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Comment faire face aux résultats de TIMSS en maths ? Cinq chercheurs en didactique des maths, Cécile Allard, Pascale Masselot, Marie-Lise Peltier-Barbier, Éric Roditi et Frédérick Tempier, attirent l’attention sur ce qu’il faut faire et, surtout, ne pas faire…

Lors de la publication des résultats de TIMSS 2015, la ministre avait pointé les programmes de son prédécesseur. Qu’en sera-t-il aujourd’hui ? La faiblesse des résultats de la France mérite une autre analyse.

Changer les programmes ? Pas sûr…

Il apparaît impossible de tirer, en France, des conclusions fiables sur la relation entre les résultats aux évaluations internationales et les programmes scolaires en raison de l’instabilité permanente de ces derniers.

Rappel des changements intervenus depuis ces 20 dernières années : 2002 (programmes Luc Ferry), 2008 (programmes Xavier Darcos), 2012 (ajustements Vincent Peillon), 2016 (programmes Najat Vallaud-Belkacem), 2017 (ajustements Blanquer).

La mission Villani-Torossian a entendu cette mise en cause des changements incessants de programmes, mais l’actuel ministre Blanquer qui n’a pas modifié officiellement les programmes de 2016, a tout de même fait publier une série de notes d’informations allant au moins partiellement à l’encontre de l’esprit de ces programmes. Il en est ainsi aujourd’hui du triptyque « manipuler, verbaliser, abstraire » qui impose aux professeurs une démarche pour l’enseignement des mathématiques dont on peut douter du caractère universel.

Les enseignants ont besoin de programmes stables pour se les approprier quant aux enjeux d’apprentissages mathématiques et à leur mise en œuvre dans leurs classes en fonction de leurs élèves.

Repenser la formation à l’enseignement des mathématiques ? Une priorité !

Formation initiale : le carcan d’une juxtaposition du disciplinaire et du pédagogique

Depuis la création des IUFM (1989), l’ambition de mettre en lien formation disciplinaire et formation pédagogique a été mise à mal par les réformes successives (2008, 2013, 2019). Actuellement, le disciplinaire et le pédagogique sont juxtaposés dans une formation en alternance sans laisser suffisamment de place aux formations spécifiques qui les articulent.

Si les futurs professeurs ont bien sûr besoin de connaître des mathématiques, ce n’est pas seulement pour en faire eux-mêmes, mais surtout pour apprendre à les enseigner. Cela suppose d’en comprendre les enjeux, les modes de raisonnement, les obstacles, la puissance prédictive, etc. Ils ont également besoin de plus qu’une formation de pédagogie générale, cette dernière laisse en effet de côté les spécificités des apprentissages relatives aux savoirs.

Le récent projet de Parcours Préparatoire au Professorat des Écoles (PPPE) pour la formation des futurs professeurs des écoles est une triste illustration de l’absence de prise en compte de ces nécessités !

Formation continue : des ambitions, des moyens, mais pas encore assez

La formation continue doit viser le développement professionnel des professeurs et renforcer leur capacité à enseigner les mathématiques en s’adaptant à leurs propres élèves tout en maintenant les objectifs fixés par les programmes.

Cela nécessite une formation continue de proximité, régulière, choisie, sur un temps long, et intégrée dans les services. C’était l’ambition de la 14e des « 21 mesures pour l’enseignement des mathématiques ». Les moyens n’ont hélas pas été à la hauteur : il n’a pas été créé de postes de Conseillers Pédagogiques de Circonscription en mathématiques formés pour cette nouvelle mission. L’institution a seulement sollicité des professeurs, formateurs, CPC, etc. (Référent Mathématique de Circonscription) pour assurer les formations, sur une partie de leur temps de travail, ce qui les empêche de s’y consacrer pleinement.

Interroger le pilotage par la réussite

Pour exercer leur métier, les enseignants ont besoin d’une orientation stable des directives, de conditions de travail apaisées, de la confiance de leur hiérarchie et de la société civile.

En mathématiques par exemple, les préconisations de bienveillance et de réussite de tous les élèves ne constituent pas une orientation suffisante pour atteindre des apprentissages consistants et durables. Les enseignants se retrouvent en effet souvent contraints à évaluer seulement ce que les élèves peuvent réussir à court terme. Cette pression va même jusqu’à influencer les éditeurs de manuels scolaires qui imposent aux auteurs d’en réduire l’ambition.

En mathématiques encore, la promotion de « méthodes » (à commencer par celle dite de Singapour) renforce l’idée qu’il existerait une méthode efficace pour tous, discrédite le travail des enseignants dont les élèves rencontrent des difficultés d’apprentissage et sème le trouble au sein de la profession.

Tel est notre point de vue de chercheurs en didactique des mathématiques engagés dans la formation des professeurs des écoles et des formateurs. Nous réalisons actuellement avec la DEPP une vaste enquête sur les pratiques en mathématiques des professeurs de CM2 qui vise à mieux connaître le travail des enseignants. S’appuyer sur les professeurs est une nécessité pour construire des solutions qui permettront à la France d’assurer à tous ses élèves une bonne connaissance des mathématiques.

Cécile Allard, Pascale Masselot, Marie-Lise Peltier-Barbier, Éric Roditi, Frédérick Tempier

Chercheurs en didactique des mathématiques aux laboratoires EDA et LDAR (Université de Paris).

TIMSS 2019