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L’adaptabilité serait-elle la plus utile et complexe compétence professionnelle d’un enseignant, en particulier quant il est confronté à l’impératif d’une si changeante « continuité pédagogique » ? Au quotidien, comment passer de l’enseignement en présentiel à l’enseignement à distance puis à l’enseignement en semi-présentiel ? François Jore, professeur de français au collège Pierre de Dreux à Saint-Aubin-du-Cormier, témoigne de l’engagement et de l’inventivité dont il faut faire preuve dans la période actuelle pour varier et ajuster les modalités de travail. Autrement dit, pour faire feu de tout bois afin d’entretenir chez les élèves la flamme de l’apprentissage…

Dans vos propres classes, combien d’élèves sont présents en permanence depuis la « reprise » ?

Autour de 70 %. Une visio avec les parents d’élèves d’une classe de 3e avant la reprise a permis de monter jusqu’à près de 80 % de la classe.

Comment s’est organisée la reprise dans votre établissement ?

Depuis la reprise, dans mon établissement, le choix a été fait de préparer le travail sur la base du distanciel. Nous continuons à préparer un plan de travail que nous envoyons aux élèves qui ne reviennent pas au collège. En classe, nous travaillons sur ce plan de travail avec les présents. Comme le nombre d’heures de travail donné à ceux qui sont en distanciel est inférieur aux heures en présence en Français, nous ajoutons des activités de révision sur ce qui a été fait lors du confinement ou d’approfondissement (points de grammaire plus délicats comme les subordonnées en 5e). Comme les journées au collège sont denses (souvent 7 h de cours pour éviter les permanences), nous proposons aussi des activités plus ludiques en fin de journée (extrait vidéo de différentes pièces de théâtre sur l’Avare, mise en voix…). Cette organisation nous permet de ne pas abandonner les élèves qui ont décidé de rester chez eux.

Continuez-vous les « classes virtuelles » pour ceux qui ne sont pas revenus en classe ?

A titre personnel, je propose aussi parfois des visios (avec la classe virtuelle du CNED) de correction avec les élèves absents pendant que je suis en classe avec les présents. Cela me permet d’avoir moins de visios à faire avec les élèves qui ne sont pas là et les élèves apprécient de se retrouver en quelque sorte en classe entière. Souvent, les élèves que j’ai en classe ont pour rôle de présenter la correction du travail demandé car les élèves en distanciel n’osent pas trop parler avec leur micro. Ils le font avec plaisir.

Sinon je continue avec les élèves en distanciel, dans une moindre mesure, l’organisation du travail pendant le confinement. Je leur donne rendez-vous sur un pad (framapad) pour corriger le travail que j’ai donné. Les élèves proposent leurs réponses, donnent leur avis sur les textes… Puis une fois le travail corrigé, nous partons pour une courte visio qui me permet de reformuler les réponses à haute voix, de synthétiser.

Quel bilan tirez-vous de la période d’enseignement à distance ?

Avoir un rendez-vous régulier (4 fois par semaine à heure fixe avant la reprise) a permis d’entretenir le lien avec les élèves. Assez peu ont décroché et ils ont bien travaillé. J’avais souvent entre 15 et 20 présents sur des classes de 23 à 27, les parents ont trouvé que cela rythmait la journée de leur enfant. J’avais des messages des élèves pour s’excuser quand ils ne pouvaient pas être présents (« je dois laisser l’ordinateur à ma sœur qui a une visio »).

Cela ressemblait un peu à la classe habituelle. Je commençais en faisant l’appel pendant qu’ils faisaient un exercice de conjugaison ou d’orthographe. Les élèves ont aussi gardé des habitudes d’avant. Certains 5èmes m’ont parfois demandé l’autorisation d’aller aux toilettes ou d’aller chercher à boire pendant qu’on corrigeait sur le pad !

L’avantage est aussi pour le prof ! Je n’ai pas eu l’impression de ne pas voir mes élèves ! Et j’ai eu moins de travaux individuels à corriger car on corrigeait ensemble.

Avec un outil particulièrement apprécié ?

Concernant les outils utilisés, j’ai beaucoup apprécié le site « un livre à part » qui m’a permis de corriger des questions sur des textes ou des rédactions avec beaucoup de facilités. J’avais une vue directe des travaux qui n’avaient pas été rendus. J’ai pu demander à des élèves de retravailler leur texte. Et surtout je n’ai pas eu à corriger de photos de rédaction ! Je pouvais corriger leur texte et ils voyaient mes annotations d’une couleur différente.

Propos recueillis par Jean-Michel Le Baut

François Jore dans Le Café pédagogique