Print Friendly, PDF & Email

« On revient à ce qu’on avait avant 2015 : on pense l’école maternelle à partir de l’entrée en CP ». Intervenant lors d’une visioconférence organisée par l’Observatoire des zones prioritaires, Viviane Bouysse, inspectrice générale honoraire et grande spécialiste de la maternelle, a partagé sa lecture de la note publiée par le Conseil supérieur des programmes sur les orientations futures de la maternelle. Pour elle ce retour en arrière ignore les besoins des enfants des milieux populaires notamment dans la construction de l’autonomie langagière, dans l’apprentissage de la forme scolaire et dans la prise en compte de la globalité du développement. Résultat : on va exposer ces enfants à l’échec.

Une « élémentarisation » de la maternelle

« C’est un texte déroutant » estime Viviane Bouysse qui souligne les ambiguïtés et les contradictions du texte du CSP et aussi ses impasses : la note du CSP ne s’intéresse qu’au français, aux maths et aux sciences.

C’est un texte qui veut transformer l’école maternelle en école élémentaire. « Les auteurs du texte prennent l’instruction au sérieux sur le modèle de ce qui suit l’école maternelle », explique V Bouysse. « Il faut de l’école maternelle une petite élémentaire ». Ainsi il se focalise sur les disciplines et sur la réussite dans l’entrée en CP. Mais là aussi il y a une lecture très sombre » des évaluations de CP qui apparait comme « le cap et la boussole » de la maternelle. En scolarisant ainsi l’école maternelle, en mettant l’accent sur les disciplines, « on va exposer les enfants à l’échec il faut en avoir conscience ».

Pas de réflexion sur l’acquisition du langage

V. Bouysse souligne trois clés si le CSP voulait concilier l’efficacité de l’école avec la justice sociale. Le premier c’est l’acquisition de l’autonomie langagière. Elle se fait dans les familles favorisées à travers les échanges en français avec les enfants. Une partie des enfants issus de l’immigration ont des échanges en français avec leur assistante maternelle ou à la crèche. Mais les enfants des milieux défavorisés n’ont souvent pas accès à ces modes de garde.

La note du CSP se focalise sur le vocabulaire et l’apprentissage de la structure grammaticale. Pour V Bouysse ce qui compte c’est l’acquisition de la syntaxe. C’est la base de l’acquisition du vocabulaire. Et au final des formes grammaticales. Pour cette acquisition il faut des moments d’échanges individualisés, c’est à dire une participation de la maitresse aux jeux de chaque enfant surtout avec des classes qui sont souvent homogènes en éducation priroitaire. Et là on retrouve la question des effectifs.

Pas de vision claire de l’apprentissage de l’école

Le deuxième point sur lequel V Bouysse insiste est l’apprentissage de la forme scolaire. C’ets à dire apprendre à faire un usage diversifié du langage, comprendre que quand l’adulte parle à tous ca me concerne, être attentif aux intentions des autres. Finalement apprendre à se distancer et à réfléchir, à ne plus être dans l’agir tout de suite. Pour elle, ces questions sont peu évoquées dans la Note alors qu’elles sont très importantes. « Le raisonnement apparait dans la note à propos des maths. Comme si l’enfant devait surtout recevoir ».

Troisième point crucial, la globalité du développement c’est à dire comprendre l’importance des interactions enter émotion, motricité et cognition. Ce n’est aps un programme qui améliorera l’école mais les pratiques enseignantes. Or sur ces pratiques il y a pour elle des contradictions dans le texte de la Note. En français elle invite à « se conformer à des protocoles précis » alors qu’en maths elle dit qu’il faut tenir compte des progrès des enfants pour adapter le parcours d’apprentissage.

Ce que devrait changer la scolarisation obligatoire à 3 ans

Finalement V Bouysse souligne la question des effectifs. Quand la maternelle n’tait pas obligatoire elle a souvent été un levier utilisé pour ajuster les moyens et on a pris l’habitude d’avoir des effectifs très importants dès la petite section. « Maintenant que l’instruction est obligatoire à 3 ans la maternelle ne peut plus être une variable d’ajustement », dit V Bouysse. « Il faut revoir nos carte mentale : les remplacements en maternelle sont aussi importants qu’en élémentaire, les deux écoles doivent avoir les mêmes seuils d’effectifs.

La Note prépare t-elle au changement lié à la scolarisation obligatoire à 3 ans ? Il semble quelle essaie de décalquer l’école élémentaire sur la maternelle plutot que penser ce que doit être une école maternelle pour tous.

François Jarraud

Sur la réforme de la maternelle