Print Friendly, PDF & Email

Lundi 22 novembre 2021 se réunissait le Comité national de suivi de l’école inclusive (CNSEI) dont le sujet principal était la coopération entre l’éducation nationale et le secteur du médico-social. Au-delà de son aspect politico-médiatique, cette instance interministérielle incarne l’un des aspects importants de l’éducation inclusive appliquée aux institutions scolaires : le partenariat. Mais la nature de ce partenariat, ses modalités et ses finalités ne se limitent évidemment pas à ce comité national. Entre la classe dans l’établissement scolaire et l’échelon national, une rapide mise en perspective du partenariat peut contribuer à en élucider les enjeux pour l’école d’aujourd’hui.

On s’accordera ici sur une définition simple du partenariat, celle qui est proposée par le dictionnaire du CNRTL : « action commune entre deux organismes différents dans un but déterminé ». Car il s’agit bien de cela. L’école s’inscrit dans un champ social et citoyen en dehors duquel elle n’aurait pas de sens. Dans ce champ, si elle a un rôle éminent à l’attention des enfants, elle n’est pas seule. D’autres acteurs sociaux ont aussi une mission à l’égard des enfants qui complète celle de l’école. À leur manière et avec leurs compétences, ils contribuent à l’éducation des enfants. Ils peuvent soutenir leur scolarisation dans un partenariat avec l’école. Pour que ce partenariat soit éclairé de part et d’autre, il est utile d’identifier ces partenaires.

Les grandes institutions de l’État

L’école étant une institution, il est naturel que d’autres institutions en soient partenaires. Les collectivités territoriales en font partie. On trouve aussi dans cette catégorie les Agences régionales de la Santé (ARS), les nouvelles Directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS), la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ).

N’oublions pas l’Enseignement supérieur et la Recherche. Ces partenaires naturels de l’école s’ouvrent véritablement à la notion d’éducation inclusive. Cela non seulement parce que de plus en plus de lycéens à besoins éducatifs particuliers accèdent à l’enseignement supérieur, mais aussi parce que tant les besoins particuliers que l’école inclusive constituent aujourd’hui un domaine de formation et de recherche fécond et utile pour toute la société.

Les institutions de terrain

Sur le terrain, les partenariats avec les services et établissements de santé et médico-sociaux sont courants : l’Aide sociale à l’enfance, la Protection maternelle et infantile, la Caisse primaire d’assurance maladie, la Caisse d’allocations familiales, la Maison départementale des personnes handicapées ou Maison départementale de l’autonomie. On doit aussi considérer tous les services et établissements médico-sociaux et de santé, avec une suite innombrable de sigles : Sessad, SSEFIS, CMPP, CMP, Centre de ressources autisme [CRA], Ditep, IME, IEM, MECS et MECSa, etc.

Le monde associatif non lucratif est lui aussi largement investi en offrant des partenariats utiles et concrets pour l’école. Le plus souvent, les inspecteurs de l’éducation nationale chargés de l’ASH (adaptation scolaire et scolarisation des élèves en situation de handicap) connaissent bien ces acteurs dans l’académie et ses départements. Ils sont en mesure de contribuer aux prises de contact avec les équipes scolaires des écoles, collèges et lycées qui pourraient en bénéficier.

Les instances locales usuelles

Localement, les partenariats en faveur de l’école inclusive sont inscrits dans quelques institutions bien connues, notamment depuis la mise en application de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées : la CDAPH, commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées et l’ESS, équipe de suivi de la scolarisation des élèves en situation de handicap sont connus des enseignants et des parents. Leur composition témoigne de la variété des acteurs concernés. Pour la CDAPH : représentants du département, des services et des établissements publics de l’État, des organismes de protection sociale, d’organisations syndicales, des associations de parents, et pour un tiers de représentants des personnes handicapées, et enfin d’un membre du conseil départemental consultatif des personnes handicapées ; pour l’ESS : la famille, l’enseignant référent, les enseignants de l’élève en situation de handicap, la ou les personnes en charge de son aide humaine, les professionnels de santé et les professionnels des services sociaux.

À l’échelon local, il ne faut pas oublier les instances de partenariat propres à l’Éducation nationale. Ainsi la communauté éducative telle que définie par l’article L111-3 du Code de l’éducation : « Elle réunit les personnels des écoles et établissements, les parents d’élèves, les collectivités territoriales, les associations éducatives complémentaires de l’enseignement public ainsi que les acteurs institutionnels, économiques et sociaux, associés au service public de l’éducation. Dans le cadre d’une école inclusive, elle fonde sa cohésion sur la complémentarité des expertises. ». Le partenariat scolaire local s’incarne particulièrement dans deux instances bien connues : le Bassin de formation et d’éducation initié par la loi d’orientation pour l’école de 1989 et structuré par la circulaire du 20 juin 2001 ; et dernièrement, le Pôle inclusif d’accompagnement localisé (Pial) créé par la loi de juillet 2019.

Les comités de suivi de l’école inclusive

Et depuis 2019, deux nouvelles instances ont été créées. La circulaire du 5 juin 2019 pour une rentrée inclusive a créé le Comité national de suivi de l’école inclusive évoqué plus haut. Co-présidé par le ministre de l’Éducation nationale et la Secrétaire d’État auprès du Premier ministre chargée des personnes handicapées, il se réunit deux fois par an depuis novembre 2019. Il associe le Comité interministériel du handicap, la délégation interministérielle pour l’autisme au sein des troubles du neuro-développement, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, des représentants des parlementaires et des collectivités territoriales, des recteurs d’académies et directeurs généraux d’Agences régionales de santé, des représentants des Maisons départementales des personnes handicapées, et à parité des représentants du Conseil national consultatif des personnes handicapées, des parents d’élèves et des associations de personnes en situation de handicap.

Plus récemment, son équivalent départemental a été institué par un décret du 4 mai 2020 : le Comité départemental de suivi de l’école inclusive (CDSEI) est co-présidé par l’IA-Dasen et le directeur général de l’ARS ou son représentant. Parallèlement, à l’initiative des recteurs et des Dasen, çà et là ont été créées des instances de partenariat de types Comité académique de l’école inclusive ou Comité académique des usagers de l’école inclusive.

Au terme de cette liste roborative, on constate un foisonnement de partenaires et d’instances de partenariat qui interviennent pour la scolarisation inclusive des élèves à besoins éducatifs particuliers, tant dans le champ du handicap (qui est moteur, en l’occurrence) qu’au-delà de ce champ. On en a même vraisemblablement oublié dans cette théorie qui peut donner le vertige.

Ne pas perdre le nord dans ce foisonnement

Mais le plus important dans ce foisonnement, c’est de ne pas oublier ce qui est attendu dans le partenariat : croiser les points de vue pour enrichir l’analyse et la compréhension ; mieux articuler les actions de chacun pour éviter les malentendus, les impasses et les obstacles ; créer des synergies efficaces pour l’action des acteurs ; et même co-construire des objectifs et des modalités d’action identifiés par tous. Le partenariat a une portée politique qui mobilise la communication. C’est parfois agaçant et superficiel, mais c’est indispensable, car cela peut aussi contribuer à renforcer la portée opérationnelle de ce partenariat en orientant explicitement l’action concrète des acteurs.

Néanmoins, il y a des écueils à éviter. Les instances de partenariat ont d’abord vocation à mobiliser l’interactivité et ne pas borner leur travail à la seule communication descendante injonctive que pratiquent trop souvent les comités hiérarchiques de tous genres. Ces instances du partenariat de l’école inclusive doivent aussi se préserver de l’illusion performative qui fait croire que « parce que c’est dit ou écrit, c’est effectué et réel ». Et puis, si l’on veut que le partenariat soit efficace, il est préférable de ne pas négliger les conditions logistiques de sa mise en œuvre pour que les enseignants puissent y participer pleinement : il faut du temps, de la disponibilité, et se donner les moyens de gérer des environnements géographiques ou matériels parfois couteux et difficiles. Ce sont souvent là les principaux obstacles !

Enfin — on ne le dira jamais assez —, dans ce partenariat, il s’agit de penser l’école inclusive au-delà du handicap, c’est-à-dire à l’attention de tous les élèves ainsi que nous y invite l’un des principes fondamentaux du service public de l’éducation : « Il veille à la scolarisation inclusive de tous les enfants, sans aucune distinction » (Art. L111-1 du Code de l’éducation).

Dominique Momiron

Le Comité national de suivi de l’école inclusive du 22 novembre 2021