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Le premier ministre est intervenu au Sénat le 9 juillet pour défendre le ministre de l’éducation et justifier ses décisions. JM Blanquer a du répondre à trois questions au Sénat. Il a à nouveau annoncé des sanctions sans les préciser davantage. Le second jour des épreuves du second groupe a vu la publication des résultats pour presque tous les candidats même si des réserves ont été marquées dans plusieurs jurys. De nombreux parents mécontents se sont manifestés dès le 9 juillet annonçant des recours à venir.

Des sanctions pour les grévistes

La journée du 9 juillet a été utilisée par JM BLanquer et le gouvernement pour une intense communication pour essayer de contrer les comptes rendus désastreux sur les conditions de notation des candidats au bac.

JM Blanquer est intervenu le matin sur Europe 1 pour confirmer des sanctions pour les professeurs grévistes.  » Ils auront bien évidemment des sanctions financières : la suppression de chaque jour de paye depuis le 1er jour où ils auront eu les copies jusqu’au jour où ils les ont rendues, puisqu’ils sont réputés avoir fait grève pendant cette période », a confirmé le ministre. Il s’appuie sur un arrêt du tribunal administratif de Grenoble de 1995 comme nous l’avons expliqué le 4 juillet.  » Il peut y avoir des sanctions administratives, quand vous avez par exemple empêché un jury de siéger physiquement. Il y a eu des gens qui sont allés très loin dans leur manière d’agir », a ajouté le ministre qui écarte toute sanction de groupe. Ce sera cas par cas.

La presse aux ordres ?

JM Blanquer n’a pas pu s’empêcher sur Europe 1 de critiquer les médias leur reprochant d’aller tous à Aubervilliers , un point chaud de la grève. « Il faut que chacun revienne au bons sens. Et que notre manière de commenter et d’analyser aille dans le sens de l’intérêt de notre pays », a-t-il lancé aux journalistes d’Europe 1 sans s’attirer de critique.

Quand JM Blanquer fuit une question…

L’après midi , le ministre de l’éducation nationale a répondu à 3 questions sur le bac. Une surtout a marqué l’assemblée. Bénédicte Taurine, députée LFI a vivement attaqué le ministre. « C’est votre jusqu’au-boutisme qui les (les enseignants grévistes) a poussés à agir de la sorte. Dans le pire des cas, leur action aurait décalé d’un ou deux jours l’annonce des résultats. Mais, au lieu d’ouvrir le dialogue, vous avez foncé tête baissée et commis une lourde faute politique en donnant des consignes absurdes au sein de votre ministère. Monsieur le ministre, quel fondement juridique vous permet d’assumer de telles décisions, en rupture complète avec les valeurs républicaines défendues par les professeurs grévistes ? » Le ministre a répondu en défendant sa réforme il n’a pas apporté de réponse à la question sur les fondements juridiques.

Tout pour gagner le bras de fer

Au Sénat, c’est le premier ministre qui est monté à la tribune défendre JM BLanquer. « Les conditions de déroulement du bac 2019 sont à bien des égards insatisfaisantes », a dit Edouard Philippe. « Formuler des revendications n’est pas illégitime. Mais une infime minorité a décidé de perturber les épreuves, puis la correction des copies, puis la remise des notes. On a installé du désordre et de l’angoisse. Ces agissements ne sont pas à la hauteur de l’enseignement de notre pays ». Le premier ministre a justifié l’action de JM BLanquer en la présentant comme justifiée par le combat lui-même. « Le ministre de l’Éducation nationale a adopté, à juste titre, une position ferme pour que le bras de fer ne puisse pas être gagné par les perturbateurs. Il a bien fait et je lui apporte tout mon soutien ».

Ainsi la question de la légitimité des décisions prises par JM BLanquer est totalement évacuée du débat alors que c’est elle qui intéresse les enseignants.

Crise morale des enseignants

Comme a pu l’écrire Laurence de Cock, les enseignants ont été touchés « au coeur de leur dignité professionnelle ».  » Dans cette immense entreprise de disqualification généralisée du métier enseignant, ces derniers tentent de maintenir le peu qu’on leur laisse de dignité professionnelle.. C’est autre-chose qui fait tenir : c’est le peu qu’il reste de conviction d’utilité sociale : ce qui fait dire « ça sert un peu quelque-part et pour quelques-uns ». C’est minime… Ce n’est pas rien, c’est même tout. Car lorsque cette certitude s’évanouit, on crève. Et aujourd’hui, faut-il le rappeler, dans l’école de la République, comme à France-Télécom ou à la Poste, certains se tuent. Il est très curieux que nos responsables n’aient pas mesuré à quel point le baccalauréat incarne une part de cette utilité sociale, raison pour laquelle on ne peut pas y toucher sans quelques précautions, sauf à vouloir détruire plus avant la profession… Ainsi, le déposséder de cette prérogative en rendant possible la mise d’une note aléatoire (livret scolaire, moyenne annuelle etc.) c’est l’attaquer dans sa chair en brisant ce contrat tacite entre collègues. On ne s’étonnera pas que cela ait produit l’inverse de ce qui était visé ».

On touche là aux suites du bac 2019. Pour les enseignants ce qui s’est passé est un traumatisme. C’est peut-être plus grave que les propos de Claude Allègre ou Xavier Darcos. Car ce sont des actes. Les enseignants ont vu leur ministre et une partie de l’encadrement s’asseoir sur les valeurs qui fondent l’Ecole pour gagner le « bras de fer » dont parle E Philippe. Ces suites là vont se voir dès la rentrée.

Des parents en quête de réponses

Dans l’immédiat ce sont les parents le souci du ministre. La ligne téléphonique (01 43 57 16 16) ouverte par la Fcpe et l’UNL pour répondre à leurs questions « croule sous les appels  » selon Europe 1. Il y aurait aussi de nombreuses demandes de communication des copies. Les parents ont trois jours pour les demander au centre d’examen.

L’Express a interrogé plusieurs avocats pour savoir si des recours sont possibles. Pour l’avocate spécialisée Valérie Piau il y a bien rupture d’égalité entre les candidats du fait des notes fictives.  » « Il y a deux poids deux mesures entre les élèves. Certains se voient appliquer un régime plus favorable que d’autres. Imaginez le cas de deux élèves d’une même classe avec une moyenne de 16 dans une matière, mais une note de 5 au Bac. L’un de ces élèves pourrait être noté 5, et l’autre 16. » Elle souligne aussi les atteintes à la souveraineté des jurys.

Si le gouvernement a bloqué la crise politique qui aurait pu advenir suite au scandale du bac, la droite et la majorité préférant stigmatiser les enseignants, il va devoir faire face à la crise morale des enseignants et au mécontentement de nombreux parents. Dans les deux cas , cela va couver pendant des mois avec peut-être des remontés à la surface particulièrement puissantes.

François Jarraud