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Que pourrais-je faire de sympa cette année avec mes élèves de CE1 ? C’est la question que je me pose en ce samedi, deux jours après la rentrée. Je suis tenté par l’idée d’un journal de classe. Je n’ai pas osé jusqu’à présent, par peur du temps que cela nécessiterait, tant en classe qu’à la maison, devant mon ordi pour mettre en page, etc.

Journal de classe –épisode 1

Je suis aussi impressionné par la qualité des journaux diffusés par certain-e-s collègues et me sens incapable d’utiliser les logiciels auxquelles ils/elles ont recours. En farfouillant mon bureau, je tombe sur l’Odidoc n°15 « Un journal scolaire hebdomadaire en cycle II » (éditions Odilon). La formule proposée paraît simple, accessible : écrire chaque jour avec les élèves un court texte sur ce qui s’est passé en classe, illustrer les articles le dernier jour de la semaine, réaliser un montage texte/illustration sur du A3 et photocopier le tout au format A4. Chiche.

Lundi 6 septembre. En début d’après-midi, je distribue des exemplaires promotionnels du Petit Quotidien reçus à l’école. Petite séance de découverte de ce journal. On lit quelques articles. On discute des photos et des illustrations et j’introduis l’idée de réaliser un journal de classe au cours d’année. L’idée ne semble pas rencontrer beaucoup d’échos. On verra bien.

Fin d’après-midi : Si aujourd’hui, nous écrivions un article sur ce qui s’est passé ce lundi dans la classe, que mettrions-nous dedans ?

Je n’ai pas noté les propositions mais on arrive très vite à l’article suivant : « Dans la classe des CE1B, il y a quinze élèves (Tenzin, Alpha, Tina, Charlie, Mohammed, Kandia, Isaac, Maëlys, Isra, Apolline, Candice, Basile, Naosica, Amon, Baba). Il y a deux maîtres : Thomas Servet et Théo Gomez-Richard. Ce lundi matin nous avons parlé des règles de vie en classe. »

Je propose l’article en exercice de lecture/phonétique le lendemain. Repérer les <A> qu’on entend (il y en a beaucoup), et ceux qu’on n’entend pas.

Et l’après-midi, même question que la veille. L’inspiration manque, mais on arrive quand même à : « Aujourd’hui, il a fait très beau toute la journée. » C’est mieux que rien.

Mercredi, c’est plus consistant : « Ce mercredi, Charlie nous a présenté un objet qu’elle a fabriqué avec sa grand-mère. C’est une grosse mouche qu’elle a mise dans un moule et qu’elle a recouverte de plastique fondu. »

Jeudi, journée longue, avec au programme un nouvel article, les illustrations et le bouclage du journal parce que le vendredi, je suis en « jour libéré ». J’ai préparé la maquette la veille : un simple tableau, quatre lignes, deux colonnes, sur le modèle proposé par Jacky et Pierre Varenne d’Odilon. Arriverons-nous à tout faire ?

Jeudi 14h, je lance la question pas encore rituelle ; l’article « tombe » : « Aujourd’hui, nous avons fait notre premier conseil de classe. »

– Y-a-t-il des volontaires pour réaliser les illustrations des articles ? Quatre élèves se proposent. J’ai préparé des bouts de papier à la taille des cases vides destinées à accueillir les illustrations. Ils ont tout juste quinze minutes pour plancher car je dois profiter de la récréation pour monter la maquette, faire mes collages et lancer les photocopies…

On n’a pas le temps de délibérer sur les illustrations, les quatre élèves me proposent leur sélection. Le quatrième article n’a inspiré personne. Pas le temps. Tant pis. Je fonce en salle des adultes avec colles, ciseaux et nos précieux dessins en main.

15h30, ça sonne, il faut remonter. Ce n’est pas génial (la dernière case est vide) mais c’est fait et, à mon sens, plutôt bien fait.

Distribution aux élèves, qui prennent possession le ce premier numéro encore tout chaud avec intérêt et amusement. Les illustrations suscitent pas mal de commentaires. La case vide aussi. Et puis les critiques tombent :

– Mais, c’est pas un journal ! Y’a qu’une page !

– Et puis, y’a pas de photos !

– Ni de couleurs !

Je garde quand même au fond de moi la fierté de ce premier numéro qu’on glisse dans les porte-vues de lecture. On le relira au cours de la semaine suivante.

Journal de classe –épisode 2

Un peu parce qu’ils semblaient trop déçus, un peu pour d’autres choses, je ne relance pas la rédaction d’articles, la semaine qui suit. Mais j’en parle à Charlotte, ma collègue Freinet qui me suggère de reparler avec eux de leurs déceptions.

Je lance la discussion au cours de la semaine 3. Mêmes critiques. J’explique la différence de moyens humains et financiers avec des journaux « professionnels ».

– Eh ben, on pourrait ne faire que ça nous aussi !

Dans ma tête, je me dis que j’aimerais tellement dire « chiche ». J’évoque la possibilité de dégager un temps de la semaine consacré uniquement à la rédaction du journal. Ça semble plaire. Et nous le programmons pour le jeudi après-midi avant la récréation. Alpha propose qu’on écrive des blagues.

En préambule à la discussion, nous avions relu le numéro 1. Il m’avait semblé voir des sourires de plaisir.

– C’est bien, ça fait comme des souvenirs !

Pour une raison que je n’ai pas noté, la séance de rédaction ne se fait pas cette semaine-là. Mais le jeudi suivant, c’est parti, « conférence de rédaction » !

– De quoi pourrait-on parler dans le journal ?

Je note les propositions au tableau :

Et chacun s’inscrit sur une thématique. Certaines ne trouvent pas preneur. A 14h20 tout le monde est lancé, les groupes s’organisent, ça gratte ! Vingt minutes avant la récréation programmée à 15h15, je sonne la cloche, chacun revient à sa table. Chaque groupe a le temps de présenter son article. On fait des remarques, on enrichit les articles. Beaucoup de blagues sont proposées mais j’avais prévenu que nous n’en retiendrions qu’une seule. Je n’ai pas le temps de faire voter et garde celle qui a fait le plus rigoler.

Il est 15h15 et j’ai sous le bras de quoi remplir mes cases. Ce n’est plus un journal hebdomadaire avec des cases quotidiennes. Mais de belles cases thématiques : les sorties, les questions que nous nous posons, blague ! On a écrit, rédigé, argumenté, illustré. Et au final, bien travaillé, ce qui jusqu’à présent n’était pas gagné. Je n’ai plus qu’à retranscrire et à m’occuper du montage. Le plus long sera le téléchargement et l’insertion des illustrations et des photographies, mais le résultat est là, bien là.

Qu’en diront-ils lundi ? On verra.

Épilogue

La lecture-découverte du numéro 2 a suscité plus d’enthousiasme que celle du numéro 1. Seul un esprit chagrin a exprimé le regret de ne pas y lire les blagues qu’il avait proposées. Il a aussi été remarqué qu’il n’était pas possible que la sortie ait eu lieu le mardi 15 octobre puisqu’on était le 11… Des sourires et des regards de complicité circulaient dans la classe. Vivement le prochain numéro !

Thomas Servet

Pour aller plus loin

1) Les éditions Odilon

2) Le Journal de classe

Une question

Est-ce préférable de produire un journal très travaillé mais pas fréquent ou alors un journal plus simple à réaliser mais plus souvent ?

La classe plaisir