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C’est aujourd’hui que Jean-Michel Blanquer doit présenter le « Grenelle de l’éducation ». A l’issue d’une réunion avec les syndicats, le ministre de l’éducation nationale devra indiquer ses objectifs pour cette année et pour la fin du quinquennat. Après avoir fait des propositions sans contreparties le 13 octobre, JM Blanquer a multiplié ces derniers jours les interventions médiatiques où il lie la revalorisation à des tâches supplémentaires pour les enseignants. Combien les enseignants devront-ils payer leur revalorisation ?

Quelles contreparties ?

Que devront faire les enseignants pour bénéficier d’une revalorisation ? Depuis décembre 2019, JM BLanquer a lancé l’idée que la revalorisation est l’occasion de faire évoluer le statut des enseignants, de changer le métier. « On va avoir l’occasion de mettre à plat ce qui est fait par les professeurs », avait-il déclaré en décembre 2019 à Nancy. Il parlait notamment de changer la durée du travail.

Et c’est ce qu’il a répété à nouveau le 21 octobre devant la Commission de l’éducation de l’Assemblée. « Je veux engager une évolution profonde des conditions de travail des professeurs et une réflexion systémique sur la gestion des ressources humaines », dit-il à la commission. Il parle « d’encourager les logiques de coopération », de « transformer les pratiques », de « changer la mobilité professionnelle ». Répondant au député LR Reiss, il déclare que la question de transformer les professeurs principaux en tuteurs « fait partie des sujets sur la table ».

Surtout, il s’agit de « mieux reconnaitre les mérites et la spécificité de chacun ». Cette logique est tout à fait dans celle de la loi de transformation de la fonction publique. Il s’agit de donner au supérieur hiérarchique immédiat la possibilité d’avantages directs les enseignants « méritants ». Cette politique mettrait aussi à mal les règles d’avancement et de mutation , faisant faire d’importantes économies au ministère : l’avancement automatique (GVT) représente environ 300 millions par an.

Les dernières propositions

Le 13 octobre, JM Blanquer a fait des propositions aux syndicats que le Café pédagogique a publiées. Il n’a pas mis en débat le montant de la revalorisation fixée à 400 millions dans le budget 2021. En fait 314 pour les enseignants du public et 74 millions pour les professeurs du privé sous contrat. Le ministre a proposé deux primes d’une nature différente.

D’abord une prime d’attractivité concernant les échelons 2 à (au maximum) l’échelon 9. Quatre scénari sont proposés aux syndicats avec des montants différents selon que les 260 millions de la prime d’attractivité sont réservés à 14% des enseignants ou à 42%. Dans tous les cas de figure cette prime ne concernera qu’une minorité des enseignants et pour des montants allant de 135 € net par mois à seulement 17€.

Quatre scénarios

Le premier scénario reprend une proposition de février. La prime serait versée sur les 9 premières années d’enseignement soit à 14% des enseignants. Le montant serait de 135€ net par mois aux échelons 2 et 3 (1624€ annuel). Il baisserait à 61€ net par mois au 5ème échelon. Dans ce premier scénario la prime est identique entre les corps.

Dans le second scénario, 22% des enseignants sont concernés car la prime est versée jusqu’au 6ème échelon inclus. Mais la prime part de 1453€ net annuel pour passer à 726 au 5ème échelon et 427€ au 6ème pour un professeur des écoles. CE scénario a une autre particularité : la prime est plus importante pour les professeurs des écoles (PE) (1453 net annuel à l’échelon 2) que pour les certifiés (1368€) et les agrégés (1282€). Ce scénario diminue donc les inégalités de revenu entre les corps.

Le 3ème scénario concernerait 31% des enseignants jusqu’à l’échelon 7 inclus. Là aussi la somme est plus importante pour un PE (1197€ net annuel à l’échelon 2) que pour un certifié ou un agrégé (1026€). Elle serait aussi plus dégressive. Partant de plus bas à l’échelon 2 elle arrive à seulement 427€ annuels pour un PE au 7ème échelon. Le 4ème scénario concerne 42% des enseignants et prévoit la prime jusqu’à l’échelon 8 inclus. Mais à cet échelon la prime n’est plus que de 171€ nets annuels pour un PE, 85€ pour un certifié et rien pour un agrégé.

« On nous fait discuter sur la marge alors qu’on voudrait discuter sur le fond », nous a dit Benoit Teste, secrétaire général de la Fsu. Pour lui, le ministère évite de cette façon de débattre de la revalorisation des 900 000 enseignants.

La prime d’équipement

S’y ajouterait une autre prime, pour équipement informatique, qui concernerait tous les enseignants devant élèves dans une relation durable (au moins un an). Elle représenterait 150€ par an versés en février, soit 178 millions.

Semaines décisives

On le voit ces deux primes ne sont pas conditionnelles. Mais, l’une avec l’autre, elles représentent trop peu pour qu’on puisse parler d’une véritable revalorisation. L’enjeu des discussions qui sont en cours c’est d’arriver à un engagement de programmation sur plusieurs années de revalorisation, comme cela a été fait avec les accords PPCR.

Et c’est là que la question des contreparties va se poser. En échange d’une loi de programmation sur la revalorisation, le ministre pourrait exiger la « mise à plat » des statuts et une refonte du métier enseignant. Il irait ainsi dans le sens du dernier référé de la Cour des comptes exigeant la bivalence des enseignants et l’annualisation de leur temps de travail. Ou encore le règlement de la question du remplacement par son obligation. Ou encore la mise en place effective de l’obligation de formation durant les congés (à hauteur de 5 jours) instaurée par un décret à la suite de la loi Blanquer.

En pleine crise sanitaire, sociale, économique et morale, avec l’assassinat de S Paty, c’est l’avenir de la profession qui va se décider.

F Jarraud

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