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S’il est une question vive en enseignement c’est bien celle des punitions et parmi elles celle de l’exclusion. Dans un ouvrage récent, Eric Debarbieux avait montré l’importance des punitions dans le système éducatif français. Julien Garric va plus loin en se focalisant sur une mesure phare , l’exclusion de cours, et en en montrant les effets délétères.

 » Dans la répétition quotidienne des errances au sein d’espaces disqualifiés, les élèves construisent leur carrière de déviants », écrit Julien Garric. « Les heures perdues confortent le décrochage cognitif qui existait lors de l’entrée dans le secondaire. Plus encore, ces élèves apprennent à cette occasion, dans leurs interactions avec les adultes, avec une régularité imparable, des comportements qui se stabilisent en eux. En leur offrant une porte de sortie vers un espace moins contraignant, les enseignants désignent les actes permettant d’échapper à la contrainte : le refus de l’assiduité, l’insolence, la provocation ou la violence. À l’image des exclus d’un de ces collèges qui apprennent à se cacher des caméras de vidéosurveillance, on peut formuler l’hypothèse qu’à travers ces expériences, ils développent des compétences transférables dans des pratiques délinquantes ».

Sa conclusion ne manquera pas de susciter la polémique. « A travers l’exclusion, certains enseignants déplacent le problème et méconnaissent la part qu’ils prennent dans la construction de la déviance. Cette conception qui naturalise les comportements, limite les marges d’action et participe à conforter le décrochage des plus fragiles. L’importance donnée aux solutions punitives amène les professionnels à se focaliser sur une conception répressive des réponses à apporter aux désordres scolaires, ignorant ainsi les leviers pédagogiques et éducatifs qui permettraient d’améliorer l’efficacité réelle de leur activité ».

Sa réflexion rejoint celle de Benjamin Moignard qui avait mis en évidence l’importance des exclusions notamment en Seine Saint Denis.  » La fréquence avec laquelle ces sanctions sont utilisées participe d’une forme de remise en ordre symbolique d’une institution affaiblie confrontée à la souffrance de ses personnels. Pour faire la preuve de leur soutien à des enseignants en demande d’appui, des principaux cèdent parfois à l’usage presque systématique de cette sanction qui reste perçue comme la seule capable de « marquer le coup ». Le recours massif à ces exclusions est devenu un outil de régulation interne, dont les chefs usent et qu’une partie des équipes attend », écrivait-il. Incapable de répondre à l’objectif d’éducabilité de l’Ecole,l’exclusion est devenue le symptome du mal être dans un système éducatif qui ne tourne plus rond. La préfiguration de la société future ?

F Jarraud

Dans le McGill Journal of Education vol 54 n°2

Eric Debarbieux

Benjamin Moignard

Benjamin Moignard