Pédagogisme, rythmes, CP, devoirs, programmes : Blanquer dévoile son programme
Réception des syndicats du 24 au 26 mai, interview au Point le 25, intervention au congrès de la Peep le 26, Jean-Michel Blanquer n'a pas fait le pont. Il a précisé ses orientations sur plusieurs points qui concernent directement les enseignants : les dédoublements de CP, les rythmes scolaires, les devoirs et d'une façon générale une "évolution" des programmes et la fin du "pédagogisme". Tout en affirmant sa volonté de ne pas faire "d'injonctions contradictoires avec celles de la majorité précédente" et de laisser le terrain arbitrer, c'est bien le détricotage des réformes par en haut qu'annonce le ministre.
"Devoirs faits"
Sa principale annonce, JM Blanquer l'a réservée au Point dans un entretien publié le 25 mai. "Il est important que chaque enfant puisse travailler individuellement, au calme, pour faire des exercices, répéter ses leçons ou exercer sa mémoire.. Il est évident qu'il y a des disparités entre les élèves suivant la situation familiale. Il doit y avoir des devoirs et ils doivent pouvoir être fait au sein de l'établissement grâce à un temps d'étude accompagné. Cela s'appellera "devoirs faits", déclare le ministre.
Le lendemain, au congrès de la Peep, selon l'AFP, JM Blanquer précise le dispositif. Déployé en collège il pourrait consister en études dirigées de 16 à 18 heures dans tous les collèges". Il évoque "une forme de tranquillité en famille" et sa volonté "d'amenuiser les inégalités qui peuvent exister entre les familles".
Sur son blog, l'historien Claude Lelièvre rappelle que ce dispositif avait été annoncé en 2007 par X. Darcos pour les collèges prioritaires avant d'être promis en 2008 à tous les collèges puis finalement escamoté. Ainsi en Seine Saint Denis, selon C Lelièvre, le dispositif passe de 1200 à 300 heures par collège dès 2010, sous la houlette du nouveau patron de la Dgesco, un certain JM. Blanquer...
Car la question est bien sur celle de l'encadrement. Ces heures d'études seront-elles faites par les enseignants ? Cela constituerait une réforme pédagogique de taille , comme le rappelle aussi C Lelièvre. Ou seront-elles confiées à des jeunes du service civique ? On peut alors douter de son efficacité... Pour le moment le ministre a juste trouvé le nom pour nommer cette promesse de campagne d'E Macron.
Rythmes, soutien aux municipalités et avenir des PDM
"On va travailler avec les communes et l'association des maires de France pour aider les communes à réaliser les premiers aménagements nécessaires (au dédoublement des CP) avec une enveloppe budgétaire" a déclaré JM Blanquer dans La Provence. Cette enveloppe nous avait déjà été annoncée en avril par l'équipe de campagne d'E Macron qui en avait fixé le montant pour 2017 à 200 millions, somme qui semble déjà ne plus être d'actualité.
Dans un entretien donné à l'AFP le 26 mai, le ministre précise que les "maitres +" (maitres surnuméraires ou PDM) pourraient se maintenir à certains endroits. " Il y a des endroits où le dédoublement" des classes de CP "est faisable physiquement et d'autres où ce sera difficile", et où le dispositif "plus de maîtres que de classes", lancé sous le précédent quinquennat et dont plusieurs voix redoutent la disparition, sera donc maintenu", écrit l'AFP.
Comme le ministre table sur environ 2000 classes dédoublées à la rentrée 2017, cela concernerait à peu près la moitié des maitres + qui seraient affectés en CP à moins que les autorités locales trouvent d'autres solutions. Les autres pourraient suivre à la rentrée suivante. Le discours ministériel semble donc moins rassurant qu'il y a quelques jours.
Rythmes : Un décret dès cet été
Les municipalités qui le souhaiteront " pourront, si elles sont prêtes, à la rentrée prochaine changer leur dispositif avec le soutien des institutions de l'Éducation nationale", a déclaré le ministre, selon l'AFP, le 26 mai. Cela prendrait la forme d'expérimentations avant un texte plus global en 2018.
Le ministre agit sous la pression de certaines municipalités , comme Marseille, pressées de récupérer le budget du périscolaire. D'autres municipalités souhaitent le maintien des rythmes actuels. C'est le cas de l'association des directeurs de l'éducation des villes (ANDEV) qui prend position en faveur du maintien dans une lettre du 22 mai. " L’action éducative s’inscrit dans un temps long et se nourrit des continuités. L’ANDEV juge risqué de déconstruire dans la précipitation les dynamiques initiées localement, à travers l’évolution des rythmes éducatifs notamment, sans évaluation des impacts", écrit l'association.
Fin du "pédagogisme" et réforme des programmes
Après le détricotage des réseaux des maitres + et celui des rythmes, le ministre annonce des "évolutions" des programmes. "L'alternance politique ne peut plus se traduire par des injonctions contradictoires avec celles de la majorité précédente", écrit le ministre dans Le Point. "Il faut en finir avec les révolutions verticales".
Mais c'est aussitôt pour enchainer sur la réforme du collège et des programmes de français et d'histoire. Au collège, "il ne faut pas supprimer les programmes actuels mais les faire évoluer grâce à des repères annuels et aux initiatives que nous prendrons en matière de formation des professeurs et de développement des outils pédagogiques".
Si l'on comprend bien, le ministre pourrait ne pas toucher pas à la loi de 2013 qui a fixé des cycles qui sont à la base des programmes, mais fournirait des outils imposant un découpage annuel mettant fin, en réalité, aux cycles.
Jean-Michel Blanquer a été plus précis sur les programmes de français et d'histoire. "L'apprentissage du français repose sur le vocabulaire et la grammaire. La progression de l'élève doit se faire selon un programme, clair, explicite et structuré". En histoire, le ministre veut que l'on avance "de façon structurée et explicite : aller du simple au complexe. Il est normal de déployer une chronologie narrative", reprenant au passage l'accusation de l'absence de chronologie dans les programmes d'histoire.
Pour les enseignants, ces termes rappellent des souvenirs. Ce sont les mots de G de Robien, ceux qui ont été mis en oeuvre dans les programmes de 2008. Dans Le Point, le ministre donne des gages aux plus traditionalistes. "Le pédagogisme doit désormais relever du monde d'hier". Difficile d'être plus clair.
François Jarraud
Par fjarraud , le lundi 29 mai 2017.