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Quel regard l’Ecole française jette-elle sur les élèves migrants ou issus de l’immigration ? Hélène Buisson Fenet et Olivier Rey coordonnent un petit livre (Ecole et migration : un accord dissonant » ENS édition) qui réunit des contributions (Régis Guyon, Mathieu Ichou, Simon Keste, Geneviève Mottet, Claire Schiff et Jean-Luc Vidalenc. Il met en évidence un certain retard de l’école française à travailler sérieusement sur la question de la spécificité des élèves migrants et (encore plus) sur la difficulté de l’école française à prendre en compte les spécificités de chacun de ces élèves. Car, bien loin de créer une catégorie à part, ces jeunes sont autant de cas particuliers insérés dans des relations compliquées avec le pays d’accueil.

Par quel bout prendre ces relations ? Ecoutons Claire Schiff (université de Bordeaux) sur les relations ambigües des jeunes migrants avec l’Ecole française. « Il existe un effet positif propre de l’expérience de la migration sur la motivation et la persévérance scolaire », explique t-elle. Beaucoup de ces jeunes ont rejoint leurs parents en France à cause de l’école française. Ils jettent un regard positif sur les pratiques pédagogiques des enseignants français par rapport à ce qu’ils ont vécu dans leur pays. Pourtant leur insertion scolaire est difficile : seulement 10% des jeunes arrivés à 16 ans sont scolarisés à 17 ans. La maitrise de la langue et du vocabulaire scolaire, qui est déjà pour beaucoup dans l’échec scolaire des petits français d’origine, jour très négativement pour eux.

Ecoutons Mathieu Ichou qui rappelle l’importance de l’origine sociale de départ de la famille mais aussi celle de la fratrie. « La génèse de leur réussite scolaire oblige à décentrer le regard vers la société d’origine des parents », explique t-il.

Pour avoir considéré tardivement la question élèves migrants (1964 première enquête Ined, difficultés encore actuelles pour travailler sur les ethnies), l’école française a encore un gros travail à faire pour lutter contre les préjugés. « Les lecteurs découvriront combien l’image complaisamment véhiculée de la migration comme fait homogène et source de problèmes scolaires inhérents à la condition d’étranger n’a que peu à voir avec la complexité de parcours et d’expériences, dans lesquels les continuités et les ruptures ne se situent pas forcément là où on les attendait », notent les coordonnateurs.

Pourtant ce travail d’analyse est l’intérêt de tous. « Examiner la situation des élèves issus de la migration permet alors de mettre en lumière des normes implicites de notre culture scolaire qui ne sont pas sans lien avec la production de la difficulté à l’école ».

F Jarraud

Hélène Buisson-Fenet et Olivier Rey (dir.), École et migration : un accord dissonant ?, ENS Edition, EAN électronique : 9791036201998