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C’est un peu un exercice imposé à chaque élection présidentielle. Dans une brochure présentée le 22 février, l’enseignement catholique livre sa « contribution » au débat politique. Il veut davantage d’aides publiques avec notamment le même soutien pour ses cantines que dans le public. Il veut surtout revenir sur la règle des 80/20 et pouvoir développer librement ses établissements avec le soutien de l’Etat. Il veut plus de pouvoir pour ses chefs d’établissement aussi bien pour les carrières des enseignants que pour les enseignements eux-mêmes. Il plaide donc pour un nouveau métier enseignant avec davantage d’heures de cours et de contrôle. Rien de bien neuf. Mais l’enseignement catholique sait se faire entendre. En 2017 il demandait la prise en charge par l’Etat de ses maternelles. E Macron l’a fait. En 2022 ses idées s’inscrivent dans les programmes…

Revenir sur les accords Lang Cloupet

« Ce n’est pas une revendication de l’enseignement catholique mais des propositions pour améliorer le système éducatif », prévient Philippe Delorme, secrétaire général de l’enseignement catholique. Alors que l’enseignement catholique est particulièrement ségrégatif socialement et scolairement, il n’est question que de mixité sociale et scolaire et d’intérêt général dans l’argumentaire de l’enseignement catholique. L’autre mot clé c’est la liberté, liberté des familles, liberté des enseignants, même quand il envisage de revoir à la hausse les pouvoirs des chefs d’établissement et les obligations de service des professeurs.

La revendication clé est ancienne mais probablement inatteignable. C’est « attribuer les moyens du privé en fonction des besoins reconnus ». En clair revenir sur les accords Lang – Cloupet de 1992 qui ont gelé la part du privé à 20%. Accords favorables au privé qui ne scolarise que 18% des élèves. Mais le SGEC veut pouvoir développer ses établissements en fonction de la demande avec le soutien de l’Etat. Pour P Delorme cela représente « des centaines de classes ». En 2017 P Balmand estimait à 30 000 à 50 000 élèves supplémentaires qui pourraient rejoindre le privé. Ces accords n’ont pas valeur constitutionnelle ou législative. Ils ont une valeur encore plus grande. Ils résultent d’un long combat politique qui s’est achevé sur ce compromis. Le remettre en question c’est rouvrir la guerre scolaire. Qui y a vraiment intérêt ?

Prise en charge des cantines du privé

Commençons par la revendication principale de l’enseignement catholique. Il veut l’inclusion dans le périmètre scolaire des services dont les familles ont besoin et rendre obligatoire l’attribution des mêmes subventions sociales aux établissements scolaires. Cela vise au premier chef les cantines scolaires du privé qui ne bénéficient pas des mêmes subventions publiques que les cantines du public. L’enseignement privé estime que cela empêche l’ouverture sociale de ses établissements. En réalité, au regard de la composition sociale de la plupart des établissements (avec des variantes régionales), cette aide bénéficierait aux plus favorisés.

Autonomie et carrières enseignantes

Comme lors de la précédente présidentielle, l’enseignement catholique veut renforcer l’autonomie de ses établissements. Il y a des cotés qui plairont aux pédagogues. Le secrétariat de l’enseignement catholique (SGEC) veut rétablir la logique des cycles, mise à mal sous le mandat de JM BLanquer par des attendus annuels. Il veut donner de la marge aux établissements dans les moyens d’accompagnement des élèves. D’autres par contre pourraient mobiliser les enseignants.

Ainsi l’idée de « repenser le collège unique » pour « l’adapter la pédagogie en fonction des profils accueillis ». Tout de suite ce qui vient en premier dans l’argumentaire du SGEC ce sont les élèves les plus forts qui pourraient ainsi être poussés encore plus haut. Le SGEC dit ne pas vouloir de classes ou d’établissements de niveau. Mais la logique de cette revendication y mène tout droit comme nous l’avons montré ici.

Aussi le SGEC veut « donner un rôle plus déterminant au chef d’établissement dans la constitution de ses équipes ». Ce rôle est déjà très important dans l’enseignement privé où le chef d’établissement choisit les professeurs. Donc ce qui est en jeu maintenant c’est l’accès au métier enseignant. L’enseignement catholique ne veut pas « mettre fin aux concours mais avoir un autre mode de recrutement » pour des postes en CDI. Le chef d ‘établissement « est le plus à même de se rendre compte du travail accompli par un enseignant ». C’est lui qui devrait avoir la main sur la carrière et donc le salaire de ses enseignants.

Justement parlons carrière. Le SGEC estime que « le métier enseignant doit évoluer » et il veut revoir les obligations de service des enseignants et « simultanément » leur rémunération. Le lien est fait entre revalorisation et contreparties. De la revalorisation on ne saura rien de précis. Des contreparties par contre on a des idées. Le Sgec demande à augmenter le temps d’enseignement des professeurs en allégeant le nombre d’heures de cours des élèves. « Moins une heure par division cela créerait un volume important et permettrait de faire des économies ». Autre idée : l’annualisation des services, une mesure qui semble anodine. Mais de facto augmenterait de 10 à 20% le temps de travail sans couter un centime en retirant l’impact des jours fériés, des heures où l’enseignant ou les élèves sont absents pour motif officiel sur le temps du pour l’enseignement.

La déferlante de la privatisation

La plupart de ces mesures étaient déjà proposées par l’enseignement catholique en 2017. Cette année là, il demandait la prise en charge par l’Etat de ses maternelles. Il l’a obtenu de JM Blanquer pour un cout estimé par le budget à 100 millions environ.

Les revendications sur l’autonomie ou le métier enseignant n’ont pas été écoutées après 2017. Ce n’est pas pour cela qu’elles ne le seront pas dans le prochain quinquennat. Elles sont inscrites au programme de V Pécresse. Et il semble , si on décrypte ce qu’a dit le président par exemple à Marseille ou les « fuites » envoyées dans l’opinion, qu’elles seraient aussi inscrites au programme du candidat Macron. Pour une fois l’enseignement privé est en passe d’obtenir la privatisation du système éducatif.

François Jarraud

Les demandes du privé en 2017