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12 juillet – La liberté pédagogique des enseignants en lycée est-elle menacée ? La prise en compte par le ministère, lors du CSE du 8 juillet, d’un amendement du Se-unsa sur l’évaluation du contrôle continu amène à poser la question. Le texte prévoit un travail en conseil d’enseignement et une validation en conseil pédagogique des évaluations du controle continu de 1ère et terminale. Le Se-Unsa estime que cette mise en commun protège les enseignants des pressions des parents et apporte de la cohérence à l’évaluation. Le Snes Fsu pense que c’est un grand pas vers le controle par les chefs d’établissement et une standardisation pédagogique. Ce qui est sur c’est que JM Blanquer a sauté sur l’occasion. Dans une lettre envoyée aux enseignants le 9 juillet, le ministre évoque « un cadre national d’évaluation complet ».

Un amendement qui oppose deux conceptions du bac

« L’organisation du contrôle continu pour les bacs général et technologique fait l’objet d’un projet d’évaluation travaillé en conseil d’enseignement , validé en conseil pédagogique et présenté en conseil d’administration ». Ces termes de l’amendement repris par le ministère font couler beaucoup d’encre , même si on ne connait pas encore précisément les termes de l’arrêté du ministère.

Une réflexion commune indispensable

Interrogée par le Café pédagogique, Claire Krepper, secrétaire nationale à l’Éducation du SE-Unsa, attend de cet amendement davantage d’égalité au sein des établissements. « Il nous parait important qu’il y ait une réflexion commune qui précise quels sont les attendus sur lesquels on va évaluer les élèves », nous dit-elle. « C’est aux équipes de trouver les meilleurs moyens pour respecter l’autonomie pédagogique et la progression de chacun ». A noter quand même la « validation » par le conseil pédagogique, un organisme souvent très dépendant du chef d’établissement.

Interrogée sur le travail supplémentaire que représente la réunion du conseil d’enseignement et l’organisation commune des évaluations, C Krepper remarque que le Se-Unsa a demandé du temps libre et le maintien de l’indemnité existante. Le ministère a entendu le message. Dans sa lettre aux enseignants, JM Blanquer annonce « des temps banalisés consacrés à l’organisation et aux modalités de ce controle continu », sans en fixer le volume.

Mais le « vrai » controle continu que JM BLanquer vient de décider pour le bac pose surtout la question des inégalités entre établissements plutôt que à l’intérieur des établissements. C’est ainsi que le supérieur sélectionne sur les lycées d’origine davantage que sur les notes. Sur ce point C Krepper attend « des outils proposés par l’inspection et des retours de l’inspection sur les constatations du controle continu de manière à ce que chaque équipe voit si elle est en phase ou pas par rapport à ce qui se pratique ».

Pour C Krepper, cette nouvelle organisation maintient la liberté pédagogique car il n’est pas prévu d’épreuves communes systématiques et la façon dont on enseigne reste à la main des enseignants. Surtout, pour elle, l’orientation des jeunes se fait déjà avec les notes des bulletins. Alors autant l’organiser.

Vers un controle accru des pratiques pédagogiques

« Ce texte place de fait l’organisation des apprentissages et des évaluations sous tutelle d’un conseil pédagogique présidé par le chef d’établissement », estime Claire Guéville, secrétaire nationale du Snes Fsu. « On voit ce que ça veut dire en terme de standardisation des pratiques sous le controle de tous ». Le passage en conseil d’administration élargira le controle aux parents et aux élèves. « On est sur une formalisation qui va se traduire en injonctions. C’est à mettre en relation avec le Guide de l’évaluation publié par le ministère qui fixe un nombre minimum de devoirs. L’évaluation va devenir un outil bureaucratique pour cadrer les pratiques pédagogiques », nous dit-elle.

Pour elle, cette offensive n’arrive pas par hasard. Elle le relie au Grenelle de l’éducation qui prévoit de multiplier les enseignants chargés de mission qui pourront surveiller les pratiques pédagogiques. On pourrait ajouter la vision du métier portée par le Conseil scientifique de l’éducation nationale. Leur modèle est Singapour, un état autoritaire où des enseignants hyper hiérarchisés se surveillent les uns les autres dans l’application de pratiques pédagogiques dictées.

Pour Claire Guéville, l’abandon d’une évaluation terminale casse la seule boussole sur laquelle les enseignants, quel que soit leur lycée, pouvaient aligner leurs exigences pour le bac. « Les notes que l’on met sur le bulletin ne sont légitimes que parce qu’il y a un horizon commun d’épreuves nationales. Si on casse la boussole, chaque établissement met en place ses propres mesure et on a un accroissement des inégalités ».

Plusieurs syndicats ont déjà répondu aux propos de JM BLanquer et à la décision du ministère. Le Snes Fsu, le Snep et le Snuep Fsu, FO, le Snalc, la Cgt et Sud affirment « leur attachement à un baccalauréat national avec des épreuves nationales terminales et anonymes, seule organisation gage d’égalité entre les élèves ». Les syndicats demandent le rétablissement des épreuves terminales et annoncent « une mobilisation » à la rentrée. Comme dans le premier degré avec les directeurs d’école, le ministre utilise les vacances pour imposer ses conceptions.

François Jarraud