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Depuis lundi, les températures, en Ile de France notamment, dépassent les trente degrés, déclenchant ainsi le niveau trois du plan « Alerte canicule majeure ». Alors que le DNB -Diplôme National du Brevet – est reporté à la semaine prochaine, dans les écoles rien de prévu, à part l’envoi de recommandations par mail. Plusieurs syndicats de seine Saint Denis ont adressé un courrier au directeur académique dès lundi matin pour rappeler la réalité des écoles du département : des écoles avec de grandes baies vitrées sans rideaux ou volets, pas de climatisation, de rares ventilateurs, des cours rarement ombragées, des points d’eau insuffisants… Ils rappellent les termes de la note sur l’ambiance thermique dans les locaux publiée par l’observatoire national de la sécurité et de l’accessibilité des établissements d’enseignements : « selon l’OMS, des risques d’atteinte à la santé sont réels lorsque les températures dans les locaux sont inférieures à 14° ou supérieures à 30°C ». Le courrier dénonce aussi la place donnée aux collectivités dans les recommandations qui sont adressées aux directeurs et directrices, « quels échanges avez-vous eu avec la municipalité pour anticiper cette situation : livraison de packs d’eau, de gobelets… » En attendant, ce sont plusieurs enfants qui ont fait des malaises dans les écoles de Seine-Saint-Denis, les pompiers ont été sollicités au moins pour l’un d’entre eux. La demande des syndicats ? Que les écoles ferment jeudi et vendredi, journées où les températures prévues seront les plus élevées.

« C’est au préfet de fermer les écoles »

Pour Rachel Schneider, secrétaire départementale du SNUipp-FSU 93, fermer les écoles, c’est tout simplement assurer la sécurité physique des élèves. « Nous avons reçu beaucoup de photos de thermomètres dont certains indiquaient 32°, 36° et même un dortoir à 39°C ». Plusieurs malaises d’enfants sont recensés dans plusieurs villes du département, telles que Bobigny, Aulnay Sous-Bois ou encore l’Ile Saint Denis. Le syndicat a reçu plusieurs copies de fiches SST – Santé et sécurité au travail – qui alertent sur les difficultés à assurer la sécurité de tous les élèves. Des fiches remplies et envoyées par les équipes à la direction académique et aux collectivités et qui « ne reçoivent aucune réponse ». « Les directions d’école interpellent les maires pour demander la fermeture des écoles jeudi et vendredi qui leur répondent que c’est au préfet de prendre sa décision. Et on peut le comprendre. Ils ne veulent pas prendre cette responsabilité. Les agents de l’éducation nationale font remonter les difficultés qu’ils rencontrent au ministère, c’est au préfet de se positionner ». Préfet auquel le SNUipp-FSU a envoyé un mail dès mardi matin : « Nous vous demandons instamment de décider dès aujourd’hui la fermeture des écoles maternelles et élémentaires de Seine-Saint-Denis pour jeudi 27 et vendredi 28 juin 2019 : c’est en anticipant que les parents d’élèves auront la possibilité de s’organiser de manière satisfaisante. Le pire serait une gestion « au fil de l’eau » au fur et à mesure que les incidents graves se multiplieront ».

On peut penser que ce n’est pas le premier épisode de ce type en France, « ce qui change, c’est la durée » explique Rachel. « Les enseignants ont souffert lundi et mardi et ils savent que cela sera pire jeudi et vendredi. Cela génère un stress énorme, ils ne se sentent pas en capacité de protéger un minimum leurs élèves ».

« On a la sensation d’étouffer »

Catherine Da Silva est directrice de l’école Taos Amrouche à Saint-Denis (93), une élémentaire de six classes classée REP+, et responsable Snuipp locale. On peut penser que pour elle nulle inquiétude, son école date de moins de trois ans. Une école construite en respectant un cahier des charges écologique avec stores électriques, lumières qui s’éteignent lorsque l’on sort de la pièce ou encore robinets à déclenchement automatique…. Mais les architectes n’ont pas anticipé la canicule semble-t-il. « Il n’existe pas de normes de construction pour les établissements scolaires, il existe seulement des normes pour les bâtiments accueillant du public, sans distinction », explique-t-elle. Alors oui, clairement, l’école Taos Amrouche est une jolie école. Neuf salles de classes disposant de la meilleure technologie mais situées… au premier étage ! Le rez-de-chaussée est occupé par la maternelle, le premier étage par l’école. Chaque salle de classe dispose de grandes baies vitrées avec volets électriques, mais même fermés, « l’air ne circule pas ». Les températures relevées lundi et mardi oscillent entre 28° – à 8h du matin – et 35° pour l’après-midi de mardi. « Même les classes supposées être à l’ombre sont montées à 33°C ». « Les enseignants ne savent plus quoi faire, les élèves sont amorphes ou au bord de la crise de nerfs. Une enseignante de CE1, donc peu d’élèves puisque les classes sont dédoublées, a essayé de s’installer dans le couloir. Au bout de quinze minutes, c’était tout aussi infernal. L’air ne circule pas, on ressent une sorte d’étouffement comme si nous étions dans une étuve ». Quant aux cours de récréation, elles sont elles aussi situées au premier étage, « il y faisait 37°C hier ».

Beaucoup de parents ont décidé de garder leurs enfants mardi, surtout les élèves ayant des problèmes de santé comme de l’asthme. « Ils nous demandent si nous fermons jeudi et vendredi pour qu’ils puissent s’organiser par rapport à leur travail ». La municipalité a décidé de livrer plus de 5000 bouteilles d’eau dans les écoles, des piscines et des jeux d’eau pour que les élèves puissent patauger et s’hydrater. « Mais cela ne suffit pas » selon Catherine. Quand on lui demande ce qu’elle pense des préconisations, elle est catégorique « C’est hors sol, cela fait complètement fi de la réalité de certaines écoles. Et surtout cela fait retomber encore une fois la décision sur les agents. Le cas par cas préconisé par le ministère met en difficulté les écoles. On a tout fait mais cela ne fonctionne pas, cela ne suffit pas… »

Trois malaises en deux jours

Aline est, quant à elle, directrice d’une école maternelle de sept classes. Son école a une tout autre allure. Un vieux bâtiment des années soixante aux volets mécaniques. « On a de la chance, la ville a changé les fenêtres il y a deux ans, avant on ne pouvait même pas les ouvrir ». L’orientation du bâtiment est exposé plein sud, « même en hiver, les salles ne sont pas froides ». Depuis hier, les températures varient entre 30 et 33° dès le matin. Aline a recensé trois malaises d’enfants. « Hier, un petit s’est plaint d’avoir mal à la tête, il était chaud. J’ai appelé ses parents qui sont venus le chercher. Il a été malade toute la journée. Pourtant, on a installé des jeux d’eau, des pataugeoires… On les oblige à boire très fréquemment… ». Aline a rempli la fiche SST. Nulle réponse de la direction académique, ni même de l’inspecteur de circonscription. Une élue est passé à l’école, « mais elle a juste dit : ah oui il fait chaud », s’insurge Aline. Elle est aussi beaucoup interpellée par les parents qui ont entendu que c’était au directeur de fermer les écoles. Ce qu’elle attend du gouvernement ? « Il faut que le Ministre prenne ses responsabilités. Et pas qu’il botte en touche comme lors de la conférence de presse qu’il a donnée » …

Jeudi et vendredi risquent d’être des journées compliquées pour les enseignants. Comment assurer la sécurité physique de leurs élèves dans de telles conditions ? Une question qui donne des sueurs froides à beaucoup d’entre eux…

Lilia Ben Hamouda