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Dans le cadre des si lourds programmes de lycée, peut-on mener en 1 heure un travail collectif d’appropriation d’une œuvre patrimoniale ? A Tours, au lycée Jacques de Vaucanson, les 2ndes de Claire Tastet ont fait vivre de façon originale leur lecture de « Candide » : en créant un musée imaginaire inspiré du célèbre conte philosophique de Voltaire. Les chapitres sont distribués à des binômes qui ont 1 heure pour imaginer un objet que le héros aurait pu ramener de son voyage, écrire une courte notice et proposer une image illustrative. Les propositions sont ensuite rassemblées dans un diaporama Genial.ly pour constituer un musée numérique au nom évocateur : « La métairie ». Le projet, fort transférable, montre comment on peut aisément « créer de fortes expériences de lecture en donnant la possibilité aux élèves de les exprimer » (Bénédicte Shawky-Milcent).

Comment le projet s’inscrit-il dans le programme ?

Le conte philosophique écrit par Voltaire est étudié dans le cadre d’une séquence sur le récit du XVIIIème siècle à nos jours. C’est une œuvre suivie qui a fait l’objet de plusieurs lectures analytiques en classe en ce premier trimestre de seconde. L’œuvre est difficile et les élèves peinent sur certains chapitres que je leur ai demandé de lister. L’idée est de les amener à relire attentivement des chapitres pour leur permettre d’accéder à une vue globale de l’œuvre. Il s’agit aussi de préparer à la dissertation. En effet, j’ai choisi pour premier sujet et premier entraînement, un sujet sur le motif du voyage dans Candide. Enfin, il s’agit aussi de revenir sur la concordance des temps revue en classe par un exercice d’écriture d’invention.

Comment le musée a-t-il été constitué ?

J’utilise le cours d’accompagnement personnalisé pour ce travail. J’ai divisé la classe en deux. Les chapitres sont distribués par binômes. Je distribue les chapitres en fonction du niveau des binômes constitués. Après avoir présenté les objectifs du travail et une notice de musée, chaque binôme a une heure pour imaginer un objet que Candide aurait pu ramener, écrire une courte notice et chercher une image illustrative libre de droit ou la confectionner. Le travail doit être terminé dans l’heure. Je passe de groupe en groupe et je commente la notice à haute voix (fond et forme) en explicitant les points forts et ceux à améliorer. Les notices sont conservées dans le cours en ligne de la classe.

Comment avez-vous finalisé le projet ?

En classe entière, j’affiche les différentes notices et nous réfléchissons à la manière d’organiser le musée. La notion de salles organisées de manière thématique apparaît très vite et le choix de salle par continent emporte les suffrages assez vite. Au bout de trente minutes, l’architecture du musée apparaît sous forme d’un schéma et une élève propose d’ajouter une boutique dans laquelle on pourrait « vendre » le livre de Voltaire via wikisource. L’idée paraît bonne et je propose d’y ajouter le travail que j’ai mené avec une autre de classe de seconde et qui avait d’autres objectifs (nous avons constitué l’album « photo » de Candide). Je me charge de la constitution du Genially les élèves n’ayant pas connaissance de cet outil et proposant des outils bien trop complexes ou des montages (hélas) chronophages (faire un film, construire le musée au lycée).

Comment les élèves se sont-ils investis dans le travail ?

Tous les élèves ont participé avec enthousiasme à l’activité mais 2 groupes n’ont pas réussi à mener à bien le travail dans le temps imparti. Après avoir levé les difficultés, je leur ai proposé de terminer le travail à la maison.

Quelles ont été vos satisfactions ?

Grâce à ce travail, l’œuvre littéraire s’est incarnée et c’est finalement une amplification de Candide qui a été proposée (comme il en a été écrit d’ailleurs au XVIIIème siècle). Il y a de belles réussites, comme par exemple le travail d’Arthur qui a proposé un travail très abouti malgré les difficultés qu’il peut rencontrer cette année. Il est ainsi le seul à prendre en compte la réalité du métier de conservateur : « La corde fut retrouvée dans cette même Métairie en 2005. Elle était presque coupée, mais nous l’avons réparée pour l’exposition ». Edgar et Hisahm, quant à eux, sont les seuls à avoir repris l’humour de Voltaire, présentant un objet pour « se faire cuisiner et déguster par ces cannibales ». Enfin beaucoup d’élèves ont été sensibles à la transmission de l’objet, révélant ainsi le système des personnages : « L’esclave donna un morceau de son caleçon à Candide pour le remercier de lui avoir prêté attention et pour qu’il se souvienne toute sa vie de l’atrocité de l’esclavage. », « Elle [la vieille] lui expliqua son histoire et Candide, ému par cette histoire en conclut que cet objet avait une réelle valeur pour cette vieille dame. Il se devait de devenir son objet fétiche à son tour… »

En quoi ce travail d’appropriation prépare-t-il aux épreuves de français au bac ?

Malgré la forme numérique séduisante ou « gadget » selon les avis, cela reste une préparation à la dissertation et un document de travail qui centralise les ressources nécessaires pour mener à bien ce nouvel exercice. Ici l’appropriation textuelle via l’exercice d’écriture, devenue collaborative grâce à l’outil numérique, devient le support d’un autre exercice. Les élèves utiliseront leur musée lors de la recherche des arguments et des exemples en complément du texte de Voltaire.

Prochaine étape ?

La prise en charge du montage numérique par les élèves eux-mêmes !

Propos recueillis par Jean-Michel Le Baut

Le musée numérique de Claire Tastet en ligne

Autre musée imaginaire d’un roman dans Le Café pédagogique

Bénédicte Shawky-Milcent dans Le Café pédagogique

L’écriture d’appropriation à la journée AFEF – Lettres vives