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Le suicide de C Renon pose la question du travail des directeurs et de leur statut. La question divise les syndicats, le Snuipp, majoritaire, étant opposé à un nouveau statut; le Se Unsa et le Sgen Cfdt voulant une évolution. Celle ci a failli avoir lieu avec la loi Blanquer mais JM Blanquer a fait machine arrière. Directrice « historique » de maternelle à Bobigny, Véronique Descker est l’autrice de livres qui ont rendu palpable le métier de directeur d’école, comme « Trop classe » paru en 2016. Très émue par le suicide de C. Renon, elle revient sur les difficultés du métier de directeur.

Quels échos avez-vous du suicide de C Renon ?

Personnellement j’ai quitté mon poste avec une année d’avance car je n’en pouvais plus. J’étais à bout. Je ne connaissais pas C Renon. Mais son suicide provoque une émotion dans toute la France. Ca fait apparaitre à quel point les directeurs ont la tête sous l’eau. La plupart ne parvient pas à effectuer les tâches qu’on leur demande sauf à y sacrifier leurs soirées et leur week end jusqu’à ne plus en pouvoir.

Dans sa lettre, C Renon semble très affectée par un incident entre deux élèves. En quoi cela alourdit le travail d’une directrice ?

Il s’agit d’enfants de maternelle. On n’est pas dans de l’agression sexuelle comme avec des adolescents. Mais dans l’éducation nationale les incidents sont gérés avec le souci de couvrir la hiérarchie. L’intérêt de l’école ne compte pas. Et la hiérarchie a totalement judiciarisé la relation avec les parents. Elle craint les procédures judiciaires et exigent que les directeurs gèrent les incidents avec la plus parfaite inhumanité.

Dans ce cas précis la directrice est obligée de convoquer les parents dans une procédure où il y aura victime et coupable, alors que ce sont des enfants de 3 ans. C’est la pire des choses à faire. Les parents ne vont rien y comprendre. Après il faudra faire un rapport avec la rédaction du fait établissement. Tout cela est anxiogène.

Elle se plaint des injonctions. Que peuvent subir les directeurs ?

C’est simple. La hiérarchie nous demande une chose puis change la procédure, puis l’inspecteur exige que ce soit un peu différent de la procédure prévue… C’est comme cela tout le temps. La hiérarchie fait descendre en cascade des demandes de données sans arrêt. Pour elle c’est juste un clic. Arrivé dans le bureau de la directrice ce sont des heures de travail.

Il y aussi les changements de programme incessants. A chaque fois il fait faire des réunions avec les enseignants, refaire des commandes, des conseils de cycle, taper les compte rendus… Si on changeait les panneaux routiers tous les 6 mois les directeurs d’auto école craqueraient eux aussi.

Comment sortir les directeurs de cette situation ?

Il faut en finir avec l’accumulation de procédures. Certaines sont nécessaires d’autres non. Il y a 30 ans on ne saisissaient pas informatiquement les renseignements sur les parents et les écoles fonctionnaient. IL faut en finir avec le fait que les idées du ministre descendent toute la chaine hiérarchique pour qu’au bout de la chaine le directeur fasse le travail. Il faut que l’administration cesse de penser qu’on va faire le recueil des données dont ils ont besoin pour piloter la France.

Il faudrait rétablir les aides administratifs ?

Il faudrait des aides administratifs titulaires. Car les aides que l’on avait ont rendu beaucoup de services mais ils n’étaient pas qualifiés pour tenir un secrétariat. Il faudrait aussi des temps de décharge plus importants et plus stables. On nous dit au dernier moment quand on pourra prendre la décharge à laquelle on a droit. Ca change souvent au dernier moment. C’est très humiliant pour les directeurs.

Il faut changer le statut des directeurs ?

Certains le souhaitent. Personnellement je ne souhaite pas que les directeurs deviennent des supérieurs hiérarchiques. Mais on ne peut pas demander à un directeur d’avoir une classe et de faire 50 heures de travail en plus chaque semaine. Soit on augmente le temps de décharge, soit on diminue la tâche. L’émotion que provoque ce suicide montre qu’il y a un ras le bol impressionnant.

Propos recueillis par François Jarraud

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