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Le Sgen-CFDT, qui donnait une conférence de presse le 10 septembre, a dépeint une rentrée en demie teinte avec des réformes qui se mettent en place vaille que vaille, comme celles du lycée général et de la voie professionnelle, et des attentes de  » mesures tangibles  » notamment en termes de revalorisation salariale, de défense des retraites menacées par la réforme et de reconnaissance d’un métier légèrement déprimé. Actant  » la nouvelle posture  » de Jean-Michel Blanquer soudain converti au dialogue social, le syndicat s’est par ailleurs inquiété de la distance entre  » les généreuses annonces  » du ministre de l’Education nationale et la réalité de terrain, nettement moins glorieuse, souvent marquée par un manque de moyens.

Le Sgen-CFDT s’est dit relativement serein sur les premiers pas de la réforme du lycée avec l’introduction d’enseignements de spécialité et la disparition des séries. Alors que certains établissement ne sont toujours pas arrivés à élaborer les emplois du temps, trop complexes selon eux, le syndicat estime que la situation ne s’est pas aggravée.  » Avec la multiplication des options, les emplois du temps étaient déjà difficiles à faire, a souligné Alexis Torchet, secrétaire national, certains établissements n’étaient pas prêts à la rentrée ou avaient des emplois du temps provisoires. Il ne semble pas y en en avoir plus cette année. « 

 » Si la rentrée s’est globalement bien passée, c’est grâce à l’implication de tous les agents  » : la secrétaire générale Catherine Nave-Bekhti, secrétaire générale, a tenu à saluer les enseignants et tous les personnels qui, après une fin d’année  » extrêmement tendue  » avec la grève du bac, ont préparé au mieux cette rentrée, quitte à travailler une partie de l’été.  » Ceci explique que certains collègues démarrent l’année déjà fatigués « , a ajouté la responsable du Sgen-CFDT.

Manque de profs principaux

Le Sgen-CFDT a toutefois de vrais sujets d’inquiétude dans ce nouveau lycée. Faute de moyens,  » des groupes de spécialités sont surchargés avec plus de 35 élèves, a déploré Catherine Nave-Bekhti, et il a fallu fermer des groupes de la spécialité NSI (numérique et sciences informatiques) – une nouveauté particulièrement chère au ministre – à cause du manque d’équipements « , ceux-ci incombant aux régions.

Egalement inquiétant, le manque de candidats pour être professeur principal. Beaucoup refusent désormais cette charge, souligne la responsable syndicale,  » face à la multiplication des missions, aux heures de travail supplémentaires qui ne sont pas toujours indemnisées et de l’éclatement du groupe classe engendré par la réforme « .

Il faut ajouter toutes les incertitudes d’une réforme qui n’est pas totalement ficelée. Par exemple, comment va-t-on faire passer les épreuves de contrôle continu qui vont désormais compter pour 30% de la note finale au bac ? Les premières sont prévues en janvier. Va-t-on devoir banaliser des journées ? Quelles tâches vont incomber aux profs principaux ?

Manque de moyens

Le Sgen-CFDT a plusieurs fois mis en cause le manque de moyens. Dans le cadre de la réforme du lycée professionnel notamment, les heures complémentaires réservées à des dédoublements n’ont pas toujours été attribuées. Les rectorats n’ont pas toujours prévu non plus des temps de réunion en début d’année pour organiser les co-animations dans une classe, d’un professeur de matière professionnelle et d’un autre d’enseignement général. Celles-ci étaient pourtant l’une des grandes nouveautés de cette réforme, par ailleurs passablement contestée.

Même écart entre  » les annonces généreuses  » du ministre à propos des AESH (accompagnants d’élèves en situation de handicap) et la réalité. Les AESH devaient voir leur statut améliorer avec davantage d’heures de travail et un salaire en augmentation. La nouvelle mesure ne semble pas être parvenue à certains rectorats qui ont reconduit les mêmes contrats, particulièrement précaires.

Recherche directeurs d’école

Dans le primaire aussi, le dédoublement des classes de CP et de CE1 en éducation prioritaire se heurte à un manque de moyens, selon le Sgen-CFDT : manque de personnels dans les départements comptant de nombreuses écoles défavorisées et manque de locaux.

A propos de ce dédoublement présenté comme  » la  » mesure devant en finir avec les inégalités, le Sgen-CFDT regrette la pression sur les enseignants de ces classes à 12.  » Certains reconnaissent le confort pour enseigner, souligne Catherine Nave-Bekhti, mais d’autres font des retours beaucoup plus mitigés, évoquant un pilotage extrêmement injonctif, les visites très fréquentes des inspecteurs dont certains conseillent de ne plus faire d’EPS ou d’ouverture culturelle, afin d’arriver aux 100% de réussite des élèves (promis par le ministre). On a même des collègues qui ne veulent plus enseigner dans ces classes pour retrouver autonomie et sérénité « .

Enfin, le Sgen-CFDT alerte sur la difficulté à pourvoir les postes de directeurs d’école, y compris ceux bénéficiant de décharges importantes. Un problème récurrent mais qui serait particulièrement aigu cette année, la reconnaissance promise n’ayant toujours pas abouti.

Le décrochage des rémunérations

En cette rentrée où le ministre de l’Education, après avoir longtemps et vertement ignoré les syndicats, a engagé un  » dialogue social renforcé », le Sgen-CFDT a fait des discussions autour de la revalorisation salariale et du maintien du niveau des retraites, menacé par la réforme, un de ses sujets majeurs.

Il publie les premiers résultats d’une étude d’un enseignant, Bernard Schwengler, particulièrement édifiants quant au décrochage au long cours des salaires des profs. Entre 1982 et 2009, le salaire d’un professeur certifié ayant dix ans d’ancienneté a chuté de 20%, traduisant une  » érosion forte de sa position sociale « , souligne Pierre Marie Rochard, secrétaire national du Sgen-CFDT. Tout le corps enseignants est touché : les agrégés (-21%), les professeurs d’université (-16%), les professeurs des écoles (-8%) et les ceux de lycée professionnel (-7%).

Si l’on compare au sein des cadres A de la fonction publique d’Etat, on constate aussi un déclassement des enseignants. Entre 1982 et 2009, les salaires nets annuels des cadres non enseignants a augmenté de 18% – 24% pour les magistrats, 13% pour les administrateurs civils… – alors que ceux des professeurs et professions scientifiques ont baissé de 19%, cela s’expliquant notamment par des primes et indemnités moindres. Dans le même temps, on constate un creusement des inégalités hommes/ femmes.

 » Nous prenons acte du changement de posture du ministre mais ce n’est pas un blanc-seing, a averti Catherine Nave-Bekhti, les collègues attendent du concret.  » Jean-Michel Blanquer est prévenu : dans la nouvelle ère du quinquennat, plus sociale et tout en dialogue, les syndicats enseignants sattendent des résultats sonnants et trébuchants.

Véronique Soulé