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Si le mot plaisir a fini, en 2008, par apparaitre dans les programmes scolaires de plusieurs disciplines (Éducation musicale, Arts plastiques, Histoire des Arts, Français et Mathématiques) et en EPS, quelle place tient-il dans les pratiques des enseignants ? Yvon Morizur et Julien Fuchs publient un passionnant article dans la revue Recherches & Educations.

Ils relèvent que cette notion de plaisir, même inscrite au BO, reste « suspecte au sein d’une institution méritocratique chargée de transmettre des connaissances de manière méthodique ». Au plaisir, le monde éducatif préfère l’effort. En EPS la course de demi fond apparait comme l’activité particulièrement en tension entre plaisir et effort. Ce qui explique que les auteurs la choisissent comme objet d’étude.

« L’histoire de la place accordée au plaisir dans le système éducatif, et a fortiori en EPS, permet d’interroger les rapports de l’école et de la société au regard de ce paradoxe. Si le plaisir est en effet explicitement peu visible, même encore aujourd’hui, dans la facette institutionnelle des disciplines, nous faisons l’hypothèse que la notion est davantage présente, mais à des degrés divers, dans les représentations et les pratiques enseignantes », notent-ils.

« Si le plaisir n’est en effet que très rarement envisagé comme une finalité de l’enseignement, il gagne en légitimité pédagogique aux yeux des enseignants dès lors que ceux-ci l’utilisent davantage comme un moyen permettant de « faire courir » les élèves », poursuivent-ils. « D’un point de vue axiologique toutefois, c’est bien une posture globalement ascétique, au sens wébérien, qui se construit ici à travers l’enseignement de la course de durée en EPS. L’effort prolongé en course à pied, peut-être davantage que n’importe quelle autre activité, symbolise cette ascèse scolaire attendue et véhiculée de manière implicite par les enseignants et par l’institution. Ce « goût de l’effort » lui-même, loin d’être naturel, se construit, s’apprend et devient en quelque sorte un enjeu pour l’éducation physique en même temps qu’un « révélateur de l’idéologie des enseignants » (Cogérino, 2000 : 98). Dans cette perspective, le plaisir ne paraît être qu’une promesse, une conséquence indirecte, alors même que l’ambition pour l’enseignant pourrait être d’« amener ce désir, cette joie, enfin cette passion véritable que ce type d’effort, le plus ancien de tous – la course à pied – peut faire naître chez ceux qui savent l’élever jusqu’au rang d’une éthique » ».

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