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Au lendemain de l’assassinat de Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie à Conflans, Jean Castex et Jean-Michel Blanquer ont accueilli les syndicats enseignants le 17 octobre. Le ministre et les syndicats appellent à l’unité républicaine sur les valeurs de laïcité, de liberté d’expression et de liberté de la presse. Un hommage national sera rendu à Samuel Paty. Des documents pédagogiques seront préparés par le ministère, en lien avec les syndicats, pour le 2 novembre. Des rassemblements ont lieu un peu partout en hommage à S Paty. Le ministre participera le 18 octobre au rassemblement place de la République.

Castex : Emanciper tous les enfants

Jean Castex a tenu à assister samedi 17 octobre au matin à la rencontre entre JM Blanquer et les syndicats, montrant ainsi l’importance attachée à l’assassinat terroriste d’un enseignant. « A travers l’un de ses défenseurs c’est la République qui a été frappée en plein coeur par le terrorisme islamiste. L’Etat réagira avec la plus grande fermeté », a t-il déclaré. « Nos enseignants continueront à éveiller l’esprit critique des citoyens de la République, à les émanciper de tous les totalitarismes et de tous les obscurantismes ».

Blanquer : construire avec les syndicats la stratégie de réponse

JM Blanquer est resté sur cette ligne d’unité nationale. « Ce qui s’est passé… a des racines: c’est la haine de la République. Il y a des ennemis de la République, contre la République et donc contre l’Ecole », a t-il dit. « Notre réaction doit être à la hauteur: d’abord la sérénité, ensuite l’unité ». Accompagné de la secrétaire d’Etat à l’éducation prioritaire qui n’a pas pris la parole, le ministre de l’éducation nationale a annonce qu’il discuterait avec les syndicats et « les parties prenantes de l’enseignement » pour définir collectivement la stratégie pour répondre à cet attentat. Il a cité, outre les syndicats, les experts, les intellectuels et le « conseil des sages » qu’il a institué.

Car la question c’est la réponse à apporter à ce crime. JM Blanquer a confirmé qu’il y aurait un hommage national rendu à S Paty. Celui-ci devrait avoir lieu cette semaine.

Ce qui va se passer le 2 novembre

Au delà il s’agit de préparer la rentrée le 2 novembre. JM Blanquer a annoncé qu’il y aurait une minute de silence. Au delà le ministère prépare « des outils pédagogiques et des consignes pour qu’il n’y ait pas d’angle mort de la République, des endroits où la peur conduit à ne pas faire ».

Le ministère prévoit d’associer les syndicats à un cadrage national « puissant et fort » pour la rentrée des classes tout en respectant la liberté pédagogique des enseignants. « Nous devons donner aux professeurs des éléments sur les règles et les contenus pédagogiques car ce sont des sujets complexes » a expliqué JM Blanquer. « Je tiens à ce que ce soit élaboré collectivement.. On va communiquer avec les enseignants pour qu’ils n’arrivent pas le lundi (2 novembre) sans éléments ». Une première vidéo a été diffusée samedi matin.

Le ministre a estimé que l’institution avait bien ce qui s’était passé à Conflans et a rendu hommage à la principale du collège Bois d’Aulne pour sa bonne gestion de cette affaire. Les syndicats, du Snalc à la Fsu, ont confirmé que l’affaire avait été bien suivie avant le tragique assassinat.

JM Blanquer a confirmé que les professeurs ont bien le droit d’utiliser les caricatures de Mahomet mais « d’autant plus que cela s’accompagne d’un travail d’explicitation ». Il a condamné la vidéo postée par un parent sur Youtube avant l’attentat. « Cette vidéo est scandaleuse, mensongère et faite pour aboutir à quelque chose probablement de violent. A la fin cela a créé cette tragédie ».

Les syndicats appellent à éviter les amalgames

Mais cette unité est-elle possible ? Si tous les syndicats invités ont souligné la parfaite entente avec le ministre et leur volonté de travailler avec lui, on sent des analyses différentes sur ce que doit être la rentre du 2 novembre.

« Le choc est tel que cela peut partir dans tous les sens », a expliqué Benoit Teste, secrétaire général de la Fsu. « Ce n’est pas ce que l’on veut en particulier pour le 2 novembre… Les caricatures de Mahomet sont un support pédagogique. On doit pouvoir les utiliser avec discernement.. mais pas forcément à tort et à travers et tout le temps. Il est essentiel de faire passer l’idée que la laïcité c’est le vivre ensemble, le droit à la critique, la liberté de conscience et de religion. Ne rien s’interdire et faire les choses avec discernement ».

Benoit Teste a aussi relativisé l’incident dans les problèmes de l’Ecole. « Dans l’immense majorité des classes les choses (ce travail sur la laïcité NDLR) se font. Un fanatique a sauvagement assassiné un professeur. Mais ne pensons pas que c’est une problématique majeure à laquelle sont confrontés les enseignants. On n’est pas pour dire qu’il faut diffuser partout les caricatures ou dire qu’il faut les interdire. Il faut du discernement et ne pas choquer les gens qui pourraient l’être.

C’est aussi ce qu’a rappelé Catherine Nave-Bekhti secrétaire générale du Sgen Cfdt. Elle appelle à « la fermeté contre l’islamisme radical et à la fermeté contre l’amalgame. Il faut affirmer que l’Ecole est là pour émanciper l’ensemble des enfants de ce pays… On tient à ce que les enseignants aient la liberté d’élaboration et de choix de leur support… On ne souhaite pas que soit proposé aux enseignants un déroulé type à appliquer directement mais qu’on soit sur les principes à apprendre aux élèves ».

Frédéric Marchand, secrétaire général de l’Unsa éducation, partage ce point de vue. Il est hostile à « un cadre pédagogique type qui remettrait en cause la liberté pédagogique » mais pour aider les enseignants « sur la nécessité de ne pas céder à la peur et de continuer à enseigner cette nécessité de défendre la liberté de la presse et d’expression ».

Que faire des caricatures de Mahomet ?

« On a pointé la possibilité d’une séance avec les caricatures (de Mahomet NDLR) comme support », a déclaré Jean-Rémi Girard, président du Snalc. « C’est l’ensemble des collègues qui doivent s’en saisir. Ce serait un symbole fort de dire que partout on peut le faire aujourd’hui et on ale courage de la faire ». Le Snalc dénonce « le risque d’autocensure » dans l’enseignement en France.

Si ministre et syndicats appellent à l’unité nationale contre le terrorisme et pour l’Ecole, le chemin reste à parcourir pour construire cette unité. Gageons que le 18 octobre il y aura plusieurs cortèges lors du rassemblement national qui aura lieu à 15 heures place de la République.

François Jarraud