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« Il (JM Blanquer) a franchi la ligne jaune en livrant les professeurs à la vindicte populaire ». Ces propos de Jules Siran, représentant de Sud éducation, lors de la conférence de l’intersyndicale du 2d degré le 10 juillet, donne une idée de l’état d’esprit des syndicats présents. Le Snes Fsu, la Cgt, FO, Sud, le Snalc, les stylos rouges, la Chaine des bahuts, la Cnt, l’Unl: toutes les organisations présentes ont l’impression d’avoir vécu un moment historique et d’avoir le soutien des enseignants face à un ministre qui a dépassé les bornes. Ils invitent à des assemblées générales dès la pré rentrée et déposent déjà un préavis de grève.

Absence de dialogue

« On a vécu une séquence inédite. On s’est heurté à un ministre réfractaire à tout dialogue… Comme E Macron, JM BLanquer exaspère les collègues même ceux qui ne sont pas grévistes ». Frédérique Rolet, secrétaire générale du Snes Fsu, partage ce sentiment avec les autres organisations syndicales. Toutes dénoncent l’absence de dialogue avec le ministre depuis des mois. « Le ministre a trouvé le moyen de rompre le dialogue avec tout le monde », souligne P Désiré secrétaire général de la Cgt Education.

« On était ouvert au dialogue », explique Jean Rémi Girard, président du Snalc. « On a déposé un préavis pour le bac en février. Ca laissait du temps pour le dialogue. Mais le ministre a refusé de négocier. Si les collègues en sont arrivés là c’est que quelque chose a dysfonctionné avant ». Depuis, pour les organisations présentes, JM Blanquer ne fait que jeter de l’huile sur le feu. « Il continue avec les menaces de sanction », déclare JR Girard. « On soutiendra les collègues, ceux dont les retenues sur salaire ne correspondront pas au droit de grève ou ceux qui auront des sanctions disciplinaires ». Cet engagement là est partagé par les syndicats présents. Une caisse de grève a d’ailleurs déjà été ouverte.

Ligne jaune franchie

Troisième constat partagé : la coupure entre les personnels de l’éducation et le ministre est devenu un fossé.  » Il a franchi la ligne jaune en livrant les professeurs à la vindicte populaire », déclare le représentant de Sud Education. Emmanuel Macron et ses « prises d’otages » est aussi mis en cause. Les syndicats reprochent aussi au ministre d’avoir fait adopter des mesures illégales pendant le bac. Le presse locale comme nationale en a donné de nombreux exemples.

Les syndicats craignent-ils l’opinion publique, apparemment hostile au mouvement ? « On constate qu’à un moment si on veut que nos préoccupations soient au coeur du débat il faut plus qu’un seul jour de grève », explique JR Girard. « Les collègues se sont emparés du bac comme d’un symbole permettant de réveiller les médias ». Autrement dit, les syndicats ont dépassé cette peur. D’ailleurs ils nient que l’opinion publique leur soit hostile. « A la permanence téléphonique les élèves qui appellent ne se plaignent pas des profs mais de la gestion de la crise par le gouvernement », relève le représentant de l’UNL qui participe à la plate forme sur le bac ouverte par la Fcpe.

Des actions dès la rentrée

L’intersyndicale annonce plusieurs types d’actions. La première ce sont des assemblées générales ou des heures syndicales dès la rentrée. Les syndicats présents pensent que les enseignants seront mobilisés et que la crise du bac a renforcé leur poids. Ils s’attendent à ce que les assemblées votent la grève dès la rentrée. Des préavis ont été déposés en ce sens.

D’autres formes d’opposition sont aussi proposées comme l’appel du Snes Fsu à refuser les charges de professeur principal. Il est justifié par la faiblesse de l’information des enseignants sur la réforme du lycée. Mais il a aussi pour but de matérialiser l’opposition des professeurs aux réformes.

Les organisations syndicales vont soutenir les grévistes qui seraient inquiétés par l’administration au delà de ce qu’elles considèrent comme normal : c’est à adire retenue sur salaire du 2 juillet à la remise des copies corrigées. Pour les syndicats l’annonce de JM Blanquer de faire partir les journées retenues à partir de la remise des copies est illégale.

La question de recours éventuel d’enseignants devant la justice est abordée avec prudence. « Il faut être fondé pour un recours. Si on n’est pas victime on ne peut pas en déposer », estime JR Girard. Cela réduit les recours aux personnels victimes de décisions illégales. Par contre des signalements d’actes illégaux commis durant l’examen sont possibles.

Un moment historique ?

Les syndicats vivent-ils vraiment un moment historique ? Oui car jamais le bac n’avait été aussi perturbés ce qui veut dire que les mentalités enseignantes ont changé. Une partie des enseignants est prête à violer le tabou des examens et une frange encore plus large comprend le mouvement sans y participer. Oui aussi par l’union qui est en train de se faire entre les organisations. Mais le moment est historique aussi par les menaces qui pèsent sur les syndicats. Au delà de la réforme du lycée, se profile dans les jours à venir le vote de la loi de transformation de la fonction publique qui va leur retirer la capacité à intervenir dans la carrière et le mouvement des enseignants. L aloi va renforcer de façon importante l’autorité des chefs d’établissement et des inspecteurs et encourager la rémunération au mérite. C’est aussi contre cette avancée brutale du New Public Management que les organisations mobilisent.

Le ministre refuse de recevoir l’intersyndicale. Mais des rendez vous avec les syndicats sont pris toute la semaine prochaine. JM BLanquer saura t-il entendre et tenir compte des revendications ou ces réunions resteront-elles formelles ? C’est la rentrée 2019 qui est en jeu.

François Jarraud