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Lors de l’Université d’automne du Snuipp Fsu, devant une salle de plus de deux cents enseignants, Joel Briand, Maître de conférences et formateur honoraire en mathématiques, spécialiste de la construction du nombre à l’école primaire s’est livré à une démonstration afin de déconstruire l’idée que manipuler suffirait à faire des mathématiques, comme le laisse supposer le ministre de l’éducation nationale.

Pour Joël Briand c’est la première fois qu’un ministère préconise aussi fortement des méthodes d’apprentissage que ce soit en lecture ou en mathématiques. Il fait le lien avec le fait que la formation des enseignants est devenue insuffisante voire inexistante. Ces enseignants, contraints de se former sur le tas, sont maintenant réceptifs aux préconisations ministérielles ou/et commerciales de méthodes qui feraient des miracles et résoudraient les difficultés des élèves… et des professeurs. Ces méthodes qui ‘sacralisent le bricolage’ comme le déclare Philippe Meirieu reprennent les vieilles lunes comme « phases concrète, imagée, abstraite » et attribuent à la manipulation un rôle qui interpelle.

Pour débattre de cela, Joël Briand choisit de diffuser une vidéo de présentation du rapport Villani-Torossian. Y est présentée une expérience qui prouverait que le volume d’un cône est le tiers de celui d’un cylindre de même diamètre et hauteur. Le présentateur s’enthousiasme sur la manipulation ludique. Pour le présentateur, il suffirait donc d’observer pour démontrer. Cette confusion entre faire une conjecture au sein d’une activité ludique et démontrer à l’aide d’un langage que l’on a bâti par ailleurs est dramatique venant d’un haut responsable. Et bien sûr, il n’y aurait rien de plus pénible que les formules mathématiques.

Or, si la manipulation est un appui très motivant, elle doit prendre sa place dans un processus qui fera que les élèves produisent individuellement ou collectivement des écrits pour prévoir. Le matériel doit donc à un moment s’effacer pour laisser place à des écrits de travail dont les conclusions seront ensuite validées ou invalidées éventuellement par un retour à ce matériel.

Joel Briand avait choisi plusieurs exemples mathématiques pour illustrer son propos. En géométrie, il reprend la situation dans laquelle des élèves doivent reproduire un triangle dont disposent d’autres élèves qui envoient un message écrit. Le cheminement entre lecture des écrits et production des triangles amène à prendre conscience de la synchronisation nécessaire pour tracer les côtés. Le compas sera la solution au problème posé.

Puis il évoque l’introduction de la somme de deux décimaux pour affirmer qu’il est nécessaire d’agir avec les connaissances de base des élèves. Il rappelle que cela relève de la didactique. Faire des mathématiques, c’est construire un modèle en vue d’exercer un contrôle sur le milieu.

Pour le chercheur, une bonne manipulation est celle qui permet de poser un problème mathématique qui amène les élèves à émettre des hypothèses et à construire des résultats dans un langage. Selon le type de manipulation proposé, 3+4 = 7 peut être un résultat à apprendre en montrant des jetons dans des boites ou une hypothèse faite et vérifiée au sein d’un dispositif de boites fermées. Mais pour cela le professeur doit être formé. Et de conclure en citant Viviane Bouysse : « L’activité mathématique engage bien plus qu’une seule acquisition de savoirs, elle a une dimension citoyenne.’’

Litizia Martin