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Connu et respecté par les enseignants du premier degré, Rémi Brissiaud a inventé des méthodes d’apprentissage des mathématiques qui connaissent encore un grand succès chez les écoliers. Rémi était le père de « La boîte de Picbille » et, plus récemment, des Noums mais aussi un infatigable amoureux de l’école. L’enseignement des mathématiques perd un grand expert. Les professeurs des écoles perdent un formateur et un guide. De nombreux enseignants lui rendent hommage.

Un expert engagé des mathématiques

C’était en juin dernier. Rémi Brissiaud publiait dans le Café pédagogique une tribune très critique sur les travaux controversés de S Dehaene. Très malade depuis des mois, il trouvait encore l’énergie de communiquer sa passion de l’apprentissage des mathématiques. Et malgré ses critiques répétées, il restait un interlocuteur respecté par le ministère de l’éducation nationale comme en témoigne le Rapport Villani – Torossian.

Professeur de mathématiques, puis professeur en école normale, en IUFM puis en ESPE, docteur en psychologie, Rémi Brissiaud publiait à la fois dans des revues de psychologie et de didactique des mathématiques, sans parler du Café pédagogique.

Il a particulièrement travaillé sur l’apprentissage des premiers nombres. Pour lui la construction du nombre doit se fonder sur la décomposition des premiers nombres plutôt que sur le comptage numérotage des unités. 3 ce n’est pas 1, 2 et 3 unités différentes. C’est 1 plus 1 plus 1. Dans deux articles (ici et ) publiés par le Café pédagogique, en 2015, il expose 4 concepts clés pour la pratique et la formation des enseignants qui ont été repris dans les programmes de 2015. Ils font encore autorité. Ces concepts-clés sont ceux de décomposition, d’itération de l’unité, de comptage-numérotage et de comptage-dénombrement. Il les avait déjà exposés en 2012 (la suite est ici).

Rémi Brissiaud était aussi intervenu à propos de la conférence sur la numération du Cnesco, sur les programmes de 2015, sur la « méthode de Singapour« , sur le niveau en maths et son évolution,

Picbille et Les noums

Il laisse deux outils pédagogiques importants. Le premier est Picbille, personnage principal de la méthode d’apprentissage des maths du premier degré « J’apprends les maths avec Picbille ». Le second est Les Noums. Récemment Claire Lommé nous en parlait. « Les Noums, ce n’est pas seulement une application, ce n’est pas seulement un fichier : c’est un dispositif didactique et pédagogique, qui permet aux enfants de travailler en mathématiques, en CP et au-delà. Toute l’année est planifiée par une programmation précise et une progression facile à comprendre, et la partie « Labos » permet de travailler d’autres domaines du programme… Si les Noums s’adressent pour le moment au cycle 2, les enseignants de tous niveaux peuvent y trouver un outil de remédiation, de formation et de développement professionnel en mathématiques ».

Témoignages

A l’annonce de son décès de nombreux témoignages d’enseignants anonymes, de chercheurs, de syndicalistes, de cadres du système éducatif lui rendent hommage.

 » Quelque part, c’est lui qui m’a appris les mathématiques, en CP, grâce à Picbille, et c’est lui qui m’a appris à les enseigner. Quelle tristesse… Les mots me manquent », dit une professeure des écoles sur Twitter.  » Lundi matin, comme d’habitude, mes élèves crieront de joie à l’annonce des Noums, mais de mon côté, le cœur n’y sera pas et la tristesse pointera. C’est sûr, j’aurai une pensée pour lui en faisant sortir le 1er Noums », témoigne une autre.

Philippe Meirieu souligne qu’il « a bataillé jusqu’au bout pour continuer à travailler et à convaincre. Didacticien remarquable, c’était aussi un citoyen engagé et un compagnon fidèle ». Jean-Paul Delahaye manifeste « son grand respect et sa profonde tristesse ». L’APMEP fait par de sa tristesse. L’AGEEM rappelle « son enthousiasme, sa fidélité, sa rigueur » et « partage la peine de tous les enseignants ». Guislaine David (Snuipp Fsu) rappelle qu’il l’a « accompagnée, comme beaucoup d’enseignants dès le début de (sa) carrière. Avec lui beaucoup d’élèves ont « appris les maths ». Il était un fidèle des universités d’automne du @SNUipp_FSU ».

Pour Charles Torossian, directeur de l’IH2EF, était « un collègue respecté qui s’est battu contre la maladie. Nous échangions avec respect car nous avions les mêmes objectifs. Il avait la passion des nombres qu’il souhaitait transmettre aux enfants ». Pour Patrick Picard  » Rémi fut une référence, une connaissance, puis presque un ami, avec André Ouzoulias. Engagé, polémiste parfois, passionné toujours. Au service d’une conception de l’Ecole qui ne veut laisser personne de côté, sans renoncement ».

C’est peu dire que Rémi Brissiaud va beaucoup manquer aux enseignants du premier degré. Il fera défaut aussi aux décideurs. S’il les a beaucoup critiqué, notamment dans les articles du Café pédagogique, il leur a évité des erreurs importantes. C’est dire que l’Ecole vient de faire une perte immense.

François Jarraud