Menaces : Surenchères dans le premier degré
Jeudi 21 mars, 4 syndicats représentant les enseignants du premier degré (Snuipp Fsu, FO, Se-Unsa et Sud) ont quitté la réunion de CAPD au rectorat de Paris. Ils dénoncent une escalade dans les menaces adressées aux enseignants qui n'ont pas fait passer les évaluations ou transmis les résultats. Une enseignante témoigne de sa sortie de classe sous les menaces d'une inspectrice. Une situation qui révolte beaucoup d'enseignants et pousse à la mobilisation.
Le zèle de certains inspecteurs
Dans une lettre du 8 mars, le directeur des relations humaines du ministère de l'éducation nationale réagissait aux refus de faire passer les évaluations nationales ou de faire remonter les résultats. Il appelait les recteurs les recteurs " à apprécier le comportement de chacun des professeurs concernés et le respect de la procédure disciplinaire prévue".
"Dès le lendemain les inspecteurs ont contacté les écoles", nous confie Jérôme Lambert, secrétaire départemental du Snuipp 75. "Ils menacent de blâmes et d'avertissements les enseignants. On assiste à un surprenant changement de ton. Dans certaines circonscriptions, certains IEN font du zèle. Il y a des abus". D'après J Lambert une cinquantaine d'enseignants de la capitale seraient directement visés par ces menaces.
Denise 30 ans de passion pour le métier, zéro gratitude
C'est le cas de Denise (le prénom a été changé) qui enseigne en CP en éducation prioritaire. Professeure en fin de carrière, elle a toujours été bien notée. "Dès septembre je me suis dit que je n'allais pas faire passer ces évaluations en entier car les exercices sont inadaptés pour des enfants qui sortent juste de maternelle. Certains sont trop longs. Par exemple où les enfants doivent comparer des suites de nombres ne sont pas adaptés car les enfants en maternelle n'ont pas travaillé sur des fichiers de maths. Ils ont du mal à se repérer sur une feuille".
Si elle a écarté certains exercices, Denise en a fait passer d'autres. "J'ai gardé les exercices liés à la compréhension orale que j'ai jugés adaptés. J'ai gardé aussi l'écoute des sons mais pas tous car les enfants ont une capacité d'attention limitée. Bref j'ai gardé les exercices que je jugeais adaptés et je n'ai rien chronométré car j'ai privilégié le bien être des enfants. IL ne faut jamais oublié que ces enfants viennent de maternelle et qu'ils doivent déjà s'adapter au changement d'école".
Evidemment Denise n'a pas fait remonter les résultats des évaluations. Et elle a eu la même ligne de conduite lors des secondes évaluations.
Cela lui a valu de voir l'inspectrice débarquer dans son école. "L'IEN est venue me chercher dans ma classe pour me dire de saisir les évaluations sous peine de sanction. Je tombais des nues", nous dit-elle. Dans son école plusieurs enseignants ont vécu la même scène.
Denise n'envisage pas de saisir de faux résultats. "La solidarité de mes collègues me tient chaud au coeur. J'ai entendu des collègues expliquer pourquoi ils n'ont pas fait passer ces évaluations. Ca m'a fait plaisir de voir les collègues privilégier l'intérêt des enfants".
Il faut restaurer la confiance
"Tout cela suscite de l'écoeurement et de la colère", nous dit J Lambert. Les syndicats ont organisé deux réunions avec les professeurs des écoles qui ont été très suivies. "On sent une colère qu'on n'avait pas vu depuis longtemps". A Paris , un rassemblement est prévu le 27 mars devant le rectorat en soutien des enseignants. Cette mobilisation s'est perçue déjà le 19 mars.
Ce même 21 mars, le directeur des relations humaines du ministère recevait les syndicats séparément. Selon F Popineau, secrétaire générale du Snuipp FSu, le courrier du ministère visait à donner des éléments de langage aux Dasen et aux recteurs. Ce n'était pas une consigne ferme de sanctionner.
"Nous avons faut valoir que les enseignants qui ont refusé de faire passer les évaluations sont souvent ceux qui réfléchissent le plus à leur pédagogie. C'est parce qu'ils ont cette réflexion qu'ils refusent des évaluations qu'ils jugent sans utilité. Le ministère pense toujours que c'est parce que les enseignants ne comprennent pas qu'ils n'adhèrent pas. Il ne fait pas sous estimer les enseignants. Ils comprennent ce que dit le ministre. Mais ils ne sont pas d'accord".
F Popineau appelle à "restaurer la confiance". "Il faut que les enseignants puissent travailler sereinement et sentir que l'institution est de leur coté. Il faut qu'ils soient accompagnés par les inspecteurs. Ce n'est pas en les intimidant qu'on obtiendra de meilleurs résultats pour l'Ecole".
François Jarraud
La lettre ministérielle du 8 mars
Par fjarraud , le lundi 25 mars 2019.