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Pas de colibris le 24 septembre pour le séminaire des coordinateurs des équipes académiques « valeurs de la République ». Quelques jours après le discours d’E. Macron sur l’immigration, JM Blanquer s’est mis dans le ton et a présenté une vision raccourcie de la laïcité, uniquement axée sur les « problèmes » rencontrés par les équipes académiques et leur répression. Mais il a surtout pointé du doigt la FCPE. A 15 jours des élections des parents d’élèves, le ministre de l’éducation nationale a dénoncé la FCPE comme antirépublicaine et trahissant la laïcité. La FCPE, qui va porter plainte contre un membre du « conseil des sages » créé par JM Blanquer, répond en invitant le ministre à regarder du coté de l’Alsace… L’association aurait pu ajouter la loi Blanquer et son financement des maternelles catholiques…

Un ministre louvoyant sur la laïcité

« La laïcité est le plus essentiel des combats », pour JM Blanquer. Mais sa position a changé depuis son arrivé eau ministère. En 2012, il avait signé comme Dgesco une circulaire interdisant les accompagnatrices voilées, mesure écartée par un avis du Conseil d’Etat de 2013. Plus récemment , un arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon, pris cet été(23 juillet 2019) distingue les parents accompagnateurs (non astreints à la neutralité religieuse) de ceux qui interviendraient en classe.

En décembre 2017, le jeune ministre déclare sur RTL que les accompagnatrices voilées ne doivent pas être acceptées par les directeurs d’école. Une déclaration non suivie d’effets. La question revient dans le débat sur la loi Blanquer. Au Sénat les Républicains font adopter un amendement interdisant les signes religieux pour les accompagnateurs. Le ministre ne soutient pas. L’article sera retiré de la loi définitive. Mais cette loi a pour principal effet de faire financer les écoles maternelles privées, c’est à dire très majoritairement catholiques, par l’Etat à travers les communes.

La loi Blanquer a légiféré sur la laïcité. L’article 10 interdit tout prosélytisme religieux aux abords des établissements scolaires. On attend le décret d’application qui aura à définir ce qu’est le prosélytisme et les abords.

Légère baisse des signalements ?

Dans ce contexte, le 24 septembre, JM Blanquer réunit les coordinateurs des équipes académiques « valeurs de la République » à l’occasion de la publication d’une nouvelle version du Vademecum. C’est l’occasion de faire un point sur les signalements internes à l’Education nationale. Selon le ministère, on aurait compté 900 signalements d’atteintes à la laïcité dans les écoles et établissements d’avril à juillet 2019. C’est un peu moins que l’année précédente où on était à un millier. De toutes façons, le comptage ne signifie pas grand chose, comme le reconnait lui-même le ministre : « on n’est pas à une fiabilité totale ». Dominique Schnapper, présidente du Conseil des sages, estime que les signalements varient selon l’attitude du ministre en place et qu’il est trop tot pour tirer des conclusions. Rappelons qu’une enquête du CNAL en juin 2018 voyait dans les faits signalés « un phénomène mineur mais préoccupant » concernant une minorité d’enseignants dans quelques zones. L’enquête montrait aussi que les enseignants méconnaissent la laïcité.

JM BLanquer souligne une progression au primaire, tout en la liant au fait que les faits sont davantage transmis par l’institution. Pour lui « le port du voile n’est plus un problème » bien que le ministre signale que des élèves sont partis en Angleterre pour profiter d’une réglementation plus souple. Mais de nouvelles atteintes à la laïcité se développent : refus de serrer la main des filles, refus de la piscine, contestation de l’enseignement au nom de la foi, refus de chanter. Il ne donne pas de chiffres. JM Blanquer revient aussi sur ses déclarations sur les petites filles interdites de maternelle pour raison religieuse. Il confirme ses propos bien qu’il y ait davantage de filles scolarisées en maternelle que de garçons à l’âge qu’il indique.

Au final la laïcité n’est vue que comme une suite d’interdictions visant en fait une religion. Le versant ouvert de la laïcité, les droits de pratiquer ou non, de suivre les pratiques ou pas, n’est jamais mis en avant.

Une attaque en pleine élection contre la FCPE

Mais le coeur de son discours c’est la FCPE, association qu’on dit classée à gauche. « L’école comme la république est un tout pas négociable », déclare JM BLanquer. « Il dénonce « une association de parents d’élèves qui fait campagne autour d’une mère voilée », allusion à un affiche FCPE. La FCPE est accusée de « flatter le communautarisme », d’être « antirépublicain » et « de trahir la laïcité ». Pour lui la FCPE pratique « une sorte de renversement des valeurs »

Cette déclaration faite à 15 jours des élections des parents d’élèves a fait réagir la FCPE. « On perdra peut-être des voix grâce au ministre mais on sera solide sur nos valeurs », nous a dit R Arenas, co president de la FCPE, rappelant le rôle de la FCPE lors des journées du refus de l’école pour rassurer les familles et les ramener à l’école. « On prone une laïcité incluante et non excluante. Si le ministre veut parler de laïcité qu’il parle du concordat (en Alsace Lorraine) dans lequel les élèves de l’école publique suivent 140h d’instruction religieuse par an ».

L’association annonce qu’elle porte plainte contre L. Bouvet, membre du comité des sages et diffuseur de fausses affiches FCPE. Les mères voilées y sont associées à des terroristes et à des pédophiles. « On porte plainte pour incitation à la haine envers les parents musulmans », dit R Arenas. « Le ministre plutôt qu’attaquer la FCPE ferait mieux de balayer le conseil des sages », ajoute-il…

François Jarraud

Nouvelle version du Vademecum

Enquête CNAL

En décembre 2017

Arrêt de juillet 2019