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Après avoir dénié le problème durant des semaines, JM Blanquer a du reconnaitre sur BFM que toutes les copies du bac ne seraient pas rendues à temps pour les jurys. Le ministre invite les jurys à suppléer les notes manquantes en les remplaçant par la moyenne des trois trimestres de terminale. Il a annoncé d’importantes retenues sur salaire pour les grévistes tout en se présentant comme un homme de dialogue et concertation. Parce que le ministre ne veut pas négocier avec un mouvement qui reste important, le ministère s’engage dans les difficultés pour les mois à venir aussi bien du coté des familles que des enseignants. Pourtant les grévistes devraient probablement remettre leurs copies le 4 juillet.

Maintien de la publication des notes vendredi

« Vendredi tous les élèves auront leurs résultats » a annoncé JM Blanquer le 3 juillet au soir sur BFM. Le matin, il avait déclaré qu’il y avait  » un petit risque » que toutes les copies ne soient pas rendues le 3 juillet. Le ministère avait pourtant décidé le 2 juin de maintenir les serveurs ouverts.

Selon JM Blanquer près de 2000 correcteurs retiennent leurs notes. Toute la journée du 3 juillet, les services académiques les ont appelé pour les menacer et les inviter à rentrer les notes. Le nombre de copies rendues le 3 au soir serait ainsi redescendu un peu en dessous de 100 000. Et JM Blanquer espérait qu’il n’y en aurait pas plus de 50 000 le 4 juillet.

Le ministre a décidé de maintenir la publication des notes le 5 juillet et donc les jurys le 4. « En cas de note manquante, les jurys sont invités à remplacer celle-ci à titre provisoire par la moyenne obtenue par l’élève sur les trois trimestres de la classe de terminale dans la matière concernée », annonce le ministère. « Ceci permettra aux jurys d’établir des résultats provisoires pour permettre notamment aux candidats qui pourraient ne pas être reçus de se présenter aux épreuves de rattrapage selon le calendrier prévu. Lorsque la note initialement manquante aura été transmise au centre d’examen, les jurys arrêteront le résultat définitif en veillant à ce que ces circonstances exceptionnelles ne portent pas préjudice aux candidats ». Autrement dit en retenant la meilleure des deux notes.

Entre homme de dialogue et homme à poigne

JM Blanquer s’est présenté comme un homme d’ouverture. « Je suis totalement ouvert au dialogue… Cette réforme a été menée après une concertation . C’est une réforme façonnée par le dialogue », a t-il déclaré sur BFM « Ma porte est ouverte ne permanence. Au ministère il y a un dialogue social ». Il a encore une fois rappelé les paroles de J Zay sur les conflits des hommes qui doivent s’arrêter à la porte de l’école.

En même temps il avait des mots durs pour les grévistes, accusés de « saboter  » le bac et de « porter préjudice au prestige des professeurs ».

Le ministre a surtout rappelé que les grévistes risquaient une retenue sur salaire de la date de retrait des copies à la date de la remise. « J’ai bien dit aux quelques professeurs qui ont décidé ce jeu-là, qui est tout le contraire du service public, que les sanctions financières seraient très importantes puisque toute personne qui ne rend pas les copies à temps est considérée comme gréviste depuis le jour où on lui a donné les copies. Donc ça peut aller jusqu’à 15 jours de retrait de salaire. Je pense que c’est dissuasif ».

Que risquent les enseignants ?

Un numéro de 208 de la Lettre juridique du ministère lui donne raison. « La surveillance et la correction des épreuves d’examen de l’enseignement scolaire ainsi que la participation aux délibérations de jurys qui s’ensuivent font donc partie intégrante des obligations de service des personnels enseignants de l’enseignement secondaire… Ces obligations s’étendent aux tâches de transcription des notes (cf. implicite, C.E., 10.06.1994, Syndicat national des lycées et collèges et Confédération nationale des groupes autonomes de l’enseignement public, n° 107306 et 107335) ou même à la tenue du secrétariat des épreuves (cf. implicite, C.E., 12.04.1995, Mme HOURCADE, n° 136.914). Ainsi, il a été jugé que l’administration était fondée à opérer des retenues sur le traitement pour absence de service fait lorsque… un maître auxiliaire.. a refusé d’assurer la correction d’épreuves du baccalauréat (T.A., GRENOBLE, 27.01.1995, Mme Anne-Marie DEGOUL, n° 92711) ; le même maître auxiliaire, à qui fut confié un service correspondant à la correction de 90 copies (nombre fixé initialement entre 130 et 150) n’a pas retiré les copies. Les retenues pour absence de service fait opérées sur son traitement ont correspondu à la période comprise entre la date à laquelle les copies devaient être retirées et celle à laquelle elles devaient être rendues (à nouveau T.A., GRENOBLE, 27.01.1995,précité) ».

« Autonome par rapport au droit de grève, « la retenue sur traitement [pour absence de service fait] est [également] indépendante de l’action disciplinaire qui, dans le respect des droits de la défense, peut toujours être engagée à l’occasion des mêmes faits si ceux-ci sont considérés comme constitutifs d’une faute professionnelle » », estime la Lettre. Mais le ministre a évité jusque là de s’engager sur cette voie. Des académies par contre ont menacé de poursuites pénales des grévistes. Ainsi à Toulouse l’académie parle de « faute disciplinaire ». L’avocate spécialisée dans les questions d’éducation Valérie Piau estime dans 20 Minutes que les peines prévues pour violation de correspondance pourraient être appliquées en ca s de rétention de copies. « A l’évidence il y a un manquement à l’obligation professionnelle des fonctionnaires », estime t-elle , et des procédures disciplinaires sont possibles. Plusieurs parlementaires LR, J Grosperrin par exemple, invitaient le ministre à y procéder.

L’affaiblissement des syndicats ne fait pas disparaitre les oppositions

JM Blanquer a beau dire qu’il est ouvert au dialogue, la preuve est faite qu’il n’entend rien. Sa réforme du lycée a été massivement rejetée par le Conseil supérieur de l’éducation en avril 2018. L’arrêté sur la classe de seconde a été repoussé par 53 voix contre (Fsu Sgen) et 10 pour (Snpden et Unsa Education). Le Se Unsa s’est abstenu. L’arrêté sur la voie générale a reçu 33 voix contre pour 9 pour. Celui sur la voie technologique n’a eu que 6 pour contre 35. Les programmes ont été aussi rejetés. La réforme du lycée professionnel a eu le même sort. Depuis des grèves et des manifestations ont eu lieu. Le ministre n’a jamais saisi l’occasion pour dialoguer.

Plus globalement, le gouvernement a décidé de casser la cogestion avec les syndicats. La loi de transformation de la fonction publique retire aux commissions paritaires leurs pouvoirs en matière d’avancement ou de mutation. Elle donne aux hiérarchies locales de nouveaux pouvoirs de rémunération au mérite comme de sanction. Tous les syndicats ont regretté le manque de dialogue avec un ministre sur de lui.

Mais JM Blanquer découvre aussi que l’affaiblissement des syndicats ne supprime pas les oppositions. En u an il a eu à faire face au mouvement #pasdevagues, aux stylos rouges, à l’opposition contre les EPSF et maintenant au mouvement de grève des examens qui n’est pas dirigé par les syndicats. Au lieu de négocier avec les syndicats il doit répondre aux stylos rouges qui écrivent : « aveuglé par sa haine des syndicats et de toute contestation ou même négociation, le ministre est prêt à nous pousser à bout par orgueil alors même qu’il est le serviteur de la nation. Nous demandons donc au président de la République de renvoyer ce ministre ».

Loin d’être propre à des minorités d’enseignants, l’opposition aux réformes est très largement partagée. Rappelons nous le Baromètre Unsa , portant sur près de 30 000 personnels proches d’un syndicat vanté le 3 juillet par le ministre. Seulement 6% des enseignants déclaraient partager la politique éducative menée par JM BLanquer.

Et maintenant ?

Que va-t-il se passer maintenant ? Les copies corrigées devraient réapparaitre dans la journée du 4 juillet, probablement dans l’après midi. L’objectif des grévistes, bloquer les jurys pour faire connaitre le mécontentement du monde enseignant contre les réformes et la gouvernance de JM Blanquer, est atteint. Les résultats du bac qui devaient être affichés le 5 au matin le seront probablement le 5 au soir. Cela a toujours été le programme des grévistes. Comme l’a rappelé F Rollet, secrétaire générale du Snes Fsu, sur France Info, « les grévistes n’ont pas envie de compromettre réellement le bac ».

Mais c’est là que les ennuis vont commencer. En s’appuyant sur la moyenne des notes de l’année, le ministère ouvre la porte aux recours. Il y aura forcément des candidats non reçus ou sans mention dans les élèves sans note. Et probablement des parents pour saisir les tribunaux dans les mois suivants les résultats. D’autant que, selon le Snes, une note envoyée aux jurys précise que les candidats sans livret scolaire (les candidats libres) se verront attribuer « une note provisoire en cohérence avec les autres notes déjà obtenues ». Autrement dit une note qui ne repose sur aucune évaluation disciplinaire et qui ouvre la voie aux inégalités entre candidats.

Les enseignants grévistes ont nourri la colère des familles et des candidats en retardant , même symboliquement, la publication des résultats. Ils se sont mis en danger et la profession avec eux. Alors que les professeurs des écoles avaient su rendre populaire leur mouvement contre les EPSF, ce mouvement touchant au bac ne l’est pas.

Ainsi se nourrit une tentation peut-être irrésistible d’aller encore plus loin dans l’affaiblissement des syndicats et la mise au pas des enseignants. JM Blanquer tient dans ce conflit matière à sanctions disciplinaires. Comme Dgesco il avait montré une certaine obstination à poursuivre les contestataires. Le ministre saura-t-il éviter ce piège ?

Ce serait une illusion de croire qu’après la publication des résultats du 5 juillet tout redevienne comme avant. Les parents ont des comptes à demander. Le ministre aime régler ses comptes. Et de nombreux enseignants ont fait l’expérience la plus radicale qui existe dans ce métier. L’année 2018-2019 a été très difficile pour l’Ecole. S’il n’y a pas de signe important d’apaisement (et cela semble bien improbable), l’Ecole va connaitre une année 2019-2020 encore plus agitée.

François Jarraud

Sur BFM

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