées. La connaissance du nom des lettres et du son qu’elles produisent est progressivement enseignée… En mathématiques, les résultats de la recherche montrent que les années de l’école maternelle sont déterminantes pour découvrir et intégrer les concepts essentiels de nombre, d’espace et de calcul. Le rapport Villani-Torossian l’a rappelé ».

Si dans le début de la circulaire le ministère fait référence au jeu et aux manipulations, le discours instructif selon les orientations du ministre prend nettement le pas. « Pour que les élèves s’approprient la langue française, un enseignement régulier et structuré du langage est nécessaire dans toutes les classes de l’école maternelle. » La circulaire annonce une formation des nouveaux enseignants de maternelle en ce sens selon un référentiel national à paraitre.

En ce qui concerne l’apprentissage du vocabulaire en maternelle, les « recommandations » insistent sur la répétition des mots appris selon un apprentissage structuré du vocabulaire. « Un enseignement structuré revient à ne pas isoler des mots mais à les présenter dans des regroupements sémantiques et logiques qui vont permettre d’en faciliter la représentation : l’insertion d’un mot dans un champ lexical avec d’autres mots qui relèvent du même thème, permet d’utiliser des synonymes, des antonymes, par exemple, lorsque l’on dit « ce n’est pas froid, c’est chaud » ou « ce n’est pas gentil, c’est méchant ». En replaçant un terme dans un champ lexical (par exemple le bonnet, l’écharpe, les gants, les pantalons, qui appartiennent à la catégorie des vêtements), les activités de catégorisation permettent une structuration encore plus explicite et une mémorisation efficace, et donnent à l’élève la faculté d’ordonner la langue et de comprendre le monde. Enfin, il ne peut y avoir d’acquisition sans mémorisation. La mémoire est à la fois le moteur, le ressort et le produit des apprentissages. Travailler la mémoire lexicale avec l’enfant nécessite que le mot soit bien articulé, répété souvent par l’enseignant et l’enfant ». La suite du texte explique aux enseignants comment il faut lire en classe… La circulaire enjoint aussi l’apprentissage syllabique avec répétition. « Il est attendu des enfants, à la fin de l’école maternelle, la capacité de discriminer des syllabes, des sons-voyelles et quelques sons-consonnes (hors des consonnes occlusives) comme p, b, t, d, k, g, voire m, n dans une moindre mesure, ces sons étant difficilement perceptibles. »

Sur les nombres, la circulaire enjoint l’apprentissage des nombres jusqu’à 10. « Dénombrer est une compétence complexe qui met en lien plusieurs connaissances et compétences qui s’acquièrent en parallèle. La connaissance de la suite orale des noms de nombres ne suffit pas pour qu’un élève parvienne à dénombrer ou constituer à coup sûr une collection d’objets d’une quantité donnée. Au-delà de la capacité de faire abstraction de certaines propriétés des objets de la collection à dénombrer (compter une grosse bille comme une petite, une bille bleue comme une rouge, etc.) et de la connaissance du principe du cardinal (le dernier mot-nombre énoncé fait référence au nombre total d’objets comptés et pas à un objet particulier), l’enfant doit maîtriser la synchronisation du pointage des éléments de la collection avec la récitation des noms des nombres et apprendre à énumérer tous les éléments de la collection (pointer une et une seule fois, sans en oublier). Cette compétence d’énumération s’acquiert dans l’action, en dénombrant activement, et il est déterminant de concevoir, et proposer aux élèves, des situations permettant des manipulations nombreuses et variées, en prenant le temps nécessaire chaque jour et dans la continuité du cycle 1. » Mais là aussi les » recommandations » entrent dans le détail de ce que doit faire l’enseignant en classe.

Dans La Croix, JM BLanquer explique ces textes. « Cette circulaire et les documents qui l’accompagnent détaillent ce que chaque élève doit acquérir pour mieux préparer encore l’entrée au CP…Il faut travailler sur les familles de mots, les synonymes, les antonymes. De même, les élèves doivent pouvoir lire l’écriture chiffrée jusqu’à dix, ordonner les nombres et dire combien il faut ajouter ou soustraire pour obtenir des quantités ne dépassant pas dix… Les évaluations de début de CP nous montrent de trop grandes disparités en matière de vocabulaire – la reine des batailles –, de maîtrise des correspondances entre lettres et sons, de connaissance des nombres ».

En 2018 Pascale Garnier avait annoncé les effets délétères sur la maternelle de l’obligation d’instruction à 3 ans. Le Café pédagogique avait publié le 16 avril le projet de circulaire et annoncé une « rentrée bien normalisante » en maternelle et au primaire. On y est.

F Jarraud

La circulaire et les recommandations au BO du 29 mai

Dans La Croix

Dans le Café : Une rentrée bien normalisante

La loi Blanquer dans l’attente du compromis final

P Garnier