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« Je suis une fourmi de terrain. J’ai la bougeotte ». Longtemps enseignante et formatrice en Rep+, Claire Lomme enseigne les maths dans un collège de la banlieue plutôt favorisée de Rouen. Elle termine une dernière année de formatrice et de référente académique premier degré. Parce que les frontières c’est pas son truc. Pour Claire Lomme il n’y a pas d’un coté l’écolier, de l’autre le collégien. Pas plus qu’il n’y a de mur entre l’enfant et l’élève. A cheval sur des univers réputés distants, Claire Lomme est bien installée pour observer et tenter de comprendre comment les maths entrent (ou pas) dans les chères têtes blondes. Son blog est lui aussi à géométrie variable : vous y observez la classe et vous voilà en train d’écouter Claire Lomme penser !

On a parfois des coups de coeur pour des sites sur la toile. Le blog de Claire Lomme peut s’apprécier même quand on n’est pas du tout scientifique. Le coup de coeur vient du fait qu’on se retrouve instantanément toujours dans la classe, le plus souvent en 6ème. Et en même temps Claire Lomme dévoile ses sentiments par rapport à un micro événement vécu en classe. Et on voit sa pensée zigzaguer et chercher la piste, les solutions ou une expression pour réagir à cette situation. Si former c’est partager, faire réfléchir et au final donner du sens, alors le blog de Claire Lomme est un des meilleurs sites de formation qui soit pour les enseignants, toutes disciplines confondues, même s’il est toujours question de maths. Mais laissons lui la parole…

Votre blog est à cheval entre l’école et le collège. Pourquoi ?

Actuellement je suis sur un poste un peu inventé pour moi comme formatrice 1er degré. Il me transforme. Les collègues du 1er degré font des choses extraordinaires pour les enseignants du 2d degré. Et ceux du 2d degré ont un regard didactique différent puisqu’ils n’exercent que dans une discipline. C’est dire que j’aime aller dans les classes des deux degrés. Je crois qu’il n’y a pas assez de continuité dans le parcours d’apprentissage des élèves. Cela engendre des incompréhensions entre les enseignants qui n’ont pas toujours conscience du travail des collègues des années précédentes. Ca me fascine de suivre les enfants comme cela et de voir qu’ils n’arrêtent pas de réapprendre les mêmes choses. Il faudrait que les enfants soient au centre et qu’il n’y ait pas de cloisons entre les degrés.

Un professeur du 2d degré apprend quoi quand il va dans le 1er degré ?

En maths, il apprend la didactique des nombres. IL apprend à reconnaitre les obstacles épistémologiques auxquels on échappe au collège. Par exemple il faut avoir conscience de la façon dont les élèves apprennent ce qu’est un carré pour comprendre beaucoup de confusions plus tard par exemple entre carré et rectangle. Le 1er degré fait aussi comprendre ce qu’est la différenciation. Les enseignants du 1er degré ont des classes à 2 ou 3 niveaux plus des élèves à besoins particuliers et ils s’adaptent. Ils m’apprennent à me dire que c’est possible !

Vous avez introduit des pratiques du 1er degré dans votre classe ?

Je ne mets pas de notes. J’évalue par compétences et mes élève sont une fiche individuelle de « super héros des maths » avec des poinst qu’ils gagnent par leur travail. Ces points leur donnent des pouvoirs. Tout cela vise à leur donner envie d’apprendre des maths.

Votre intérêt pour le premier degré est lié à celui que vous éprouvez pour l’enfant qu’est aussi l’élève ?

J’ai toujours travaillé en tissant un lien affectif avec les élèves. Ca compte plus que la performance en maths. Mais c’est bien cela qui m’a amené à l’intéresser au 1er degré. Je ne crois pas qu’on puisse apprendre en formatant les gens. Enseigner c’est rendre l’autre libre.

Votre classe ressemble à quoi ?

J’ai de la chance : elle est très grande. Du moins en temps normal car en ce moment c’est bien différent. Je peux y installer des ilots. Et puis j’ai un coin bricolage avec un établi. Les murs sont couverts de productions des élèves, notamment des dessins d’élèves heureux. Il y a aussi un coin lecture avec une bibliothèque et des poufs. Ce sont surtout des lectures sur les maths. Mais pas seulement…

Comment est né votre blog ?

J’ai toujours aimé écrire. Et j’ai créé le blog au départ pour mes élèves. Mais avec mon activité de formatrice, le blog a attiré beaucoup de collègues. Il me permet d’entretenir un réseau vivant qui m’apporte beaucoup. Le blog m’oblige aussi à finaliser ma réflexion. Quand j’écris je suis obligée de structurer ma pensée et de chercher plus d’objectivité.

Comment choisissez vous vos sujets ?

Je réagis à des choses qui me frappent. Je me défoule aussi parfois. Je mets mes idées au clair. La classe nourrit ma réflexion. Elle me permet de rester les pieds sur terre et de ne pas négliger les difficultés concrètes de la classe, ces incident qui font capoter les leçons bien préparées… La classe joue un role premier aussi parce que c’est ma motivation : je fais ce métier pour les élèves. Je veux transmettre ce coté humain du métier. Enfin j’ai pu mettre sur le blog tous mes contenus de formation.

Quel est pour vous l’obstacle principal à la réussite des élèves en maths ?

La langue des maths, la distance avec le réel, le sentiment que ce qu’on fait n’est pas utile. Les élèves voient les maths comme une somme de connaissances et de gestes à mettre en oeuvre. Alors que c’est un outil de pensée indépendant des notions qu’on enseigne. Pour eux le théorème de Pythagore est important alors que pour moi c’est juste un moyen pour apprendre à raisonner. L’objectif des maths c’est de comprendre le monde et d’être plus libre.

Propos recueillis par François Jarraud

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