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Avec un rejet de quasiment tous les amendements, le budget de l’Education nationale a été adopté le 30 octobre au terme d’un marathon législatif entre 23h et 3 heures du matin. Plus que des postes, il a été question des fonds sociaux, de l’école inclusive et de la médecine scolaire. Au final la majorité n’a laissé passé que la promesse de rapport sur les contractuels et les fonds sociaux.

Un budget sans marge de manœuvre

Peut-on avoir une assemblée à l’usure ? Probablement oui. En tous cas il ne faisait pas bon déposer un amendement budgétaire dans la nuit du 29 au 30, quand les députés de la majorité applaudissaient à chaque amendement « tombant » par absence de soutien. On était entre minuit et 3 heures du matin après toute une après midi sur la loi de finances et avant l’analyse du budget des anciens combattants.

« Ce projet de budget.. permet la mise en œuvre effective de nos réformes, dont l’ambition est claire : la réussite de tous les élèves, qui passe par le rehaussement du niveau général et la justice sociale », explique JM Blanquer. Avec 52 milliards l’Education nationale dispose du plus important budget même si ce n’est plus celui qui connait la croissance la plus forte.

Le cadre budgétaire est connu depuis plusieurs mois: une hausse de 1 milliard (+2%) qui suit celle des ministères. L’essentiel de cette hausse correspond à des dépenses obligatoires : « glissement vieillesse technicité » , c’est à dire évolution des carrières, accords PPCR, prime de Rep+, paiement par le budget éducation nationale des AESH. Il reste moins de 100 millions au ministre pour des mesures catégorielles. Autrement dit il n’ya rien pour une revalorisation et pas grand chose pour une politique ministèrielle.

La revalorisation escamotée

De revalorisation il sera d’ailleurs peu question. Le ministre parle d’évolution du métier :  » Dans la société du XXIe siècle, les missions évoluent et peuvent s’exercer de manière différenciée. Les carrières doivent donc accompagner ces évolutions, l’investissement et le niveau de formation doivent être reconnus, et l’attractivité du métier d’enseignant maintenue ». Autrement dit le métier va évoluer sous la poussée du mérite et de la personnalisation des carrières. JM Blanquer considère que les dépenses obligatoires (GVT et PPCR) sont une revalorisation avec la possibilité de faire des heures supplémentaires.  » une enveloppe indemnitaire de 30 millions est en outre destinée à accompagner les mesures de ressources humaines de l’agenda social, par exemple en améliorant le taux d’accès à la hors classe des professeurs des écoles » : c’est la marge de manoeuvre que les syndicats peuvent négocier.

Des amendements socialistes demandant la hausse du point d’indice, de créer le nombre de postes nécessaires dans le premier degré et dans le second degré sont écartés sans grand débat. La baisse, choquante, de la formation continue des enseignants dans le 1er degré, relevé epar exemple par F Reiss (LR) passe aussi : pour la rapporteure, C Osson (LREM) « une formation de qualité n’est pas nécessairement onéreuse » grâce à M@gister… Pour JM BLanquer cette baisse est une « sincérisation budgétaire », le ministère n,e dépensant pas tout son budget formation. Retenons le terme il va servir.

Fonds sociaux : un certain cynisme

Il fallait plus gros encore pour réveiller l’Assemblée. Michel Larive (LFI), Sylvie Tolmont (PS) le montrent avec les fonds sociaux. Ces fonds viennent en secours des élèves les plus pauvres pour payer leur cantine, leur transport, ou faire face à des dépenses indispensables. Dans le budget 2020 les fonds sociaux sont diminués de moitié passant de 59 à 30 millions. JM BLanquer les avait aussi divisé par deux quand il était Dgesco entre 2010 et 2012.  » Si vous diminuez les crédits de ces fonds, les inégalités scolaires n’en seront que plus fortes », déclare M Larive.  » Aujourd’hui, 15 % des Français vivent sous le seuil de pauvreté. Les équipes éducatives, qui sont, au quotidien, en contact avec les élèves et leurs familles, savent à quel point certaines situations sont douloureuses, difficiles à verbaliser et surtout sources d’échec scolaire », rappelle S Tolmont. « Monsieur le ministre, lorsque je vous ai interrogé sur la diminution des crédits des fonds sociaux en commission, vous avez argué de leur sous-utilisation. Celle-ci vous amène, nous avez-vous expliqué, à diminuer les crédits du budget pour 2020 par rapport au précédent budget, afin de les ramener au niveau de l’exécution de 2018. Il y a quelque chose de très choquant à constater, dans notre pays, que des fonds destinés à la solidarité ne sont pas utilisés. Il y a quelque chose de plus choquant encore, c’est de considérer cette sous-utilisation comme une fatalité ».

JM Blanquer répond par la négation.  » J’affirme… qu’il n’y aura pas de baisse des fonds sociaux pour les élèves. C’est même le contraire qui se produira : il y aura plus de fonds sociaux d’une année à l’autre », déclare avec un certain cynisme le ministre. Selon lui, en 2018 39 millions ont été réellement dépensés et avec 30 millions plus 8 millions de reliquats ce budget sera maintenu et même augmenté. La division par deux des fonds sociaux c’est « de la sincérisation budgétaire » et « de la bonne gestion ». Si les établissements n’ont pas dépensé davantage les années d’avant, il est clair que maintenant ils ne dépenseront pas plus et que les efforts faits depuis 2012 pour aller au devant des familles pauvres vont s’arrêter là. Un autre budget est amputé : celui de la vie lycéenne qui diminue d’un quart , avec la même justification.

Médecine scolaire : question à suivre

Deux autres débats ont lieu sur les AESH, dont les conditions de salaire et d’emploi ne s’améliorent pas et dont le nombre reste insuffisant même s’il est en hausse. La majorité refuse toute amélioration. Le ministre a eu plus de mal avec la médecine scolaire sujet soutenu par des députés de la majorité. Marie Tamarelle Verhagegh (LREM) souligne la souffrance au travail des médecins scolaires, pas assez nombreux mais aussi sans équipe. Les amendements sont écartés au nom « d’une réforme globale de la médecine scolaire » à venir selon la rapporteure. Pour JM BLanquer la question « reflète un problème à l’échelle de la société… il ne s’agit pas tant qu’un problème budgétaire que d’un problème de ressources humaines ».

Au final la majorité n’accepte que deux amendements : l’un déposé par M Victory (PS) pour un rapport sur la contractualisation. C’est un des choix politiques de la majorité que son développement rapide. L’autre de C Rilhac (LREM) sur les fonds sociaux. Gageons que là aussi il s’agisse d’appuyer la politique ministérielle…

FRançois Jarraud

Le débat

Budget 2020 : dossier