Print Friendly, PDF & Email

« Il est important pour tous les collègues de savoir que les abus de pouvoir ne restent pas impunis ». Professeure d’anglais au lycée de Melle (Deux Sèvres), Sylvie Contini a été lourdement sanctionnée par la rectrice de Poitiers, une proche de JM Blanquer, suite à sa participation à la grève contre les épreuves du nouveau bac, les E3C. Saisi par elle, le tribunal administratif de Poitiers a cassé sa sanction et imposé sa réintégration dans son lycée. Sylvie Contini revient sur 11 mois de calvaire et sur une victoire finale qui fait date.

Sanctionnée pour fait de grève

Mère de trois enfants, Sylvie Contini est aussi une enseignante expérimentée et bien notée. Elle a 25 ans de métier et enseigne l’anglais depuis 5 ans dans le petit lycée de Melle quand l’affaire éclate. En quelques mois, elle devient le symbole de la politique menée par le ministre envers les syndicats et les enseignants qui se mettent en travers de sa route.

« Tout a commencé en janvier 2020 », nous dit-elle. Le 20 janvier, les épreuves du bac (E3C) sont annulées car , suite à la grève des enseignants, des irrégularités ont été commises par le personnel de surveillance recruté spécialement. Une nouvelle session est prévue à partir du 3 février.

Or la majorité des enseignants du lycée sont contre la réforme du bac. « On est un petit lycée rural avec peu de choix de spécialités. Quand on dit à nos élèves qu’ils pourront suivre la spécialité de leur choix dans un autre lycée, le plus proche est à 30 minutes », nous dit S Contini. « On a alerté et on a fait grève ».

Le 3 février 2020 les E3C ne peuvent pas se tenir. Le 6 février, nouvelle convocation aux E3C. Le lycée est totalement vidé de ses élèves, y compris les internes. Le rectorat a demandé à la gendarmerie de garder les accès de l’établissement où n’entrent que les candidats. Selon S Contini, les élèves invités à composer sont enfermés dans des salles d’examen, les portes coupe feu cadenassées. Des élèves appellent leurs camarades au secours. Un flot d’élèves pénètre dans l’établissement. « On était dehors. Soit on y restait et on laissait les élèves seuls dans le lycée. Soit on canalisait », explique S Contini. Des enseignants du lycée, dont S Contini, pénètrent dans l’établissement. « Il n’y a pas eu de dégradations à l’exception du cadenas d’une porte coupe feu ». Mais les E3C ne peuvent se tenir.

Une situation qui ne convient pas à la nouvelle rectrice de Poitiers, Bénédicte Robert, une collaboratrice de longue date de JM Blanquer. En mars 2020 S Contini est suspendue pour 4 mois, décision renouvelée en juillet. Elle passe en conseil de discipline et le 4 novembre la rectrice la sanctionne d’une mutation d’office. Elle est nommée à Bressuire, à 90 km de chez elle.

Victoire finale

Le cauchemar s’arrête pour elle avec son recours devant le tribunal administratif. Le 22 décembre 2020 le tribunal juge la sanction « disproportionnée » et « de nature à jeter un doute sérieux quant à la légalité de cette décision ». La rectrice a un mois pour réintégrer S Contini dans son lycée de Melle.

« Je suis heureuse que justice soit faite », nous dit-elle. « Il est important pour tous les collègues de savoir que les abus de pouvoir ne restent pas impunis ».

Pour elle, la rectrice de Poitiers a voulu faire un exemple. « Ce qui m’a fait tenir c’est le collectif », explique S Contini. « On est un petit lycée. On se serre les coudes. Sud éducation et l’intersyndicale ont été admirables ».

Aujourd’hui S Contini se prépare à retrouver ses élèves. « En brassant les élèves la réforme rend plus difficile les liens entre eux et le masque n’arrange rien.Avec la réforme , on nous demande de faire des programmes intenables avec des séquences trop courtes. On n’a plus le temps de faire de la littérature et de la civilisation. On survole et c’est très frustrant. C’est une réforme maltraitante pour les élèves et les professeurs ».

Mais S Contini entend continuer à préparer ses élèves au bac et à ses nouvelles épreuves. « Je garde confiance dans mon métier que j’ai choisi et que j’aime. Mais je veux l’exercer correctement et c’est pour cela que j’ai lutté contre cette réforme comme de si nombreux enseignants ».

L’affaire de Melle n’est pas close. Deux autres enseignants ont été sanctionnés à des peines moins lourdes. Un recours hiérarchique a été envoyé directement à JM Blanquer. C’est l’occasion de montrer son estime pour les enseignants…

François Jarraud

Lettre ouverte à la rectrice

L’enseignante gagne en justice