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Outils bien connus et très utilisés par les élèves, les traducteurs en ligne n’ont pas trouvé leur place dans les salles de classe. Aurélie Bordais, professeure d’anglais, doctorante et professeure au Centre de langues de Lyon 2, travaille sur les usages des élèves et les pratiques professorales. Elle estime que l’Ecole a à gagner à sortir les traducteurs de l’ombre où ils sont tenus par l’Education nationale.

Les traducteurs en ligne sont une des applications les plus anciennes d’Internet. Ils son devenus plus sophistiqués sans forcément que leurs utilisateurs connaissent cette évolution. Dans un article de la revue Alsic (volume 23, 2020), Aurélie Bourdais et Nicolas Guichon reviennent sur cette évolution et publient les résultats d’une première étude sur les pratiques des élèves en ce qui concerne les traducteurs en ligne. Aurélie Bourdais continue ses recherches et les partagent avec nous.

Vous dites que les traducteurs en ligne ont « une place équivoque » dans l’enseignement français. Pourquoi ?

J’ai enseigné en lycée pendant 14 ans et je me suis rendue compte que les élèves les utilisent fréquemment mais que les enseignants ont tendance à les interdire. Finalement on se retrouve avec un outil dont les élèves se sont emparés sans que les enseignants aient prise dessus. D’autre part l’épreuve de traduction qui existait au bac a été supprimé suite à la réforme de 2011. La traduction a peu de place dans la classe au profit de l’expression en anglais.

Que sait-on de l’usage des traducteurs par les élèves ?

Il y a peu de recherches à propos des lycéens. Mais on sait qu’ils les utilisent beaucoup, comme le montre par exemple l’enquête que nous avons mené, avec Nicolas Guichon, auprès d’une centaine d’élèves. Ils s’en servent couvent pour vérifier ce qu’ils connaissent déjà. Le traducteur a un rôle de réassurance. Ils s’en servent davantage comme un dictionnaire que pour traduire des textes.

Qu’en pensent les enseignants ?

C’est un sujet sur lequel je travaille. Ce qui ressort c’est que la majorité des enseignants interdit les traducteurs en cours. Le traducteur demande en fait de bonnes compétences en français pour un bon usage car il repose sur un corpus assez homogène. Ca entraine des erreurs de traduction avec les textes littéraires ou les tournures idiomatiques.

Les traducteurs empêchent-ils l’apprentissage d’une langue ?

C’est la question centrale. Mais cela pose la question de ce qu’est l’apprentissage. S’il implique une certaine autonomie alors le traducteur peut aider. Mais il reste la question de l’autonomie langagière. Si les élèves l’utilisent seront-ils capables de se débrouiller seuls ? La question de la mémorisation se pose également. Il vaut donc mieux penser à l’utiliser de façon plus efficace.

Que recommandez-vous ?

On est davantage dans l’observation que la recommandation. Mais je crois qu’il faudrait accorder une place aux traducteurs en classe. Ils en ont déjà une , clandestine, en fait. Il vaudrait mieux la reconnaitre et guider les élèves pour qu’ils réfléchissent à la façon dont ils utilisent le traducteur en sachant qu’il n’est pas question de l’autoriser tout le temps.

Propos recueillis par François Jarraud

Dans la revue Alsic