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« Nous les soutiendrons, nous les protégerons autant qu’il le faudra. Dans l’école comme hors de l’école, les pressions, l’abus d’ignorance et d’obéissance que certains voudraient instaurer n’ont pas leur place chez nous ». Lors de son hommage à Samuel Paty, le 21 octobre, Emmanuel Macron a promis de protéger les enseignants. Oui , mais comment faire ? La question de la protection fonctionnelle est posée. Mais l’assassinat de S Paty est aussi devenu un levier politique pour certains.

Les projets du gouvernement

« Dans chaque école, dans chaque collège, dans chaque lycée, nous redonnerons aux professeurs le pouvoir de « faire des républicains », la place et l’autorité qui leur reviennent. Nous les formerons, les considérerons comme il se doit, nous les soutiendrons, nous les protégerons autant qu’il le faudra ». Les paroles du président de la République devant le cercueil de Samuel Paty valent engagement.

Elles interviennent après un débat particulièrement houleux à l’Assemblée nationale entre le premier ministre, le ministre de l’éducation nationale et les députés républicains le 20 octobre.

Jean Castex dénonce l’islam radical qui « s’est infiltré au cœur même de notre société de tolérance et de liberté… mais ne peut en aucun cas être confondu avec ces millions d’hommes et de femmes, français ou étrangers, qui vivent dans notre pays en respectant les valeurs et les lois de la République ». Et il annonce le projet de loi sur le séparatisme (la formule est revenue) qui s’attaquera aux associations « prétendument cultuelles » et « confortera l’école » en limitant la scolarisation à domicile. Le premier ministre annonce aussi la création d’un délit de « mise en danger par la publication de données personnelles » et des renforts policiers pour surveiller les réseaux sociaux.

L’éducation « particulièrement choyée »

Les députés LR choisissent ce moment pour exiger « des actes » c’est à dire l’application de toutes leurs propositions de loi comme la réduction de l’immigration en restreignant le regroupement familial, le droit d’asile et du sol, la suppression des cartes de résident de 10 ans quitte à modifier la constitution. Ce qui leur vaut une réponse ironique du premier ministre sur l’efficacité de modifier la constitution. « Vous êtes dans l’incantation. Nous sommes dans l’action ». Mais les pires coups sont à venir.

« L’Éducation nationale est notre bien le plus précieux. Cette majorité l’a particulièrement choyée », lance Jean Castex.  » Nous allons continuer de protéger l’école ». La formule est osée après les suppressions de postes, les injonctions, la brutalité avec laquelle sont menées les réformes et l’absence de dialogue avec les représentants des enseignants. La perche est tendue à Chantal Jourdan (PS) et au redoutable Patrick Hetzel (LR).

Les professeurs responsables ?

« Les enseignants n’ont pas la certitude d’être soutenus par leur hiérarchie face à diverses menaces », déclare Chantal Jourdan. « Monsieur le ministre, quelles actions concrètes seront mises en place à la rentrée des vacances pour accompagner la communauté éducative et les enfants dans ce moment si difficile ? Quelles mesures à long terme comptez-vous prendre pour accompagner les enseignant? ». « Monsieur le Premier ministre, dès lors que la diffamation le (Samuel Paty NDLR) concernant était avérée et connue de sa hiérarchie, pourquoi l’État n’a-t-il pas pris immédiatement l’initiative de lui accorder sa protection fonctionnelle ? Pourquoi sa hiérarchie n’a-t-elle pas porté plainte au nom de l’État en même temps que lui ? », demande Patrick Hetzel.

Cela oblige JM Blanquer à répondre. « Bien entendu, s’il n’y avait pas eu d’assassinat, il aurait continué à être protégé par l’institution, et il aurait évidemment bénéficié de la protection fonctionnelle », répond-il. « Vous avez raison : les enseignants ont très souvent le sentiment d’être un peu seuls lorsqu’ils sont confrontés à des incivilités ou à des contestations de la laïcité… Depuis trois ans, je l’ai dit très clairement, tout professeur qui se retrouve dans une telle situation ne doit plus se sentir seul. Il existe en particulier une adresse dédiée qui lui permet de faire un signalement écrit. C’est comme cela, qu’entre septembre 2019 et mars 2020, 935 problèmes ont été signalés. Bien sûr, la « culture de la peur » a pu parfois perdurer : des professeurs pensent encore que l’institution ne veut pas qu’ils signalent les problèmes. Mon message est pourtant très clair, et je le répète avec encore plus de force aujourd’hui : oui, il faut opérer des signalements car nous réagissons à chaque fois. Des centaines d’interventions ont ainsi eu lieu dans les établissements l’an dernier. Personne ne peut dire que nous n’avons pas agi sur ce sujet depuis trois ans ».

Ainsi les professeurs sont responsables finalement de la situation parce que travaillés par « la culture de la peur ». La réponse n’est pas acceptable. La question de la protection fonctionnelle est posée depuis 2018. Mais la question est aussi mal posée. Car la seule protection dont avait besoin S Paty, et il semble qu’il avait conscience de la menace qui pesait sur lui, c’est une protection policière. Il ne l’a pas obtenue.

Finalement JM Blanquer fait deux propositions. Le fils de Samuel Paty sera pupille de la nation, un engagement un peu léger de l’Etat. Et les députés et sénateurs sont invités à participer à l’hommage rendu dans les établissements le 2 novembre. La question de la protection des enseignants reste ouverte.

F Jarraud

A l’Assemblée