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Quelle place doivent avoir les enseignements optionnels au lycée ? Le rapport des inspecteurs généraux Alain Brunn et Anne Gasnier va au fond des choses. Alors que la réforme du lycée a écrasé les enseignements optionnels pour récupérer des moyens, le rapport invite à un redéploiement à hauteur de 3 heures par division quitte à utiliser l’enseignement à distance. Il demande aussi un retour à la place ancienne des options en terminale alors que la réforme leur a donné un statut quasi obligatoire pour les seules maths. Il demande l’intégration des maths complémentaires dans l’enseignement scientifique c’est-à-dire dans le tronc commun. Le rapport a été partiellement entendu par le ministre qui a redonné de la valeur au bac aux enseignements optionnels. Mais leur redéploiement ne sera possible qu’aux dépens des moyens attribués aux spécialités. Ce qui continue à faire des options un élément du tri social.


Une réforme qui a réservé les options aux plus privilégiés

Avec la réforme du lycée les enseignements optionnels sont régis par un nouveau système qui a profondément modifié leur nature même. Ainsi le rapport d’Alain Brunn et AnneGasnier montre que les options sont devenues une chasse gardée des élèves les plus favorisés, notamment parce que l’offre s’est réduite dans les établissements populaires. Ainsi la moitié des élèves qui font des lettres classiques (LCA) proviennent de milieu très favorisés. C’est près de 40% en arts et en langues.

Surtout, depuis la réforme du lycée, le nombre d’élèves suivant des options en lycée a énormément chuté. Ainsi en langues vivantes on est passé de près de 50 000 à 30 000 élèves depuis la mise en place de la réforme. En langues anciennes, alors que le ministre vante le nouveau souffle qu’il aurait apporté à ces enseignements, on est passé de 34 000 à 26 000 élèves. Le pire concerne les options technologiques, où la composition sociale est plus équilibrée, où on est passé de 320 000 à 117 000 élèves en seconde depuis 2016. L’effondrement est tel que la filière technologique est menacée.

Creusement des inégalités entre établissements

Cet effondrement provient des difficultés d’emplois du temps générées par la réforme. Mais surtout du fait que les options ne sont plus financées. Les établissements doivent prélever sur les moyens des spécialités pour assurer les options. Seuls les gros établissements bien dotés, c’est-à-dire fortement soutenus localement, peuvent le faire.

Le rapport ne cache pas cette situation montrant qu’il y a un problème aigu d’égalité entre établissements. Il souligne aussi le risque de disparition de certains enseignements du pays. Si l’option EPS n’est pas nécessaire à la survie de l’EPS en France il n’en est pas de même pour l’hébreu, le grec ancien ou le néerlandais, par exemple, qui ne sont enseignés qu’en option.

Un choix contraire à la philosophie de la réforme

Ce n’est pas la seule raison pour laquelle les auteurs appellent à soutenir les options. Leur thèse c’est que les options sont en accord avec la philosophie proclamée de la réforme : construire librement un parcours individuel du jeune en fonction de ses centres d’intérêt. Or la réforme applique le contraire en terminale. Seule l’option DGEMC est ouverte à tous. L’option math experte est réservée et quasi obligatoire pour les élèves qui suivent la spécialité maths. L’option maths complémentaires est quasi obligatoire pour les élèves qui ont abandonné la spécialité maths en terminale mais veulent suivre des enseignements scientifiques dans le supérieur. Ils montrent aussi que les options contribuent à l’identité des établissements et finalement au climat scolaire.

Tout cela les amène à faire des préconisations fortes pour un retour des options à leur ancienne place dans les établissements et aussi pour les utiliser comme levier pour une évolution de la réforme.

Des préconisations fortes

En seconde ils proposent d’inscrire dans l’emploi du temps de chaque élève deux options, une générale et une technologique. Pour ne pas préparer dès la 2de le passage dans une série technologique précise ils proposent la création d’une option technologique nouvelle « qui présente la démarche de projet en prenant appui sur plusieurs domaines ». Ce serait donc une option au contenu assez flou ne préemptant pas une orientation. Mais on voit bien qu’il s’agit de regonfler les effectifs de la filière technologique qui est en pleine déliquescence.

Autre changement en terminale où les options auraient le même statut qu’en seconde ce qui serait la fin des enseignements de fait exigés en maths. Pour les maths complémentaires ils demandent que l’option soit reprise dans l’enseignement scientifique du tronc commun.

Pour le lycée ils demandent un droit à continuer toute option commencée en 2de , ce qui n’est réglementairement pas le cas en filière technologique actuellement. Ils souhaitent aussi une prise en compte des options dans la note du bac. Sur ce point JM Blanquer vient de leur donner raison en modifiant l’évaluation au bac.

Le mur financier

Reste à financer ce retour en force des options. Le rapport demande la transformation en postes académiques des heures d’enseignements optionnels tout en développement leur enseignement à distance. Ils demandent 3 heures pour chaque division réservées aux options.

C’est évidemment là le plus important problème. Le ministère n’entend pas affecter davantage de moyens au lycée. La solution a été annoncée dès juin par P Mathiot. Le ministère souhaite redéployer les options dans les lycées. Il a donc rétabli leur prise en compte dans les notes du bac. Mais les moyens accordés aux options devront être prélevés sur les enseignements de spécialité. « On a un lycée très onéreux.. Il y a dans certains lycées une façon de concevoir la réforme pour poser des triplettes au risque de bouffer la DHG. Si dans un lycée on réduit l’offre de triplettes on reste dans l’esprit de la réforme et on regagne des moyens sur la DHG », expliquait P Mathiot.

Maintenir les privilèges

Ce redéploiement des moyens des spécialités vers des options peut ne pas poser de gros problèmes aux gros établissements de centre ville. Il en va tout autrement des petits lycées et des établissements qui ont besoin de dispositifs pour accueillir des publics fragiles, les lycées populaires.

Déjà largement réservées aux élèves les plus privilégiés,les options vont contribuer davantage à la différenciation sociale entre les lycées. Alors que le rapport insiste sur la nécessité de rétablir plus d’égalité entre établissements, le ministère fait le choix d’augmenter les écarts. Là on retrouve la philosophie de JM Blanquer.

François Jarraud

Lerapport

Bac: à quoi servent les options ? (2014)