Associez deux Ă©lĂ©ments de l’actualitĂ© avec d’un cĂ´tĂ© les commĂ©morations Ă venir de 14-18 et, de l’autre, les MOOC et vous avez un duo qui devrait faire parler de lui. C’est ainsi que France UniversitĂ© NumĂ©rique (FUN, faut oser!), vous propose son MOOC dĂ©diĂ© Ă l’enseignement de l’histoire — La première guerre mondiale expliquĂ©e Ă travers ses archives [1] — nous donnent l’occasion de faire le point sur la question des MOOCs rapportĂ©e Ă l’enseignement de l’histoire.
Day of the Mooc par Michael Branson (http://www.michaelbransonsmith.net/blog/2012/12/19/day-of-the-mooc-now-animated/)
La présentation du cours (12 séances annoncées) nous indique que ce cours « est conçu comme un laboratoire. Le public est invité à se confronter à la Grande Guerre à travers les archives et les sources conservées à la B.D.I.C. Il s’agit de montrer comment travaille l’historien et comment l’analyse des sources a renouvelé le regard sur 14-18 ». Il est indiqué que les séances s’appuieront sur des outils multimédias innovants. Mais la vidéo de présentation ressemble avant tout à un cours magistral filmé à la va-vite avec un professeur, Annette Becker dans le cas présent, lisant plutôt laborieusement ses notes. Concernant l’évaluation, celle-ci se fera sur la base d’un Q.C.M., autour de documents historiques à analyser selon les méthodes évoquées dans le cours. Rien de très révolutionnaire, ni de haut niveau taxonomique…
Cette prĂ©sentation succincte de ce cours Ă venir donne quelques indications sur les caractĂ©ristiques d’un MOOC, c’est-Ă -dire un Massive Open Online Courses. Premièrement, il s’agit de cours acadĂ©miques diffusĂ©s en ligne. La plupart du temps, il s’agit de cours magistraux adaptĂ©s pour un usage numĂ©rique. Dans le cas prĂ©sent, des documents audio-visuels s’ajoutent Ă la voix-off du professeur pour une sorte de webdocumentaire. A d’autres moments, on voit directement le professeur filmĂ© Ă son bureau lisant ses notes. Deuxièmement, au terme du cours, une Ă©valuation est prĂ©vue pour valider les acquis. Troisièmement, ce type de cours est massif, car un grand nombre de personne peut s’inscrire.
La mode des MOOCs nous vient du continent nord-américain. Affordance [2] nous apprend que
« Le premier MOOC officiel a Ă©tĂ© lancĂ© par Stephen Downes et Georges Siemens en 2008 en prenant appui sur la thĂ©orie du connectivisme. Ce MOOC « historique » s’Ă©talait sur 12 semaines et comprenait 1900 Ă©tudiants, il Ă©tait hybride dans son financement, certains Ă©tudiants payant pour obtenir une certification, d’autres se contentant de suivre gratuitement le cours (sans certification Ă la sortie). Il portait sur le sujet du connectivisme et Ă©tait « bricolé » Ă partir de diffĂ©rentes briques logicielles gratuites (un wiki, un blog, un forum Moodle, un aggrĂ©gateur type Netvibes – Pageflakes – un compte Twitter et une platefome de diffusion vidĂ©o en streaming – UStream). »
PĂ©dagogiquement, Affordance nous prĂ©cise que beaucoup de MOOCs s’appuient sur la pĂ©dagogie de la classe inversĂ©e (Flipped Classrooms) soit une autre remise au goĂ»t du jour numĂ©rique de dĂ©marches anciennes renvoyant l’Ă©tude de la thĂ©orie Ă la maison pour utiliser le temps de travail en classe Ă des travaux pratiques. Pour beaucoup, les MOOCs signeraient Ă terme la fin des salles de classes tout en signant le renouveau des universitĂ©s, mais pas celui de la pĂ©dagogie. Fondamentalement, le projet des Mooc consiste Ă standardiser l’apprentissage et tend Ă accentuer la concurrence entre universitĂ©s et entre les Ă©tudiants eux-mĂŞmes… [3].
En mai 2013, le rĂ©seau amĂ©ricain History News Network [4] rappelait qu’en 2011, Randall Stross, professeur d’économie Ă l’universitĂ© d’État San Jose annonçait les effets de cette standardisation
« Quand les collèges et les universités décideront finalement de faire pleinement usage de l’Internet la plupart des professeurs perdront leur emploi. »
Or ce temps semble ĂŞtre venu aux États-Unis avec la la prolifĂ©ration des cours en ligne massif (MOOC). En effet, le 30 mai 2013, Coursera, le fournisseur de MOOC fondĂ© par l’UniversitĂ© de Stanford, a annoncĂ© qu’il venait de signer des accords avec dix universitĂ©s d’État afin de produire et de partager des cours en ligne octroyant des crĂ©dits universitaires Ă leurs Ă©tudiants. Ces dix universitĂ©s publiques regroupent un total de près de 1,5 million d’étudiants. La rapiditĂ© de ce dĂ©ploiement en a surpris plus d’un et annonce des jours sombrent pour les enseignants d’histoire de ces universitĂ©s, car le modèle de Coursera est imparable. Dans un premier temps, des professeurs dits «superstars» dĂ©veloppent des cours en ligne attirant un grand nombre d’Ă©tudiants. Dans un deuxième temps, pour un coĂ»t dĂ©risoire, ces cours sont ensuite mis Ă la disposition d’UniversitĂ©s aux moyens financiers limitĂ©s et cherchant Ă limiter leurs coĂ»t salariaux.
Cependant, le ratio entre les Ă©tudiants inscrits et ceux qui vont rĂ©ellement au bout du cours est encore très faible. Dans certains cas, jusqu’Ă 90% des Ă©tudiants inscrits ne vont pas jusqu’au terme du cours en ligne [5]. Les rĂ©sultats ne sont donc pas fondamentalement meilleur que dans un cours magistral traditionnel. Seuls les Ă©tudiants disposant d’un tutorat assurĂ© en prĂ©sentiel par des professeurs parallèlement au cours en ligne trouveront un bĂ©nĂ©fice dans de tels dispositifs.
Au final, les enjeux de l’enseignement au 21e siècle restent fondamentalement les mêmes que pour l’enseignement démocratique et de masse des 19e et 20e siècles. L’analyse des outils numériques doit se faire à l’aide du questionnement suivant :
1° Dans quelle mesure cet outil engage-t-il plus mes élèves dans leur formation et leurs apprentissages que d’autres outils numériques ou non ?
2° Dans quelle mesure concoure-t-il à un enseignement démocratique et à l’émancipation du savoir?
A la suite d’InternetActu, nous affirmons aussi que l’enjeu de l’Ă©ducation de demain ne consiste pas Ă dĂ©velopper un enseignement massif et formatĂ©, mais Ă dĂ©velopper un enseignement distribuĂ© et collaboratif.
Lyonel Kaufmann, Professeur formateur,
Didactique de l’Histoire, Haute école pédagogique du canton de Vaud, Lausanne (Suisse)
Notes
[1] http://www.france-universite-numerique.fr/mooc-la-premiere-guerre-[…]
2] http://affordance.typepad.com/mon_weblog/2013/05/de-[…]
[3] Mooc : la standardisation ou l’innovation ? | InternetActu.net :
http://www.internetactu.net/2013/02/20/mooc-la-standardisation-o[…]
[4] Historians at MOOC Partner Schools Say Faculty Not Consulted | History News Network :
http://hnn.us/article/152088#sthash.NxNpdIxU.dpuf
[5] http://qz.com/65408/the-dirty-little-secret-of-online-learning-students[…]