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« Nous sommes préparés en cas d’épidémie ». Pour le ministère, la phrase de JM Blanquer doit maintenant s’incarner. C’est le but de la présentation réalisée le 2 mars par le directeur de la Dgesco et celui du Cned pour démontrer que les cours peuvent dans tous les cas être maintenus même si les établissements sont fermés grâce à la plateforme d’enseignement à distance du Cned. Mais suffit-il d’une plateforme pour enseigner à distance ? C’est une question que nous avons posé au ministère et à Francette Popineau, secrétaire générale du Snuipp Fsu.

A quoi sert la continuité pédagogique ?

Peut-être faut-il commencer par expliquer pourquoi il faut maintenir les cours quand les écoles sont fermées. Après tout on pourrait déplacer les vacances. Mais l’étude du Haut Conseil de la Santé Publique de 2012 montre que fermer les écoles coute très cher car les parents sont obligés d’arrêter de travailler. Cette fermeture doit être lancée au bon moment. Elle n’a aucun effet sur l’épidémie si les enfants ne sont pas occupés. Parce que, en quarantaine ou pas, si les enfants n’ont rien à faire, ils sortent, fréquentent jardins et magasins et partagent leurs virus avec leurs camarades. Pour que la couteuse fermeture des écoles soit efficace il faut impérativement maintenir des activités scolaires dans un volume suffisant. A cette condition, la fermeture des écoles peut avoir un effet retardateur, voire réducteur, sur la pandémie.

De la maternelle à la terminale

Mais revenons au ministère. Il y a déjà assez d’ennuis de toutes sortes. Alors quand il s’agit de présenter la plateforme d’enseignement à distance à la presse, le ministère ne prend pas de risques. Pas question que les journalistes manipulent l’outil « si facile que les enfants du primaire vont l’utiliser ». Pas question non plus de téléviser en direct en plein JT la présentation. On ne sait jamais…

« Ma classe à la maison, la plateforme du Cned, offre 3 à 4 heures d’activités scolaires par jour, 5 jours par semaine. Les ressources vont de la grande section de maternelle à la terminale. Et le Cned a choisi les chapitres des programmes correspondant au 1er et au 2d trimestres avec des rappels du 1er trimestre. Les élèves peuvent réviser et faire de nouvelles activités.

A cela s’ajoute un outil de classe virtuelle où les élèves et le professeur peuvent se donner rendez vous, échanger des fichiers et s’exprimer via un tchat et un tableau blanc. Avec la classe virtuelle, « on peut maintenir un lien humain », estime E. Geffray, directeur général de l’enseignement scolaire. La plate forme et la classe virtuelle peuvent accueillir 6 millions d’élèves, déclare Michel Reverchon Billot, directeur général du Cned.

Les profs sont-ils obligés de participer à la continuité pédagogique ?

« La continuité pédagogique a vocation à être assurée de manière exclusive par le ou les professeurs habituels de l’élève », nous dit E Geffray. « La classe virtuelle est administrée par le professeur de l’élève mais coordonnée par le chef d’établissement », précise t-il. Il concède que « si la continuité pédagogique est la règle, elle est portée par les professeurs de l’élève mais peut être réalisée selon des modalités différentes selon la propre démarche pédagogique du professeur ».

La procédure de mise en route part du rectorat qui envoie aux établissements les indications de connexion et ceux ci les répercutent vers les parents par mail ou par l’ENT. Au primaire, « les parents ont le plus souvent une adresse mail », nous dit E Geffray quand on lui demande comment les écoles, qui n’ont pas d’ENT, peuvent contacter les parents. « Il faut une présence parentale qui accompagne l’enfant », ajoute-il.

F. Popineau : « On n’est pas prêt pour un véritable enseignement à distance »

« C’est très prétentieux de dire qu’on est prêt », nous a dit Francette Popineau, co secrétaire générale du Snuipp Fsu, le premier syndicat des professeurs des écoles. « On a des outils pour occuper les enfants de manière ponctuelle mais on n’est pas prêt pour un véritable enseignement à distance ».

F Popineau cite trois limites au dispositif présenté par le ministère. « L’outil numérique peut permettre de revoir un exercice. Mais pour apprendre une notion il faut un accompagnement pédagogique ». Elle relève aussi que toutes les familles n’ont pas le matériel numérique nécessaire. « Peut-on prêter des ordinateurs ? Qui le ferait ? ». Pour elle, « on pourrait parler enseignement à distance si les enseignants et les élèves étaient formés à la classe virtuelle. Et on est loin du compte ! »

Il faut créer un protocole d’urgence

« Il est temps de prévoir un protocole utilisable à tout moment avec de la formation aux outils numériques comme la classe virtuelle et des ordinateurs portables modernes dans les écoles. Les collègues sont partants pour participer à la réalisation de documents pédagogiques. Mais il faut leur dire comment il faut faire ».

Pour le moment le Cned envoie avec les codes d’accès des conseils d’utilisation de la classe virtuelle pour les parents et un guide pédagogique pour les enseignants. Rien n’est prévu dans les jours à venir pour faire découvrir ces outils aux enseignants. Seul progrès : de nombreuses mairies, mais pas toutes, ont livré du savon et des lingettes dans les écoles. Ca aussi il ne faudrait pas l’oublier dans le protocole…

François Jarraud

L’école est-elle prête ?

Le rapport du HCSP