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Que nous apprend l’essor de l’instruction en famille ? Le numéro 45 d’Education et sociétés sur « les espaces temps de l’éducation » se penche sur l’instruction en famille à travers deux articles qui tentent d’expliquer sa progression dans une réflexion sur l’évolution de l’Ecole.

Christine Brabant (Université de Montréal) a enquêté sur les familles pratiquant l’IEF en France, au Québec et en Suisse romande. « Si au Québec, toutes les raisons les plus fortes sont des motivations positives pour l’entrée dans l’AEF, en Suisse romande et en France, la plupart le sont aussi, mais trois sont négatives : le rejet de la compétition et de l’évaluation scolaires, les trop longues durées scolaires , puis, en Suisse, le rejet du conformisme scolaire et, en France, les violences éducatives à l’école. Ces raisons y sont donc significatives comme impératifs de sortie de l’école », écrit-elle. D’où l’idée que ces groupes pratiquant l’IEF sont indispensables à l’amélioration des systèmes éducatifs. « L’intérêt d’étudier ces groupes, du point de vue d’une gouvernance réflexive, tient justement à l’image d’elle-même qu’ils renvoient à l’institution par un effet de miroir créé grâce à leur extériorité. De plus, par leur recherche de nouvelles solutions aux défis rencontrés, ils offrent à l’institution une possibilité d’apprendre de leurs expérimentations et de les intégrer dans son développement ».

Pour Alice Tilman (UC Louvain), « L’expansion du phénomène fait émerger des formes de plus en plus organisées d’instructions entre familles, voire en communautés. Un tel processus d’auto-organisation est, en retour, de nature à alimenter et amplifier le mouvement. Plus les espaces-temps éducatifs sont organisés, plus ils tendent à constituer une véritable offre éducative, capable d’attirer et de soutenir davantage de familles. Ils constituent alors peu à peu un système hors du système, susceptible de produire un effet d’appel et d’amplification du phénomène. Dans les régions où cette alternative se développe depuis de nombreuses années et atteint un fort degré d’auto-organisation, choisir l’instruction à domicile ne constitue plus simplement un retrait vis-à-vis du système éducatif, mais relève d’un choix en faveur d’une offre éducative alternative autonome ». Pour elle, « Il est possible de comprendre le mouvement grandissant d’instruction en famille à la lumière de ces propositions, comme une réaction (typiquement moderne) à la manière dont la société globale fonctionnellement différenciée organise l’inclusion des individus. Dans les cas souvent étudiés d’orientation vers ce mode d’éducation par des parents progressistes et par des chrétiens conservateurs aux États-Unis, l’hypothèse peut être faite que c’est l’autoréférentialité accrue du système éducatif –le fait même que l’éducation se réfère plus exclusivement à sa propre logique et développe une forme d’indifférence à l’égard de critères non strictement scolaires –qui conduit les uns (progressistes expressifs) à considérer le système comme inhumain, impersonnel et les autres (conservateurs religieux) à regretter le manque de limites morales et religieuses à l’oeuvre dans le système ».

Education et Sociétés n°45