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Alors que JM Blanquer ouvre, devant un public d’experts et d’officiels, les Etats généraux du numérique, la Fsu fait entendre les voix du terrain. Un sondage auprès de près de 4000 personnes fait connaitre les attentes des enseignants et personnels de l’éducation nationale. Si le numérique a largement pénétré les pratiques des enseignants, ils alertent sur le manque d’équipement, la qualité médiocre des outils institutionnels et l’impact du numérique sur leur vie. Si le numérique a amené des progrès il a aussi des effets négatifs sur la vie privée, la charge de travail et la transformation du métier. Le numérique n’améliore pas non plus les relations avec les élèves et les parents. Autant de thèmes qui s’invitent grâce à ce sondage de la Fsu dans le débat des Etats généraux.

Le vrai bilan numérique du confinement

JM Blanquer n’a jamais tiré les enseignements des usages du numérique durant le confinement. Mais le sondage réalisé par la FSU auprès de 3730 personnels de l’Education nationale, à 90% des enseignants et à 80% syndiqués à la Fsu, le fait. Il suffit d’écouter quelques uns des 1500 verbatim recueillis dans les questions ouvertes.

« Le Ministre a eu beau dire que tout était prêt, je ne me sentais pas prête du tout. Il a fallu travailler dans l’urgence alors qu’il aurait été judicieux de laisser un peu de temps (quelques jours ? une semaine ?) aux enseignants pour pouvoir réorganiser leur travail (sans parler de la vie de famille à gérer en parallèle », dit une enseignante. « Nous avons dû tout inventer, sans soutien. Où donc étaient les IPR ? », dit une autre.  » Il est anormal que nous n’ayons pas reçu un ordinateur portable professionnel et que notre abonnement à une box n’ait pas été au moins en partie remboursé par l’Etat pendant le confinement ». « Durant le confinement, personne n’a même songé à faire un recensement du matériel à la disposition des élèves, personne n’a réfléchi aux spécificités de la situation et aux transpositions didactiques qu’elle imposait. On a eu l’envoi massif de documents bruts, d’injonctions et d’exigences déraisonnables. Bref, collectivement nous n’avons pas réagi en professionnels, mais en prescripteurs, en réponse aux prescriptions et injonction ».

Le numérique devenu « incontournable »

Il ne faudrait pas croire que ces enseignants rejettent le numérique. Le numérique est très présent dans les pratiques professionnelles pour les tâches professionnelles (pour 87% des enseignants) mais les outils numériques administratifs sont jugés mal adaptés par la moitié d’entre eux.

Le numérique à usage pédagogique est très présent, voire incontournable, pour 76% des enseignants aussi bien pour la préparation des cours (plus de 80%) qu’en classe, avec une différence entre le premier degré (33% des très présent) et le second (69%).

Equipements insuffisants

Cet écart renvoie à la question de l’équipement. Une majorité des enseignants ne sont pas satisfait de l’équipement dont ils disposent sur leur lieu de travail. Les ressources fournies par le ministère sont jugées peu satisfaisantes par la moitié des interessés. La moitié des enseignants du premier degré utilisent leur matériel personnel régulièrement sur leur lieu de travail et un enseignant sur trois dans le second degré.

Le sondage attire aussi l’attention sur les effets du numérique dans l’Education nationale. 65% des enseignants du premier degré disent qu’il a changé le métier et 73% de ceux du second degré. Il a changé les pratiques (65% et 85%).

Charge de travail accrue

Mais il s’est aussi accompagné d’injonctions pour 54% des professeurs des écoles et 71% de ceux du second degré. Pour 46% des professeurs des écoles le numérique pédagogique a un impact négatif sur la charge de travail. C’est aussi l’avis de 62% des professeurs du second degré.

Le numérique pédagogique a aussi fait exploser la frontière entre vie privée et vie professionnelle pour deux enseignants sur trois. Les enseignants des deux degré soulignent aussi l’impact négatif sur la communication avec les parents et les élèves.

Derrière toutes ces remarques on lit des souffrances. Si le numérique change le travail cela s’accompagne d’injonctions, d’une charge de travail plus lourde et d’une emprise nouvelle sur la vie privée. Autant de points qui méritent d’être connus avant le grand show de Poitiers.

François Jarraud