Print Friendly, PDF & Email

A quelques heures de la réouverture des collèges de la zone verte, quels sont les soucis des professeurs d’histoire-géo ? Quatre enseignants partagent leurs réflexions sur l’accueil des élèves, l’accompagnement des élèves qui restent à distance, la façon de faire cours dans le nouvel environnement et bien sur la question des programmes. Des points se dégagent : des inquiétudes pour le suivi des élèves à distance et l’envie de renouer la relation pédagogique.

Premières heures…

Lundi 18 les collèges de la zone verte vont réouvrir et , dans la plupart des collèges, les enseignants accueilleront des élèves pour la première fois depuis deux mois. Ils le feront dans des collèges aménagés en fonction d’un protocole sanitaire qui ajoute des contraintes aux pratiques pédagogiques.

Aucun enseignant n’imagine reprendre avec un chapitre d’histoire ou de géographie comme si rien ne s’était passé. « On ne sait pas où on va, mais on ne va pas repartir de but en blanc sur les points au programme », nous dit Gilles Chamayou, professeur au collège Itard à Oraison (Alpes de Haute Provence). Le collège attend une cinquantaine d’élèves qui seront réunis en groupe de 10 à 15 élèves. Son idée c’est de reprendre avec un cours d’EMC (éducation civique). « L’EMC va nous permettre de les faire parler s’ils le veulent. Ils pourront prendre du recul sur ce qui s’est passé, sur le rôle de l’Etat. On a travaillé en 5ème sur le thème de la solidarité et on va rebondir là dessus. On va parler de la pandémie, de son impact sur les familles et le pays. On va surtout répondre à leurs questions ».

Dans le collège d’Anaïs Le Thiec, professeure au collège Molière de Beaufort en Anjou, la première matinée sera réservée à des heures de vie de classe. Cela permettra de commencer l’histoire-géographie avec des quizz amusants sur ce qui a été fait durant le confinement. « On parlera s’ils en ont envie ». Même accueil de la parole des élèves pour Karl Zimmer qui enseigne dans un collège Rep à Allonnes (Sarthe). « On accueille leur parole et leur vécu avant tout cours », nous dit-il. « Le plus étrange c’est qu’il faudra à la fois avoir un discours très bienveillant et imposer un cadre très contraignant. L’atmosphère sera étrange et pas très rassurante ». « On regardera comment l’histoire géographie a pu nous aider durant cette période », dit Virgine Estève, professeure dans une cité scolaire de Lourdes. Elle attend seulement 4 ou 5 élèves sur 28.

 » Toute la pédagogie qu’on a mis en place, il va falloir l’oublier »

Pour tous ces enseignants, les semaines d’enseignement à distance ont été riches pour eux mais aussi pour les élèves. « Il a bien fonctionné », nous dit, par exemple, estime G Chamayou. Dans son collège il estime que pas plus de 3 ou 4 élèves par classe ont été perdus durant le confinement. Un nombre qui peut être plus important en Rep. Les enseignants et les élèves ont appris des choses durant ces semaines et notamment à utiliser l’outil numérique. Mais aucun des professeurs ne pourra s’en servir en classe pour des raisons sanitaires : le matériel devrait être partagé et donc désinfecté régulièrement.

Alors comment enseigner à des élèves qui sont isolés et enfermés dans leur espace ? « Toute la pédagogie qu’on a mis en place, il va falloir l’oublier », nous dit Anaïs Le Thiec. « On ne pourra pas faire de photocopies, pas de tâches complexes, plus de surprises. En plus il va falloir que ceux qui sont restés à la maison puissent suivre notre travail en classe ». Elle s’attend à ce que « ce ne soit pas les meilleurs cours de ma vie ». Mais elle compte sur ses capacités d’animation et sur le petit nombre d’élèves. « IL nous reste les interactions orales ».

Karl Zimmer est inquiet aussi. « En théorie les élèves ont des manuels mais on sait qu’ils les oublient et qu’on ne pourra pas en prêter » Sa classe est équipée en gel ce qui du coup rend les photocopies possibles. « Il va falloir réinventer », pense Virgine Estève. « Je veux éviter le cours magistral. On peut leur apprendre à travailler en coopérative. On va trouver ». V. Estève a sa petite idée: les cours de récréation de son établissement sont vastes et il y a peu d’élèves. Elle envisage de faire cours dehors ce qui permettra d’organiser des groupes d’élèves qui échangeront tout en gardant leurs distances. »Il va falloir faire avec ».

Privilégier les compétences et les notions sur les contenus

Et les autres élèves, ceux qui restent chez eux ? « Pas question de laisser tomber mes élèves qui suivent l’enseignement à distance », revendique G Chamayou. « Tant que je pourrai faire les deux enseignements je continuerai ». Virginie Estève cherche le moyen de concilier le présentiel avec le distanciel. Karl Zimmer ne pourra pas faire cours à la fois à distance et en présentiel. « On arrête l’enseignement à distance », dit-il. Les élèves disposeront du cahier de textes pour suivre le travail fait en classe.

Sera t-il possible de boucler le programme d’ici le 4 juillet ? « Je travaille beaucoup par compétences », nous dit G Chamayou. « Je me focalise sur elles plus que sur le programme. Faire tout le programme ne sera pas possible. On réfléchit sur le chevauchement qu’on pourrait faire avec le programme de l’année prochaine. L’année prochaine on ne pourra pas faire l’économie de revenir sur les notions de la fin de l’année précédente ».

« Je ne sais pas si je pourrai faire le programme », dit A Le Thiec. « Je n’ai pas envie de stresser les élèves ». V. Estève pense que ce sera difficile aussi ne serait-ce que parce qu’une partie importante de la classe ne sera pas en présentiel. « Il y a des notions qui doivent être faites cette année. On les travaillera. Mais on peut les voir avec moins d’exemples. Par exemple, le fait religieux peut être vu avec une seule religion ».

A tous points de vue cette fin d’année sera très différente des années ordinaires. Les enseignants pensent déjà à la rentrée de septembre. Il reste quelques semaines pour penser un vrai enseignement mixte, en présentiel et à distance.

François Jarraud