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Comment vivent les enseignants ? Qu’en est -il de leur embourgeoisement ? Quelles différences entre les enseignants du premier et du second degré ? Entre les agrégés et les certifiés ? Un nouveau numéro d’Education & formations révèle des aspects inattendus de la vie personnelle des enseignants.

Les enseignants se marient entre eux ?

Comment peut-on connaitre la vie personnelle des professeurs ? Il y a eu des travaux de recherche comme ceux de G. Farges dont le Café pédagogique s’est fait écho. La particularité des études d’Education & formations (n°101), c’est qu’elles se basent sur des données beaucoup plus importantes, par exemple celles du recensement.

Les enseignants sont souvent présentés comme un milieu fermés avec une forte homogamie, c’est à dire des couples composés d’enseignants. « Les enseignants sont plus souvent en couple avec une enseignante que la situation inverse : ainsi, 42 % des hommes enseignants du premier degré, soit près d’un sur deux, sont dans cette situation, dont 34 % sont en couple avec une enseignante du premier degré », note Olivier Monso (Depp). « Ces proportions sont plus faibles parmi les femmes, puisque 13 % des enseignantes du premier degré sont en couple avec un enseignant, dont 7 % avec un conjoint lui-même enseignant du premier degré. Cet écart provient du fait que les femmes enseignantes sont plus nombreuses que les hommes enseignants : la probabilité, pour un homme, d’être en couple avec une femme enseignante, est donc plus élevée que la situation inverse ». D’autre part « les enseignantes du second degré sont plus souvent en couple avec un enseignant (19 %, dont 17 % avec un autre enseignant du second degré) que les enseignantes du premier degré (13 %). Or, les enseignants du premier degré se mettent plus souvent en couple avec un enseignant du premier degré, et de même dans le second degré. Les femmes enseignantes ont donc plus de chances de former un couple homogame lorsqu’elles enseignent dans le second degré, où la répartition des sexes est plus équilibrée, que dans le premier degré, où elles constituent la grande majorité des effectifs ».

C’est que les enseignants vivent déjà plus souvent en couples que les autres catégories sociales. 79% d’entre eux sont en couple contre 76% pour les cadres non enseignnats et 72% des actifs non cadres. O Monso avance deux explications. D’une part on trouve davantage de trentenaires et de quadragénaires chez les enseignants. D’autre part, « les conditions de conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, pour les enseignants du premier degré, permettent plus facilement aux femmes de fonder une famille, tout en ayant une activité professionnelle ».

Des conjoints cadre ou profession intermédiaire

En dehors des autres enseignants avec qui se marient les enseignants ? Essentiellement des cadres ou profession intermédiaire. « Les enseignants ont fréquemment un conjoint qui est cadre ou profession intermédiaire. En effet, les actifs de ces groupes socioprofessionnels sont majoritairement diplômés du supérieur. 75 % des hommes enseignants du premier degré ont un conjoint cadre ou profession intermédiaire, contre 69 % parmi les enseignants du second degré, et 62 % parmi les cadres non enseignants. Chez les femmes enseignantes, la proportion de conjoints cadres ou professions intermédiaires est proche de 70 % pour ces trois groupes professionnels, et beaucoup plus élevée que cette même proportion pour les femmes actives non cadres (35 %) ».

Globalement les enseignants ont des logements plus spacieux et sont plus souvent propriétaires que d’autres catégories de la population. « La plupart des enseignants sont propriétaires de leur logement (75 % dans le premier degré et 73 % dans le second degré), dans une proportion supérieure aux cadres non enseignants (68 %) et aux actifs non cadres (59 %) ». Il est vrai qu’ils sont plus souvent en couple.

Une origine sociale moins favorisée que les autres cadres

Il revient à Bertrand Delhomme (ENS) d’étudier l’origine sociale des enseignants. « L’origine sociale des enseignant.e.s en 2015 est très nettement favorisée comparée à la population active : un sur deux (51 %) est fils ou fille d’un parent de référence appartenant aux professions intermédiaires ou aux cadres et professions intellectuelles supérieures 4, alors que c’est le cas pour un actif sur trois (29 %) » , écrit-il. « l’inverse, un.e enseignant.e sur trois (34 %) est fils ou fille d’ouvrier.e ou employé.e alors que c’est le cas de 53 % des actif.ve.s. Les enfants d’ouvriers sont environ deux fois moins présent.e.s dans ce groupe professionnel ». B Delhomme lie cela au fait que ces catégories ont moins accès aux études supérieures. A noter la reproduction du métier. Un enseignant sur 5 a un père ou une mère enseignant(e).

Peut-on parler d’embourgeoisement ? « Les enseignants se distinguent des autres cadres par une origine plus intermediaire », remarque B Delhomme. Les jeunes enseignants se distinguent aussi des jeunes cadres par une ouverture sociale plus importante.

Avec de fortes différences entre les corps

Tout cela amène B Delhomme à relativiser « le lent embourgeoisement des instituteurs ». Celui ci reflèterait simplement celui de la société. Il note au contraire « un accès socialement plus ouvert au métier enseignant pour les générations les plus jeunes ». Et « ce résultat est en cohérence avec l’évolution de l’accès à l’enseignement supérieur des milieux populaires ». De fait les enseignants ont moins souvent un parent cadre que leurs ainés. Et ils transmettent moins le métier que dans les générations précédentes.

Dernière évolution qu’il faut notre, l’origine sociale des enseignants du premier degré et du second degré « n’ont jamais été aussi proches ». Par contre on observe une nette différence entre les professeurs de lycée professionnels et les autres enseignants, les PLP ayant une origine sociale plus populaire. Dans l’autre sens les agrégés se singularisent par rapport aux certifiés par une origine sociale plus favorisée.

François Jarraud

Education et formations n°101