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À l’école Jean Rostand de Stains (Seine-Saint-Denis), lorsque les CM1 de Sophie Fernandes se produisent sur scène, c’est avec des stars tels qu’Amadou et Mariam. Amadou et Mariam ce sont ces chanteurs maliens non-voyants dont la chanson « Un dimanche à Bamako » trotte encore dans la tête de beaucoup d’entre nous. C’est dans le cadre du projet « La cité des Marmots 2022 », proposé par Villes des Musiques du Monde, que Sophie initie ses vingt-quatre élèves au chant mais aussi à la culture malienne. Un voyage dépaysant et riche pédagogiquement.

Sophie Fernandes est professeure des écoles depuis plus de vingt-et-un an, et à Stains depuis vingt ans. « Je suis Stanoise à l’origine ! J’ai grandi à Stains et y ait fait toute ma scolarité. Stains reste ma ville de cœur. Attachée à cette ville, je suis, aujourd’hui en tant qu’enseignante, attachée aux familles de mes élèves d’autant plus que je les connais presque toutes ». Dans son école, classée REP+, on aime les projets. La plupart des classes en ont un en cours malgré les restrictions dues à la crise sanitaire mais aussi au Plan Vigipirate. Le directeur, Lounes Kaabache, n’y est pas étranger. Dès qu’un projet est proposé à cette école de treize classes coincée entre une cité et une petite zone pavillonnaire, il sollicite les enseignants et enseignantes.

Valoriser la culture d’origine de certains élèves

Alors lorsque le « La cité des Marmots 2022 » a été proposé à l’école, Sophie s’y est inscrite. « J’ai tout de suite été emballée. Je connais les chanteurs, j’aime leurs titres… ». Le projet axé sur l’univers artistique et culturel des artistes Amadou et Mariam permet aussi d’aborder la culture et l’histoire malienne, pays dont sont originaires de nombreux enfants de l’école. « Je me suis immédiatement projetée, il y a beaucoup de pistes pédagogiques à travailler sur une culture que des élèves de la classe connaissent bien puisque c’est celle de leurs parents ou grands-parents… J’ai vu tout ce que je pouvais aborder en classe avec mes élèves et les divers échanges que nous pouvions avoir ». Toutes les classes participantes au projet ont reçu un guide pédagogique contenant les paroles des chansons des deux artistes, un lien pour les écouter gratuitement, différentes ressources pédagogiques et des ressources numériques. « La Cité des Marmots est un projet d’accompagnement artistique et culturel mené́ par Villes des Musiques du Monde en partenariat avec l’Éducation Nationale en direction des élèves des écoles primaires de Seine Saint Denis. Elle offre aux enfants un espace d’éveil au spectacle vivant, de découvertes des cultures du monde et d’apprentissage de la musique par le chant. Nous ferons partie du chœur qui accompagnera les chanteurs sur scène lors de leur concert le 26 juin 2022 » peut-on y lire.

Des répétitions hebdomadaires

Dans sa classe, Sophie bénéficie d’une intervenante musique, Joëlle Filippi, financée par Villes des Musiques du Monde. Tous les vendredis, et ce pendant quinze semaines, elle intervient dans la classe de Sophie – et celle de sa collègue de CE2 Noura Ben Salem, elle aussi participante au projet – pendant une heure. « Elle travaille la posture des élèves par des mises en scènes théâtralisées, leur voix par des jeux vocaux. Elle les fait chanter en les accompagnant à la guitare. C’est ludique, les enfants apprennent et répètent les chansons qu’ils chanteront sur scène à la fin du mois de juin ». Lors du concert avec Amadou et Mariam, les deux classes chanteront quatre chansons, deux avec la chorale – constituée de toutes les classes participantes – et deux seules avec les artistes.

Comme mise en bouche, les enfants ont eu l’occasion d’assister à un concert des artistes le 27 janvier dernier. Ils ont pu prendre des photos et leur poser des questions. « Ce premier concert a permis aux enfants de réaliser l’ampleur du projet et leur a donné́ encore plus envie d’y participer. Nous étions proches des chanteurs. Ils sont d’une extrême gentillesse et tellement abordables. Les enfants ont adoré ce moment ». Le concert, qui a eu lieu au Point Fort d’Aubervilliers – lieu privilégié de culture, regroupait toutes les classes de Seine-Saint-Denis participantes au projet. Les enfants ont chanté, dansé et entre deux chansons, ils ont même pris le temps de poser des questions aux artistes. Assitan et Sékou leur ont, par exemple, demandé quel était leur instrument préféré, à quel âge ils s’étaient rencontrés ou encore s’ils avaient un « rite » porte bonheur avant de monter sur scène…

Un projet pluridisciplinaire

Du côté pédagogique, les idées foisonnent. « L’intérêt premier est de faire découvrir aux élèves des cultures différentes, de travailler la géographie mais c’est aussi l’occasion d’aborder le thème du handicap puisque les chanteurs sont non-voyants ». En géographie, l’enseignante travaille sur les continents, notamment l’Afrique, et le Mali. Elle évoque aussi les différentes langues parlées au sein de ce pays dont la langue officielle est toujours le français, héritage colonial… Elle veut aussi aborder les différents modes de vie, le climat, les habitations et les plats typiques – le Tiep particulièrement. « J’aimerais que l’on prépare une liste des ingrédients nécessaires pour préparer ce plat, que l’on fasse les courses et demander à une ou plusieurs mamans de nous le préparer pour que les enfants le découvrent et goutent ce plat ».

Du côté du vivre ensemble, Sophie s’appuiera sur la littérature pour aborder le handicap. « On va lire Louis Braille, l’enfant de la nuit de Margaret Davidson. Les enfants se posent beaucoup de questions sur la cécité. C’est dont l’occasion d’aborder cette thématique à laquelle peu ont déjà été confrontés (ndlr : les enfants non-voyants et malvoyants étant rarement au sein d’écoles ordinaires contrairement à d’autres handicaps). J’aimerais aussi que l’on visite le musée Louis Braille à Coupvray et que l’on participe à des ateliers sensoriels afin de « dédramatiser » le handicap visuel ». Rendez-vous est pris pour le 26 juin !

Lilia Ben Hamouda