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Alors que l’Education nationale commémore, avec le pays, l’anniversaire de la libération d’Auschwitz et avec elle le souvenir de la Shoah, la Fondation Jean Jaurès publie une étude sur l’efficacité des visites d’élèves à Auschwitz. Ce que montre l’étude c’est que visiter Auschwitz améliore les connaissances des élèves. Mais l’impact sur les valeurs des jeunes est plus difficile à évaluer. D’autant qu’ils ont déjà un haut niveau de tolérance.

L’étude présentée par la Fondation Jean Jaurès a déjà été publiée en 2017 par le Mémorial de la Shoah. Chaque année près de 70 000 élèves français visitent le camp d’Auschwitz, le plus souvent avec le soutien d’une collectivité territoriale et de la Fondation pour la mémoire de la Shoah. Ils y rencontrent d’ailleurs des élèves d’autres pays européens : polonais, allemands, britanniques, italiens etc. Le nombre important de ces voyages, la place qu’ils prennent pédagogiquement dans le travail des enseignants justifient que leurs effets soient évalués.

Ygal Fijalkow cherche à évaluer aussi bien le niveau de connaissances que l’évolution des valeurs auprès de 2500 lycéens, y compris un échantillon témoin d’un millier de jeunes qui n’ont pas fait le voyage. L’étude suit les jeunes sur 2 années et 4 moments : avant et après le voyage, puis un an et deux ans après.

 » On constate que les lycéens qui visitent Auschwitz-Birkenau sont plus nombreux à apporter des réponses justes à la plupart des questions de connaissances. Comme on pouvait s’y attendre, les questions relatives au camp d’Auschwitz-Birkenau et, plus particulièrement, au système concentrationnaire et à ses caractéristiques organisationnelles sont davantage maîtrisées par les visiteurs. Ils répondent mieux que l’ensemble des lycéens interrogés aussi bien lorsqu’il s’agit de questions relevant de connaissances générales que de savoirs plus spécifiques, et dans des domaines variés », note Ygal Fijalkow. On constate que le niveau de connaissance progresse avec les années. Mais c’est le cas aussi des jeunes qui ne sont pas allés à Auschwitz.

 » Dans le domaine des opinions exprimées et des valeurs, le lien avec la visite est en revanche moins marqué », dit-il. « Les visiteurs répondent le plus souvent comme les élèves qui n’ont pas fait le voyage à Auschwitz ». Mais l’échantillon retenu, majoritairement des élèves de lycées généraux volontaires pour répondre à l’enquête, fait que ces jeunes ont déjà un très haut niveau de tolérance.

 » Ces résultats semblent indiquer que l’effet de la visite est un processus qui s’origine en amont de la visite même – et inclut la visite et ses prolongements. L’attention et l’intérêt des élèves pour Auschwitz-Birkenau commencent vraisemblablement le jour où le projet de visite est abordé en classe et se poursuit après l’expérience du voyage, jusqu’à sa restitution aux autres élèves ou aux parents. L’enquête effectuée permet également de montrer qu’un effet visite global qui débuterait durant la préparation, se renforcerait avec la visite et se prolongerait à court et long terme ne se produit que pour les connaissances, et de manière exceptionnelle. Ainsi, l’effet attendu par les organisateurs est surtout visible durant les années de lycée ».

Finalement le bilan est jugé positif mais nuancé.  » Il permet de susciter d’autres questions et de mettre en doute aussi bien l’idée que se rendre à Auschwitz-Birkenau a un effet massif et définitif que celle qui voudrait qu’une telle visite n’ait aucun impact ».

En 2015, le Café pédagogique avait croisé plusieurs professeurs et leurs élèves de retour d’un voyage à Auschwitz avec la région Ile-de-FRance comme ces jeunes du lycée professionnel Guimard de Paris. La plupart appartiennent aux « minorités visibles » et d’autres drames (l’esclavage, la Palestine…) viennent souvent faire concurrence à la mémoire de la Shoah.  » Maintenant il n’y a plus de compétition mémorielle », nous avait dit Thomas Lebray, leur professeur de lettres histoire. « Les élèves ont pris conscience de la réalité de la Shoah, de la façon dont elle s’est construite, parfois improvisée », expliquait sa collègue Houda Bouali. Pour Thomas Lebray, le travail historique fait en classe donne du sens à l’empathie ressentie par les jeunes.

C’est rappeler l’importance du travail fait avant et après le voyage à Auschwitz. C’est lui qui donne du sens aussi bien pour mémoriser les connaissances ( par exemple la découverte de l’univers yiddish) que pour ancrer des valeurs.

François Jarraud

L’étude de Ygal Fijalkow

En 2015

Enseigner la Shoah leçons de vie

Sur les sentiers de la mémoire

S Amelineau