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A l’heure du confinement et de la classe à la maison, les sites pédagogiques d’enseignants et de collectifs sont pris d’assaut. Loin de privilégier les seules ressources proposées par le ministère, les professeurs se sont tout naturellement dirigés vers ceux qu’ils connaissaient déjà. PIDAPI, « parcours individualisés des apprentissages en pédagogie institutionnelle », est l’un de ceux-là. Le site datant de plus de dix ans recense près de 100 000 téléchargements depuis le début du confinement. Un succès qu’il doit à la mobilisation des trente auteurs-enseignants qui ont créé et mis en ligne plus de 70 documents regroupés en 10 fascicules recouvrant trois domaines des programmes en français-maths du cycle trois de l’école primaire. Pierre Cieutat est l’un de ces auteurs. Professeur des écoles en disponibilité, il a exercé de nombreuses années dans une classe de cycle trois à Montpellier.

Une association née de la réforme des cycles

PIDAPI est une association créée en 2003 par un collectif d’enseignants qui construisaient des outils pour leurs classes multi âges à l’école Balard de Montpellier. En 1998 apparaît la réforme qui institue les cycles. « Pour eux cette réforme, c’était le moyen de favoriser la coopération entre élèves dans les classes en organisant des temps de différenciation nécessitant l’autonomie et l’entraide fortement inspiré par le mouvement Freinet et le travail de l’ICEM depuis plus de 70 ans. Ces dispositifs mais aussi l’outillage qu’ils avaient créé avaient un fort impact sur les enseignants qui visitaient leur école et il y eut une forte demande pour partager ces outils ». Face à cette demande de collègues, le collectif s’est transformé en association pour produire pour d’autres et recueillir de fonds pour favoriser à long terme la coopération dans les classes ailleurs. Pari qui a fonctionné. Il y a maintenant 30 auteurs-enseignants exerçant partout en France. L’association dans son ensemble peut s’appuyer sur 300 à 400 membres selon les années. « Nous estimons que plus de 1000 enseignants utilisent les outils PIDAPI pour leurs classes » explique Pierre.

Pas seulement une ressource, PIDAPI est une démarche

Pour autant, ce que proposent les auteurs, ce ne sont pas des ressources à utiliser sans accompagnement, c’est toute une démarche. « L’outil en lui-même ne porte pas les modalités de son utilisation, c’est la combinaison de l’attention de l’enseignant, de ses connaissances et des conditions de mise en pratique qui détermine son usage concret. La démarche PIDAPI devrait permettre à l’enseignant d’organiser plus facilement une différenciation efficace mais il est très facile d’utiliser les outils PIDAPI pour du bachotage ou pour éviter à l’enseignant la préparation de supports adaptés à sa classe pour les moments collectifs ». Faire des ressources PIDAPI une méthode, en modélisant fortement l’utilisation des outils ou laissez les enseignants utiliser les outils comme ils le souhaitent ? Tel est le dilemme qui traversait l’association depuis de nombreuses années.

Avec le confinement, la question s’est tout naturellement reposée, l’inquiétude première des adhérents étant que les enseignants envoient les fichiers aux élèves sans accompagnement. Une inquiétude vite confirmée par les multiples demandes d’envoi des fichiers en PDF qu’ils ont reçu des enseignants et enseignantes. « Dans l’improvisation généralisée, les professeurs ont naturellement pensé à PIDAPI car il est conçu pour être utilisé en autonomie par les élèves. Il semblait évident que c’était une solution de leur donner tel quel le matériel pour travailler à la maison. Cette décision, prise dans l’urgence, pourrait avoir des conséquences importantes sur la vie de classe au retour, à ce moment-là il était annoncé un confinement de 15 jours à un mois maximum. Qu’allaient faire les enseignants du travail accompli par les élèves en classe ? Valideraient-ils automatiquement le travail fait ? Comment connaitre les conditions dans lesquelles cela avait été travaillé ? Les parents n’allaient-ils pas mettre la pression sur leurs enfants pour valider de nouvelles compétences et avancer sur leurs ceintures, avec quelles conséquences sur le climat familial ? ». Pour autant, les auteurs, conscient de la difficulté des enseignants, décident de les aider quand même. « Il nous est venu l’idée de créer un matériel ad ’hoc d’entrainement en lien avec le niveau de l’enfant dans sa classe pour qu’il puisse rester en contact avec le travail scolaire ».

Plus de 70 documents disponibles gratuitement en ligne

En 10 jours, les auteurs ont créé et mis en ligne plus de 70 documents regroupés en 10 fascicules recouvrant trois domaines des programmes en français-maths du cycle trois de l’école primaire. « Nous avons mis en ligne le premier feuillet le 20 mars. Un mois et demi après nous avons dépassé les 10 000 visites et nous pensons que plus de 100 000 documents ont été téléchargés. Il semblerait que cela ait répondu à un besoin et que le bouche-à-oreille a fait son effet. Nous réfléchissons d’ailleurs à proposer ce type d’outil comme complément à ce qui est déjà disponible pour les enseignants dans leur utilisation de classe quand la situation sera revenue à la normale ».

Afin d’expliquer leurs démarches, les auteurs ont laissé un message sur la page d’accueil du site : « Beaucoup d’enseignants travaillent depuis ce weekend à rassembler et créer de nombreuses ressources ; peut-être déjà trop. Les élèves et leurs parents sont tellement stressés que les sites en lignes peinent. Essayons de temporiser… Ne nous inquiétons pas trop… l’objectif est moins l’acquisition de connaissance nouvelles que le maintien de l’activité intellectuelle ». Un message rédigé « un peu dans l’urgence pour pouvoir répondre de manière collective aux demandes pressantes et multiples des enseignants qui nous sont arrivées en quatre jours, réaffirmer notre ligne éditoriale en quelque sorte ».

Lilia Ben Hamouda

Pidapi