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Où en est-on de l’égalité filles – garçons dans l’école française ? Jacques Gleyse (LIrdef université de Montpellier) publie un ouvrage qui fait le point sur cette question (Le genre de l’école (L’Harmattan). Pour lui, la mixité mise en place dans le système éducatif ne correspond pas à l’égalité des chances ni à l’égalité de traitement des élèves filles et garçons. Les stéréotypes de genre restent très actifs à l’école. Ils se posent jusque dans les contenus disciplinaires. C’est ce qu’il explique.

Vous parlez de la « fabrication d’un élève garçon » ou d’une élève fille par l’école. Mais c’est quoi par exemple les particularités d’un élève garçon ?

Cela correspond aux stéréotypes de genre. Ceux ci ont été établis par de nombreuses enquêtes. Par exemple quand on demande à des élèves de 6ème de caractériser les élèves filles et garçons on voit apparaitre ces stéréotypes. Les garçons sont définis à plus de 75% des réponses par des adjectifs comme grossiers, sales, immatures , scientifiques. Les filles sont émotives, matures, scolaires, affectueuses, littéraires.

En fait quand ces élèves caractérisent ainsi leurs camarades, ils pensent que les professeurs partagent ces préjugés et vont appliquer ces stéréotypes aux élèves. De fait, alors que quand ils sont interrogés, les professeurs affirment ne pas faire de différence entre filles et garçons, quand on observe leurs cours on s’aperçoit par exemple que les interactions sont plus longues avec les garçons que les filles et qu’elles son d’un niveau plus élevé avec les garçons. Ce sont ces préjugés qui fabriquent les élèves garçons et les élèvs filles.

Elle commence quand cette fabrication ?

Dès la naissance par les parents. Le personnel hospitalier aussi traite différemment filles et garçons. Par exemple les petits garçons ne sont pas manipulés comme les petites filles.

Elle concerne toutes les disciplines ?

Les travaux montrent que toutes sont concernées et tous les niveaux de classe. Par exemple l’EPS a longtemps séparé filles et garçons. Encore en 1984 un tiers des cours seulement étaient mixtes en eps, soit ben après la loi Haby qui a généralisé la mixité (1975). En EPS on fait jouer à des activités spécifiques les garçons et les filles. Quand on a une activité commune, comme le volley ball, les professeurs dont trois groupes : faible, moyen et fort. Le groupe faible au collège ce sont les filles. Le fort les garçons. Il reste un groupe mixte, les moyens. Et bien on voit que les enseignants demandent de travailler des choses différentes. Aux garçons on demande de travailler l’attaque et aux filles la passe ou la défense. Derrière il y a le préjugé qui veut que les filles ne soient pas capables d’attaquer.

Cela concerne aussi l’évaluation ?

Longtemps en EPS on a évalué la performance plus que la technique. Des textes officiels ont essayé de modifier cela. Mais encore aujourd’hui les filles ont des notes inférieures à celles des garçons au bac.

Finalement les filles sont-elles victimes ou favorisées par l’école ?

Les filles , à part dans 3 disciplines (maths, physique chimie et eps) ont des résultats meilleurs que les garçons. Si on regarde les inscriptions au bac on voit qu’il y a 70 000 filles de plus que de garçons : elles accèdent davantage au bac. Mais si elles réussissent mieux à l’école, elles apprennent à l’école des stéréotypes qui vont les défavoriser quand il s’agira d’entrer en compétition. On se rappelle qu’en EPS on ne leur apprend pas à attaquer. Dans les classes on laisse les garçons dominer l’espace oral et les filles s’expriment moins. Les garçons qui sont moins scolaires se débrouillent pour accéder aux filières les plus porteuses sur le plan professionnel.

Pourquoi les enseignants devraient-ils échapper aux stéréotypes de genre communs ?

Parce que l’Ecole est en avance dans ce domaine sur la société . Et parce qu’elle a promu des changements sociaux majeurs sur cete question d’égalité filles garçons. Rappelez vous que Jules Ferry, dans une société très sexiste, a placé les filles et les garçons à égalité devant instruction : elle est obligatoire pour les deux sexes. C’était très progressiste. L’Ecole était e avance sur la société. Il est normal qu’elle continue à promouvoir l’égalité.

Propos recueillis par F Jarraud

Jacques Gleyse, Le genre de l’école en France : de la mixité à l’inégalité occultée. Expérimentations et propositions de transformations. , édition L’Harmattan, ISBN 978-2-343-18944-4