Print Friendly, PDF & Email

« Le principe c’est que les adultes sont au travail ». JM Blanquer a présenté la 14 mars les mesures prises pour assurer la « continuité pédagogique » et la garde des enfants de soignants. Alors que des situations très différentes sont en train de se mettre en place selon les départements ou les circonscriptions, la circulaire du ministère ne dit rien des obligations des enseignants et le ministre renvoie aux inspecteurs (IEN) et aux chefs d’établissements. Pour la continuité pédagogique, la circulaire semble miser davantage sur le papier que sur le numérique. Les écoles et les collèges devront garder les enfants de soignants inscrits chez eux.

Les enseignants astreints à venir dans les écoles et établissements

« La moitié des professeurs en permanence dans les établissements en moyenne ». C’est ce que JM Blanquer prévoit pour la durée de la fermeture des écoles et établissements scolaires. La question inquiète les enseignants alors que des consignes très différentes leur sont envoyées par leur hiérarchie. A certains endroits, les enseignants sont invités à faire leur service habituel dans leur école ou établissement, sauf qu’ils n’auront pas d’élèves. Ailleurs ils sont invités à rester chez eux et faire du télétravail. Derrière la question il y a les risques des transports en commun et des contacts en établissements par exemple lors des réunions.

On pouvait attendre de la circulaire envoyée par la Dgesco aux recteurs et inspecteurs qu’elle apporte une réponse claire. Il n’en est rien. La circulaire se borne à dire que « lorsque les conditions le permettent ,les professeurs et les autres personnels peuvent réaliser tout ou partie de l’activité nécessaire depuis l’école ou l’établissement, sous réserve de respecter les consignes sanitaires de prévention ».

Interrogé par le Café pédagogique, le ministre est plus précis. « Le principe c’est que les adultes sont au travail. Les modalités c’est d’être dans l’établissement ou à la maison. C’est le chef d ‘établissement qui décide. Un professeur qui a une raison de ne pas venir (parce qu’il est malade ou a des enfants à garder) le fait valoir. La moitié des professeurs en permanence dans les établissements c’est une moyenne. Chaque chef d’établissement a besoin d’une équipe pour assurer le fonctionnement de l’établissement ». Le ministre « peut concevoir que certains soient en télétravail certains jours et présents à d’autres moments ». Il maintient le droit pour la hiérarchie d’organiser des réunions.

Autrement dit c’est la hiérarchie, souvent le recteur, parfois l’IEN ou le chef d’établissement, qui va décider de la présence des enseignants dans les jours à venir. A certains endroits les responsables locaux convoquent les enseignants pour travailler sur le projet d’établissement ou sur une autre question, exactement comme si les déplacements n’étaient pas vivement déconseillés. Dans tous les cas, « chaque professeur s »assure d’être joignable soit dans l’école, l’établissement ou à distance via l’ENT en échange synchrone », dit la circulaire. Rappelons que dans le 1er degré il n’ya pas d’ENT. Les conseils de classe « peuvent être tenus en présentiel ou en audio ou visio conférence », dit le même texte.

La circulaire prévoit que les directeurs d’école et les chefs d’établissement assurent des permanences dans les locaux scolaires pour les seconds. « Les directeurs doivent pouvoir être joints… au moins durant les horaires habituels d’ouverture de l’école ». Les chefs d’établissement « assurent une permanence physique afin de veiller à la sécurité de l’établissement et d’autre part une permanence téléphonique au moins pendant les horaires d’ouverture de l’établissement ».

Des gardes d’élèves sans masques protecteurs

La circulaire ne parle pas non plus des gardes d’élèves. Mais « des lignes directrices » sont diffusées par le ministère. Elles prévoient la prise en charge par l’Education nationale des enfants de soignants à partir du lundi 16 mars. Les enfants devront être regroupés jusqu’à 10 élèves maximum. Le service de garde concerne les jeunes de 3 à 16 ans et exclut les lycéens. Les enfants devront être gardés dans leur école ou établissement habituel. En réponse à une question du Café pédagogique, sur les masques pour protéger les enseignants qui assureront les gardes des enfants de soignants, le ministre répond qu’il y aura du savon et du gel hydro-alcoolique et qu’il faudra lors des gardes respecter les distances. Outre qu’on ne voit pas comment ces prescriptions seront respectées, nous avons compris que les enseignants requis pour garder les enfants des soignants n’auront pas droit à des masques de protection.

Le ministre a aussi évoqué le bac. Dans le cas où les établissements seraient encore fermés « quelque soient les circonstances on aura une solution ». Mais il a refusé de dire lesquelles.

La photocopie plus forte que l’enseignement à distance

Enfin le ministre a longuement parlé de l’enseignement à distance comme s’il allait devenir la norme dans les jours à venir. JM Blanquer affirme que son ministère y travaille depuis des mois, alors que la fermeture des écoles était exclue par lui le 12 au matin…

La circulaire est plus réaliste. Certes elle consacre un paragraphe à l’enseignement à distance. Elle invite les DANE à mettre en place un dispositif d’assistance et de conseil des enseignants par une adresse mail ou une hotline. Mais l’enseignement à distance ne s’improvise pas coté enseignant et encore moins coté élèves. C’est maintenant que le ministère se soucie de former les enseignants alors que toute la semaine dernière il aurait pu le faire avec les professeurs et les élèves présents. Cela aurait au moins permis une découverte des outils par les uns et les autres. Mais il est vrai que le ministre n’a absolument pas anticipé la fermeture des écoles et es établissements. De la même façon la circulaire demande aux directeurs et chefs d’établissement de se procurer l’adresse électronique des parents, consigne qu’il aurait fallu donner il y a une semaine…

La circulaire est plus réaliste quand elle parle des outils du Cned et des ENT en ajoutant que « les enseignants peuvent mettre à disposition des documents non interactifs » et « qu’il convient de maintenir la capacité de reprographier les documents sous un format papier ». Elle recommande pour la continuité pédagogique « les solutions les plus adaptées et les plus simples » et notamment « des points de dépôt de documents pédagogiques sur support papier ». De fait c’est la solution retenue par la plupart des enseignants. Selon le ministre Ma classe à la maison aurait 220 000 inscrits. Il en manque encore 12 millions.

Un ministre dépassé

JM Blanquer a beau répéter que tout était prêt depuis des mois, on voit bien que ce n’est pas le cas. Le ministre qui affirmait que la fermeture générale était exclue le 12 mars au matin, a été pris à rebours par le président de la République le 12 au soir. Depuis ce vendredi soir, l’Education nationale tente de faire face. Ici elle y arrive dans le consensus. Là le coronavirus sert d’occasion pour reprendre en main les enseignants et affirmer l’autorité de chefs qui ne semblent pas comprendre les enjeux sanitaires de la situation actuelle.

Bien que le premier mort français du coronavirus ait été un enseignant, le ministère a minimisé le risque depuis décembre. La dernière circulaire publiée le 12 mars est devenue obsolète 24 heures après publication. La circulaire du 13 mars tente de récupérer ce retard. Visiblement il a du mal à trouver les marques de la crise grave qui s’avance.

François Jarraud

La nouvelle circulaire

La FAQ mise à jour le 14 mars

Fermeture des écoles et établissements

Le Dossier Coronavirus du Café : instructions, ressources, école et société