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La mixité sociale dans les collèges c’est bon pour tous les élèves. Une nouvelle démonstration vient d’être faite en Haute-Garonne où Georges Méric, président (PS) du conseil départemental de Haute-Garonne, a présenté le 6 octobre le premier bilan d’une politique volontariste conduite depuis 2016. La première cohorte d’élèves venus du quartier défavorisé du Mirail à Toulouse et scolarisés dans 11 collèges favorisés de l’agglomération entre en seconde. Ses résultats au brevet sont nettement meilleurs. L’orientation des élèves aussi. Pour cela il a fallu l’obstination du conseil départemental. Et, il faut le souligner, le soutien sans faille de l’Inspection académique depuis 2017.

Un engagement politique

« La mixité sociale pour nous c’est faire vivre la République ». Georges Méric, président (PS) du conseil départemental de Haute-Garonne est fier de présenter, le 6 octobre, les premiers résultats d’une politique de mixité sociale unique en France. Pour lui, la mixité sociale des collèges est un facteur d’égalité des chances et aussi « l’engagement de respecter chacune et chacun ».

Ce n’était pas donné au départ. La nouvelle majorité héritait en 2015 de 5 collèges ségrégués dont 2 situés dans le quartier ségrégué du Mirail. Ces deux collèges, Badiou et Bellefontaine, comptaient 85% d’enfants défavorisés. La décision a été prise en 2017 de fermer par étapes ces collèges et de réaffecter les enfants des écoles du Mirail sortant de CM2 dans 11 collèges favorisés de Toulouse. Pour cela la ville a mis en place des bus gratuits avec un accompagnateur éducatif pour emmener et ramener le soir les enfants. Plus de 1000 jeunes ont ainsi été transplantés loin de leur quartier dans des collèges où ils ont retrouvé des camarades plus favorisés. L’objectif c’était qu’aucun collège ne dépasse le taux moyen départemental d’enfants défavorisés, soit 35%.

Premier bilan en fin de collège

Quatre ans après la rentrée 2017, un premier bilan de cette politique peut être fait. Il se lit dans les résultats au brevet. 63% des élèves venus du Mirail ont eu leur brevet, soit nettement plus que la moyenne des collèges du Mirail (50%). Un tiers d’entre eux a eu plus de 12 de moyenne. Les meilleurs ont dépassé 18. Il se voit aussi dans l’orientation. 94% des élèves vont en lycée, 52% en seconde générale et technologique, 35% en seconde professionnelle en 1er voeu et 7% vont en Cap. 4 sur 5 ont choisi un lycée proche de leur collège plutôt que le lycée proche du Mirail.

Pour Etienne Butzbach, coordonateur du Réseau « Mixités à l’école » du CNESCO, qui a suivi de près cette politique, « l’environnement nouveau où ont évolué les élèves a été très favorable à leurs apprentissages ».

Choukri Ben Ayed, professeur de sociologie à l’université de Limoges, a suivi de près également cette politique. Il estime que les résultats au brevet montrent un net progrès car les difficultés rencontrées par les élèves portent sur le controle continu. Les élèves se sont trouvés face à un niveau d’exigence plus élevé et ont réussi à avoir finalement un meilleur score.

Du courage politique

Comment expliquer le succès de cette politique ? Etienne Butzbach comme Choukri Ben Ayed soulignent le courage politique du Conseil départemental. « C’était inimaginable en France de fermer deux collèges et de répartir les élèves dans une agglomération. C’est le seul cas en France », nous a dit C Ben Ayed.

Et il y a surtout la conduite politique du projet. « Cette politique n’a pas été imposée. Le conseil départemental a amené les gens à cheminer avec eux ». Il aura fallu pour cela une centaine de réunions publiques, « du jamais vu » note C Ben Ayed. Les réunions ont fait modifier le projet de départ. Aujourd’hui les élèves venus du Mirail construisent leur avenir scolaire dans toute l’agglomération. Cette façon de faire est une des clés du succès. Les familles concernées ont respecté leur secteur d’affectation. Le taux de respect de la carte scolaire frole les 80% contre 60% en moyenne pour la ville.

Ce courage politique a eu un coût. Le conseil départemental consacre 56 millions à cette politique. Elle paye le transport des élèves dans 17 navettes. Mais aussi des accompagnateurs dans les bus et, à l’intérieur des 11 collèges d’accueil, des ateliers thématiques durant la pause méridienne. Dans chacun des collèges deux résidents en service civique interviennent 10 à 15 h par semaine. Enfin le département a modifié les crédits pédagogiques versés aux collèges en fonction de leur mixité sociale. Au final 57 collèges publics ont vu leurs versements augmenter. 38 ont gardé le même forfait élève. Et un collège public s’est vu appliquer un malus. Aucun collège privé n’a vu ses versements augmenter. 8 ont eu leur forfait maintenu. Et 13 établissements se voient appliquer un malus. Il y a donc eu une redistribution des crédits pédagogiques vers les collèges jouant le jeu de la mixité sociale.

Un soutien constant de l’Education nationale

Mais il ne faut pas oublier la part de l’Education nationale. Mathieu Sieye, Dasen de Haute Garonne, voit dans cette politique « une avancée très importante et la nécessité pour nous de poursuivre ».

L’éducation nationale aide la politique de mixité sociale déjà par un soutien matériel. « Les négociations avec l’éducation nationale ont abouti à ce que les classes de 6ème comptent un maximum de 25 élèves. C’était la clé du dispositif », explique C Ben Ayed. « Les enseignants qui accueillaient les élèves du Mirail ont compris qu’ils auraient de bonnes conditions de travail ». Le dasen estime que cela correspond à 17 postes supplémentaires.

L’académie a aussi dédié 6 postes de professeurs des écoles à temps plein pour faire la liaison école collège. Ils ont préparé en amont dans les écoles le passage des élèves dans les collèges et aidé les principaux et professeurs à les accueillir. Des formations à la pédagogie différenciée et un accompagnement pédagogique ont été mis en place.

« Dans les collèges une attention particulière a eu lieu pour que les élèves du Mirail ne soient pas réunis dans les mêmes classes », explique C Ben Ayed. Ils ont été répartis entre 11 collèges et n’ont jamais été plus de 5 par classe. « Cela a contribué à ce que les enseignants n’aient pas l’impression d’accueillir des élèves différents », nous dit C Ben Ayed.

Un nouveau défi

Cette politique de mixité sociale n’est pas pour autant terminée. Dans les 3 collèges Rep+ qui ne sont pas fermés, car pas dans des quartiers ségrégués, le conseil départemental investit pour attirer des élèves plus favorisés.

Pour remplacer les deux collèges fermés, le conseil départemental ouvrira à la rentrée 2022 deux collèges neufs de 700 élèves, soit un investissement de 43 millions. Ces deux nouveaux collèges ne seront pas au milieu de la cité mais à cheval sur le Mirail et les quartiers pavillonnaires environnants. Il va donc y avoir une resectorisation générale des collèges de l’agglomération. C’ets là où on verra si le pari de la mixité sociale a convaincu. « Les gens des pavillons vont-ils jouer le jeu ? C’est un pari pour une politique qui se joue sur le long terme », di Choukri Ben Ayed.

François Jarraud

Etienne Butzbach sur Toulouse

Choukri Ben Ayed sur Toulouse

A Paris le succès de la politique de mixité sociale

Un autre bilan

Dossier du Cnesco sur la mixité sociale (2015)