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La question du bac était en suspens au moment où l’épidémie est venue vider les lycées. S’il est clair que les circonstances exceptionnelles liées à la pandémie ne laissent guère d’autre choix que de miser sur le contrôle continu, la décision du premier ministre va-t-elle anticiper sur l’avenir du bac ? Le ministre et le gouvernement penchent vers un bac au contrôle continu. Or, s’il a des avantages, le bac au contrôle continu a aussi ses inconvénients…

Un débat montant depuis 2016

Le débat sur le bac au contrôle continu n’a pas attendu 2020. En juin 2016, Annie Genevard, alors déléguée nationale à l’éducation des Républicains, promettait une réforme pour un bac simplifié en cas de victoire de son parti aux présidentielles.  » Il faut recentrer les épreuves sur les matières fondamentales de chaque section par des coefficients significatifs ».Elle reprenait là une idée exprimée dans un rapport de 2009 de Benoit Apparu.

Un peu plus à gauche, le Think Tank Terra Nova publie au même moment une étude de Martin Andler et Armelle Nouis qui défend la même idée. Les auteurs proposent de limiter l’examen à 4 épreuves passées en deux journées. Les autres disciplines seraient évaluées au contrôle continu.

Finalement, en juillet 2016, N. Vallaud Belkacem annonce elle -aussi une réforme du bac. « Il faudra faire un jour le toilettage du bac, avec sans doute moins d’options, moins d’épreuves et un calendrier plus équilibré », dit-elle dans Les Echos. Plus tard sur RTL elle ajoute qu’il y a « trop d’épreuves, trop d’options ».

Tout cela se retrouve en 2017 dans le programme Macron. Il prévoit d’alléger le bac en réduisant à 4 épreuves l’examen final, les autres disciplines étant au contrôle continu. Pour le candidat il s’agit  » de rendre possible de nouvelles formes d’organisation du temps scolaire et de nouveaux parcours, qui prépareront mieux à la poursuite d’études et à l’insertion professionnelle ».

La réforme Blanquer fait entrer le contrôle continu dans le bac

Quelques mois plus tard, le rapport Mathiot lie réforme du lycée et du bac et prévoit un bac allégé autour de quelques épreuves. En février 2018, JM Blanquer présente sa réforme qui cherche l’équilibre entre un bac national et une part de contrôle continu. En plus des épreuves finales, les autres disciplines du tronc commun (histoire géo, emc, langues, eps et humanités scientifiques et numériques) sont évaluées au controle continu. Mais cela repose sur des sujets nationaux et des copies anonymisées qui sont corrigées par un autre professeur que celui de l’élève dans l’établissement et une harmonisation est assurée.

Malgré tout, sa réforme passe mal auprès des enseignants attachés à un diplôme national. Le bac 2019 est sérieusement perturbé. Celui de 2020 l’aurait probablement été tant la contestation contre les premières épreuves de contrôle continu à l’hiver 2020 était forte. Seules les circonstances peuvent faire accepter l’idée d’un bac au contrôle continu en 2020. Le ministre ferait bien d’en préciser le caractère exceptionnel de cette session. Et non miser sur un acquis.

Les limites du contrôle continu

Si le contrôle continu est autant contesté c’est qu’il a , à coté de l’avantage des économies de moyen et de la simplicité, de sérieux inconvénients.

C’est que la nature de l’examen n’est pas sans conséquences pour les candidats. Faire passer les épreuves au contrôle continu créé davantage d’inégalités entre les candidats. La correction n’est pas anonyme et les stéréotypes jouent leur rôle de façon plus importante qu’avec une correction anonyme ou par un enseignant inconnu.

Le contrôle continu fausse aussi la relation pédagogique. Au lieu d’être un support pour préparer un examen, l’enseignant devient l’évaluateur. Du coup le rapport del’élève à la discipline et à l’enseignant est modifié et cela met l’enseignant dans une position plus difficile.

Installer le contrôle continu c’est transformer le bac de diplôme national en diplôme d’établissement. Or, compte tenu des écarts énormes de niveau entre les établissements, cela se retournerait contre les lycéens des quartiers populaires et leurs élèves.

Il y a un autre effet qui retombe sur ces lycéens. « Les évaluations externes élèvent le niveau général des élèves et réduisent les écarts de résultats entre eux », expliquait Nathalie Mons, présidente du Cnesco, au moment de la parution d’un dossier sur le bac en 2016. « Cela s’explique par le fait que l’évaluation externe fait référence dans tous les établissements. C’est un objet pédagogique externe qui oriente les pratiques pédagogiques. Dans les établissements défavorisés ça permet d’avoir des objectifs nationaux et du coup d’aller au delà des difficultés scolaires des élèves », explique-t-elle.  » On se rappelle qu’Agnès van Zanten, par exemple, a montré que dans les établissements défavorisés les enseignants ont tendance à s’adapter au niveau des élèves. L’examen final externalisé rompt avec cette habitude et élève les objectifs ».

Si le contrôle continu semble indispensable pour que les élèves n’aient pas une année 2019-2020 blanche, le maintenir au-delà de 2020 diminuerait les chances d’accès au supérieur des lycéens des quartiers populaires. Au tri selon les lycées déjà installé dans Parcoursup, s’ajouterait une baisse de niveau justifiant au final la sélection opérée à leurs dépens.

François Jarraud

Rapport Terra Nova

Rapport du Cnesco

N Mons