Edition 2012 de Ludovia du 27 au 30 aout sur le thème du "plaisir d'apprendre et d'enseigner"
Un air de Ludovia souffle sur la rentrée

Ludovia 2012 avait inscrit le plaisir au menu des 675 participants à l’Université d’été du numérique. Le plaisir d’enseigner, plaisir d’apprendre avec le numérique a été passé à la moulinette des enseignants, des chercheurs, des élus, des représentants de collectivités locales et des entreprises. Comment est il ressorti de cette lessiveuse virtuelle ? Blanc comme neige sur les montagnes de l’Ariège, gris comme une souris délaissée ou sombre comme le cagibi d’une maison en désordre ? Rien de tout cela, le plaisir d’apprendre et d’enseigner a été approché sans laisser percer la totalité de ses mystères. Normal me direz-vous le plaisir est affaire individuelle, de goût et de vécu.

Et puis, en laissant décanter les fruits des idées échangées au cours des tables rondes et lors d’échanges informels, on se dit peu importe. Ludovia a encore réussi son coup : réunir des acteurs de l’éducation différents, exerçant dans des sphères voisines mais quasi étanches, et favoriser les échanges sur des thèmes collant à l’actualité, la précédant même. Les débats autour de la refondation de l’école de l’acte III de la décentralisation se sont mêlés à Ax les Thermes donnant tout son sens à une vision politique de l’éducation à l’ère du numérique où les enjeux territoriaux, sociaux, économiques, culturels, sont prégnants. Equité, égalité, les deux mots se conjuguent dans les discours et les lignes de prospective. L’accord apparent de principe demande à être approfondi, à imaginer de nouveaux territoires, de nouvelles interactions entre l’Etat et les collectivités locales, des moyens concertés pour donner une chance de concrétisation du concept d’équité.

En se promenant dans les différents lieux de Ludovia, on pouvait se dire que nous avons tout pour passer à l’ère de l’école numérique : des usages présentés par les enseignants dans les explorcamps, des outils vantés par les représentants des entreprises, des idées développées lors du colloque scientifique. Tout ou presque : dessiner l’école numérique avec des schémas anciens voue l’opération à une rapide obsolescence. Vincent Peillon lui-même nous l’a dit : le numérique est une révolution aussi importante que celle du livre ou que la révolution industrielle. Alors, à l’invitation de Serge Tisseron, il serait sans doute temps de l’aborder en considérant le numérique comme une nouvelle culture impliquant de nouveaux modes de pensée. La révolution n’est pas uniquement technique, elle est aussi culturelle et réclame une ouverture peu habituelle dans un monde éducatif où le cadrage des référentiels et le mètre étalon des diplômes cantonnent dans un certain quant-à- soi.

La convivialité des échanges, la richesse des débats ont laissé naitre de nouvelles questions, attisant notre faim ou notre soif, exacerbant notre curiosité. Nous ne sommes pas inquiets, toutes les années c’est ainsi. Les ent, les jeux sérieux, objets des précédentes universités ont été examinés sous toutes les coutures et cet examen effectué par des regards multiples avaient aussi soulevé tout un tas de questions. Ces questions ont trouvé depuis des éléments de réponse ou pas, ou ont été reprises dans l’édition 2012 de Ludovia. Ce qui importe c’est la possibilité de glaner de nouveaux éclairages et d’avancer dans sa propre réflexion, dans ses pratiques. Avec le temps, nous admettons que la culture numérique nous gagne avec toutes ses contradictions et ses incertitudes que nous apprenons à laisser co-exister.

Nous quittons Ludovia la tête pleine, les yeux déjà braqués sur la rentrée, notre rentrée mais aussi la rentrée politique. L’éducation en version numérique se joue là maintenant et les réminiscences des propos entendus à Ax les Thermes fourniront des clés pour mieux comprendre. Alors oui nous nous dirons à nouveau que Ludovia était un formidable sas entre les vacances et la reprise.

Monique Royer

Plaisir ou contrainte sociale, media de socialisation ou de réassurance intime ? De l’usage des outils numériques

Nous allons quitter Ludovia dans quelques heures, et le mauvais temps se charge de nous pousser vers la sortie. Un dernier regard vers les pratiques des jeunes et moins jeunes, pour se convaincre que si l’usage contraint au sein de la classe peut aussi générer l’ennui, l’usage personnel des outils de demain cache autre chose que la soif de connaissances !

Thierry GOBERT, enseignant chercheur, nous parle du  « plaisir au dégoût des outils digitaux, le regard de ceux qui tentent de limiter leurs usages ou qui y ont renoncé ».

Eh oui ! Nous voici en plein paradoxe. Si d’aucuns prétendent que le numérique n’a pas encore pris toute sa place à l’école (et c’était bien le discours commun cette année à Ludovia), il se trouve de jeunes étudiants pour dire leur rejet, leur dégoût des objets numériques. La littérature et les média véhiculent aussi l’idée que tout cela va avec du plaisir. Pourtant, une simple requête Google sur les mots « ennui et ordinateur »  donne 250 000 réponses. De même, l’observation de séances de  TP de bureautique révèle des conduites d’ennui ou de rejet de la part des étudiants. Malgré les moyens  colossaux mis pour l’équipement en « orthèses ludocréatives », ces prolongements du corps qui aident à nos activités, que sont les  outils numériques, les possibilités de divertissement, d’élargissement de la médiation sociale,  de la zone de préhension de l’information, de l’Illusion de notre compétence nous donne du plaisir, la limitation  des tâches répétitives,  on remarque des  résistances classiques à la nouveauté. Sachant que ces « nouveautés » peuvent garder ce qualificatif très longtemps, comme la souris qui a été inventée en 1963. On observe des résistances générationnelles, alors qu’il suffit d’adapter les usages (partage de photos de familles pour les anciens, jeux en ligne pour les jeunes) ; de l’incompréhension technique, alors que les interfaces sont de plus en plus simples et intuitives ; un doute sur l’utilité des outils (« Facebook ça sert à rien »). L’ennui constaté (et peu étudié car lorsqu’un produit est peu utilisé, il sort du marché) peut venir d’un trop plein d’usages antérieurs, d’une lassitude. Mais quelles sont les autres raisons de ce : « Je m’ennuie devant l’ordinateur » ?

Si l’on s’ennuie, pourquoi persister à allumer son ordinateur ? Il y a en premier lieu une pression technologique : il faut s’en servir. Un stress lié à la pression des pratiques autant qu’à la technique. Un manque de confiance envers des acteurs dont on ne maîtrise rien (Facebook, Google) et  à qui on  abandonne de sa souveraineté. Une consommation d’un temps personnel supérieure à l’acceptable. Une absence d’accompagnement : contrairement au cinéma ou à la télévision, devant son ordinateur, il faut trouver seul quoi faire.

Une étude a été réalisée auprès de 240 d’étudiants d’IUT de  Perpignan et de  Dignes les bains. Une première enquête en ligne a permis de sélectionner ceux qui n’aiment pas l’ordinateur, puis ils ont fait l’objet d’un entretien direct. Tous sont obligés d’aller sur l’ordinateur dans le cadre de leurs études. 100% se sont ennuyés au moins une fois. Ils disent s’ennuyer chez eux lorsqu’ils font du travail, c'est-à-dire pendant le temps qu’ils donnent du temps à l’institution. Ils ne considèrent pas ce temps d’étude comme du temps « pour eux ». De la même façon, ils cessent de s’ennuyer en classe lorsqu’ils font sur l’ordinateur autre chose que le travail demandé. Les activités de surface provoquent du plaisir, mais les recherches en profondeur demandent trop de travail.

Une autre source d’ennui est la désillusion sur les réseaux sociaux – ce qu’on met sur Facebook, ça fait des histoires – retrouver quelqu’un sur Copains d’avant, c’est bien, mais que fait-on après ? A propos de Facebook, on remarque que ce n’est pas parce qu’un dispositif est généralisé qu’il est aimé. L’ordinateur peut déplaire également parce qu’il met en face de sa propre incompétence : si l’usage n’est pas conscientisé, on est incapable de reproduire les actions.

Pour Cathia PAPI ( Le plaisir de la connexion ou l’envers de la peur du vide ), il y a un fossé entre être équipé et maîtriser les outils. L’équipement en téléphones portables connectés est très élevé chez les jeunes adultes (étudiants), et l’essentiel des pratiques sont axées sur la  communication. Le téléphone est si important qu’ils retournent le chercher chez eux le matin s’ils l’ont oublié. C’est un objet transitionnel. 90% des sondés l’utilisent quotidiennement.

Une enquête annuelle sur les équipements, les usages, les goûts et les préférences menée à l’université de Picardie, révèle qu’Internet est le média préféré : il regroupe l’ensemble des possibilités, il est gratuit (souvent inclus dans un forfait), actif en non passif comme le cinéma et la télé (qui se consomment collectivement ou en fond sonore), et donne accès également au livre, à la presse et à la radio. Sur  1600 étudiants,- 4 n’aiment pas se connecter,  ¼ se connecte par besoin mais pas plaisir. 57% aiment aller sur Internet, et   18% y sont accros.

Pourquoi se connectent-ils ? Pour s’informer, globalement sur l’actualité ou selon des thématiques (la musique, le sport…) ; pour jouer, quoique d’autres supports que l’ordinateur soient favorisés pour cette activité ;  sans but précis, pour passer le temps, par exemple avec des vidéos drôles ; pour maintenir le contact ou faire des rencontres.

Qu’est-ce qu’ils préfèrent ? Le chat n’est pas aimé, ni la visioconférence : il ya une préférence pour le SMS, plus pratique, plus rapide et qui ne dérange pas l’interlocuteur. Certains avouent n’éprouver aucune forme de plaisir particulière, ils se sentent juste obligés de faire comme tout le monde.  Des habitudes de connexion constante se sont développées. Lorsqu’il y a plaisir, il  vient du sentiment d’omnipotence, ou de l’espace rassurant de la connexion. Internet est vécu comme un divertissement en opposition à la douleur, comble l’ennui, le vide en soi.

Patrick MPONDO-DICKA nous parle du «  plaisir tactile des dispositifs numériques: Apple et la longue quête de la sensorialité ».

Apple peut être considérée comme pionnière dans la commercialisation des tablettes numériques, et des outils numériques en général. L’évolution des objets numériques vers la sensorialité est notable.

L’homme s’est d’abord adapté à la machine fixe distante, avec se dimensions imposantes  au début, maintenant la machine mobile tend à s’inscrire dans la sphère personnelle de l’individu.
Comment se fait cette évolution ?

Par une série d’enfouissements de la technologie (que je ne saurais voir). Une  boîte (TV, PC) fait disparaître l’effrayant de la machinerie. Puis vient l’enfouissement du code : l’utilisateur est en contact avec une interface graphique et non avec le code source de l’application ; suit l’enfouissement du câble (le sans fil – wifi, alimentation).

Par une action sur l’objet. La machine devient manipulable, plus petite, plus autonome ; elle n’est plus effrayante, elle est proche, disponible, la médiation technologique disparait. Le design évolue : les formes s’arrondissent, se lissent, ce n’est pas un outil, mais un objet ami, agréable. On note aussi une évolution logicielle : on passe de la métaphore filée du bureau et du copier/coller vers une interactivité pragmatique basée sur une métonymie gestuelle : on  glisse et on caresse. Apparaît aussi une métaphore visuelle haptique : les éléments sont représentés dans leur  dimension texturale et leur profondeur.

La dimension du plaisir grandit. On a une affectation positive de la présence à l’objet et un renouvellement des modes d’activité homme-machine. Avant, la  gestualité était limitée (clavier, manette) et il y avait une  seule fonction par touche. On se dirige maintenant vers un vocabulaire gestuel ouvert, et sans doute va-t-on vers une grammaire gestuelle : un observateur non initié au tactile sera incapable de comprendre la syntaxe gestuelle de plus en plus élaborée de l’utilisateur expert.

On en arrive à une relation intime aux objets numériques par la médiatisation tactile, qui amène une réassurance, dans la dimension du plaisir régressif du toucher.

C’est l’avènement de la proprioceptivité, le  retour du corps : la machine devient une partie de notre corps, on passera de l‘orthèse à la prothèse. C’est déjà c que l’on observe dans les films de science-fiction. Déjà, le téléphone portable est perçu comme un objet transitionnel, un prolongement de soi, une extension corporelle de nous-mêmes.

Ce plaisir de la réassurance explique le succès- sans précédent-  de ces machines tactiles, en même temps qu’il réduit la dimension d’outil de la machine (qui devient un vrai doudou).

Si l’appareil numérique tactile procure autant de plaisir, y a t-il un danger de désintérêt en classe si l’on continue à être en présence d’équipements traditionnels ? Non, nous répond Patrick Mpondo Dicka, qui nous donnera la conclusion de colloque : il n’est pas gênant qu’un outil de travail ressemble à un outil de travail. Si la tablette attire par sa facilité d’utilisation et sa multi modalité, d’autres outils permettent aussi de faire le travail.

Et si apprendre était un plaisir en soi ?

Béatrice crabère

«Équipements mobiles et nomades: le plaisir de la disponibilité et de l’autonomie au service de la pédagogie...»

Comment équiper son établissement pour tirer un meilleur parti des usages du numérique ? Continuer avec le modèle de l’équipement collectif fixe, voire éviter sciemment le modèle 1 ordinateur/1 élève, comme le préconise Serge Tisseron, arguant que ça facilite le travail collaboratif ? Ou changer pour un équipement individuel mobile, qui selon, Michèle Monteil, de la DGESCO, éviterait une spécialisation des tâches dans le groupe, chacun étant obligé de s’entraîner à chacun des gestes, ce qui n’empêcherait pas le travail collaboratif ?

Durant cette table ronde, qui, décidément, n’en est toujours pas une, mais plutôt une présentation linéaire et frontale de l’estrade vers le public, les intervenants nous présentent diverses expériences de classe autour d’équipements mobiles. L’interactivité avec le public se limite à quelques questions fermées posées par un commercial, l’occasion de tester le fonctionnement des boîtiers de réponse électroniques. Le type de questions posées était « le notebook favorise l’autonomie dans les apprentissages – oui – non ». Impossible donc de répondre, puisque tout dépend de la façon dont on s’en sert, et non de l’outil lui-même. Ce qui est sûr, c’est qu’à la question « les boîtiers d’évaluation par le sondage facilitent l’interactivité – oui –non », la réponse est « non ».

Expérimentations avec des notebooks

Dans différents collèges, dans l’académie d’Aix –Marseille ou dans celle de Toulouse, on a tenté de doter chaque élève des classes expérimentales de notebooks, l’objectif étant le zéro papiers. On remarquera que les utilisations sont variables et plus ou moins osées : à Aix, le matériel est resté dans une salle de classe dédiée, alors qu’à Verfeil les collégiens ont pu transporter les notebooks partout avec eux, y compris à la maison. L’avantage immédiatement souligné est la disponibilité de l’outil et la facilité d’organisation. On ne fait appel à l’ordinateur qu’en cas de besoin, et non systématiquement pour rentabiliser une séance d’une heure dans un espace réservé. La réussite de l’expérimentation a essentiellement été en rapport avec l’état d’esprit des enseignants. On comprend aisément que le libre choix de l’utilisation de l’outil vaut mieux que l’incitation forte ! Globalement, ce sont les élèves les plus satisfaits du dispositif. Les enseignants ont remarqué leur plus grande motivation et leur implication dans les apprentissages. Par contre, les enseignants sont nombreux à dire que les compétences des élèves ne sont pas plus hautes que celles observées dans un enseignement traditionnel. Il faudrait certainement un accompagnement pédagogique plus poussé autour des activités possibles. Si les élèves sont tous enthousiastes pour continuer l’expérience l’année suivante, du côté des parents, on est plus réticent : comment accompagner l’enfant à la maison si on ne reconnaît pas les pratiques que l’on avait soi-même à l’école ?

Expérimentations avec des tablettes

Des outils adaptés à la classe

Pascal Bringer, de la société Maskott, nous donne des solutions pour faciliter les usages des tablettes en classe. Le principal souci est le téléchargement de données sur les tablettes individuelles à partir du PC du professeur. De la même façon qu’il est possible de charger des mp3 sur des baladeurs livrées par valises pour les classes en une seule manipulation, la solution Frog manager pour Androïd permet de gérer sa liste de classe, de nommer les fichiers élèves téléchargés automatiquement, de contrôler et de gérer toutes les applications des tablettes individuelles à distance. Pour le travail collaboratif, il existe également des tables interactives, qui permettent une manipulation tactile des données directement sur la surface de la table autour de laquelle s’installent les élèves.

Un non-usage ?

Philippe Chavernac, enseignant documentaliste à Paris, nous relate une expérimentation en français, anglais et arts appliqués dans un lycée. Cette expérimentation ne semble pas convaincante parce que les activités proposées sont plutôt traditionnelles et ne justifient pas l’usage d’un tel outil. Il s’agissait de comparer la presse en ligne et la presse écrite, et il en ressort un certain inconfort pour lire les articles sur tablette.  Les élèves devaient ensuite répondre à des questions sur papier et faire une présentation orale. On est en droit de se demander si le travail sur PC fixe n’aurait pas été judicieux, et pourquoi l’usage de l’objet est si limité dans ce projet. De même en anglais, rien d’innovant, avec un texte à trous à remplir à partir d’une vidéo de Youtube. En arts plastiques, on comprend mieux : les tablettes ont été utilisées comme appareil photo dans tout l’établissement, puis les photos retravaillées sur une application permettant de faire de graffitis. Le côté ludique et défoulement de l’exercice est souligné.

Notre intérêt est vivement réveillé par l’intervention de Didier Blanqui, enseignant dans un lycée de l’Académie de Toulouse. Il souligne d’abord l’intérêt général pour les tablettes, l’impatience des élèves qui se projetaient avant même l’expérimentation (l’objet s’est fait désirer quelques semaines) dans une utilisation productive de l’outil (ce sera plus facile pour prendre des notes), alors que les enseignants voyaient plutôt le côté consultation de données. Les usages ont varié selon les professeurs : deux ont tenté le tout-numérique avec manuels numériques, d’autres ont adapté les usages à leurs besoins ponctuels. Le côté plaisir du tactile et de la disponibilité de l’outil ont conquis les enseignants déjà habitués aux TICE, et les élèves aussi. Quel bonheur que de faire des TP dans la cour ou de réviser le soir dans son canapé ! Des enseignants ont trouvé du plaisir à considérer leurs élèves sous un autre angle : on les voit travailler. La notion « d’horizontale » peut s’appliquer aussi bien à l’ergonomie de l’outil qu’à l’attitude entre pairs et entre profs et élèves. Les tablettes sont  une arme redoutable contre le cours frontal (la diffusion d’information dans le sens profs-élèves) : les élèves connectés échangent entre eux, vérifient ce que vous dites et s’envoient liens et fichiers avant même que vous ne l’ayiez suggéré.

 Mais le clou de la table ronde, c’est incontestablement la classe de grande section de Carole Lopez, qui pendant les ateliers, fabrique son abécédaire sur tablettes. Ici, pas de discours, la vidéo qu’elle nous diffuse, et dont on peut retrouver un extrait ici,  parle d’elle-même. Une présentation pédagogique est également disponible ici . L’intérêt de cette expérimentation est bien que l’outil vient au service d’un projet pédagogique construit et s’inscrit naturellement comme facilitateur de production. On part de l’objectif : apprendre à lire et à écrire les lettres et reconnaître des mots. L’application Ebook Creator d’Apple va permettre d’associer la graphie, le son et l’image, de créer des collections que l’on pourra ensuite consulter. La plupart des tâches se font sur la tablette, de façon intuitive, le professeur accompagnant juste de la voix les gestes des enfants (pendant qu’ils font, et non avant, en tant que consigne). On trouve la lettre étudiée sur le clavier (c’est le modèle), on modifie ce modèle (taille, couleur), on apprend à le reproduire (écriture au doigt). On abandonne momentanément l’outil pour représenter la lettre avec d’autres moyens (ficelles, corps imbriqués des enfants allongés sur le sol), et on prend ces réalisations en photo avec la tablette. On va ensuite insérer ces photos sur la page du book, à côté de la lettre, on va chercher des mots qui commencent par le lettre, et en écrire un comme illustration. On enregistre sur la tablette un enfant qui prononce ce mot, on fait une mise en page et on sauvegarde dans l’abécédaire. Puis, le professeur écrit un mot qui commence par la lettre étudiée et demande comment vérifier sa lecture. Les enfants le retrouvent dans leur collection et écoutent le son  pour vérifier leur hypothèse. Ils ont construit leurs propres références.

Carole Lopez semble la première surprise que l’on cite sa classe en exemple : elle n’est pas du tout une spécialiste des TICE, et elle n’a fait qu’intégrer le nouvel outil mis à la disposition de la classe (4 tablettes Ipad) dans sa pratique. Les enfants la manipulent intuitivement mieux qu’elle, et elle ne fait que les suivre dans leur découverte. « Je tiens à ce qu’il n’y ait pas plus de tablettes dans la classe, les moments intéressants sont ceux où les enfants manipulent à plusieurs et échangent oralement à propos des tâches », assure-t-elle.

 

Est-il besoin encore de disserter sur les outils ? Oui, les outils nomades ont leur place et leur utilité dans une classe, et ils sont certainement l’avenir de nos équipements, appelés à évoluer vers une meilleure ergonomie et une plus grande disponibilité. Mais on en revient toujours aux usages pédagogiques : un outil n’est utile que si l’on s’en sert bien, et si sa performance permet d’atteindre le but que l’on s’est fixé dans de meilleures conditions qu’avec l’outil précédent. Et si ce sont les jeunes apprenants qui suggèrent une meilleure utilisation de cet outil, le professeur doit savoir apprendre d’eux, les suivre, puis les accompagner.

 Béatrice Crabère

Et si les politiques publiques entraient enfin dans l’ère numérique ?

On attendait ce moment avec impatience : l’instant où les débats autour du rôle de l’Etat et des collectivités locales ne seraient plus une vitrine de ce qui se fait mais un dialogue prospectif pour imaginer une politique publique concertée du numérique. Et miracle, peut-être parce que nous avions quitté la solennité de l’amphithéâtre pour le chapiteau ouvert à tous vents et à la vie, ce moment est arrivé mercredi matin.

L’instant T avait été frôlé la veille au soir avec les interventions de Anne-Sophie Benoit, Présidente de l’Andev, et Brigitte Jauffret Ctice de l’Académie d’Aix Marseille, des paroles en bouffée d’oxygène qui nous ramenaient à l’essentiel : l’enjeu de la réussite éducative mobilise le numérique et nécessite une mise en musique des politiques et des acteurs. Au-delà de l’affichage des réalisations locales (comme il est beau mon Ent, comme ils sont ravis nos élèves avec leurs tablettes, quel bel accompagnement ils ont nos enseignants), ce qui importe c’est de savoir comment développer les usages et réduire les inégalités entre tous les territoires. Tous les élèves quelque soit l’endroit où ils habitent, quelque soit l’établissement scolaire qu’ils fréquentent, le milieu où ils vivent, doivent posséder les mêmes chances de réussir. Principe républicain de base que Vincent Peillon a rappelé lors de son intervention filmée : avec le numérique, la devise républicaine retrouve toute sa place au fronton des écoles.

Et dans cette devise, la notion d’égalité est sans doute aujourd’hui sur le plan de l’éducation la plus ardue à appliquer. Les élus locaux présents à Ludovia, les représentants des communes, des départements et des régions, ont souligné leurs différences. Qu’y a-t-il de commun entre la ville d’Elancourt dans les Yvelines et le Département de l’Ariège ? L’une est plutôt prospère et urbaine, l’autre est rural et beaucoup moins fortuné. Quel point commun : l’éducation bien sur mais aussi tous les axes politiques qu’elle croise, renforce ou percute et qui tendent à rendre un territoire attractif. La décentralisation a rebattu les cartes mais les règles du jeu ne semblent pas encore communément définies, intégrées. A Ludovia, les représentants des collectivités territoriales l’ont affirmé les uns après les autres : les investissements ont été au-delà de ce qui était fixé par la loi. Le numérique est venu embrouiller les lignes budgétaires. L’équipement et l’entretien des établissements s’est sensiblement alourdi avec les câblages, les réseaux, les ordinateurs, bref tout ce qui matérialise et permet les pratiques numériques. Et en temps de crise, l’addition peut sembler lourde. Eric Mazo de la Région Paca précisait lors d’une table ronde « les investissements réalisés au début du déploiement du numérique ne seraient sans doute pas possibles aujourd’hui ».

Alors est-il étonnant que les collectivités territoriales scrutent le retour sur investissement ? Leur temps est émaillé d’échéances électorales, celui de l’Education Nationale non et l’impatience de voir des effets tangibles se produire dans les pratiques rend le dialogue parfois nerveux, en toute civilité. Les attentes divergent. Celles des territoires sont particulièrement bien exprimées par l’ANDEV, l’association des directeurs de l’Education des viles. Avec le numérique, l’école peut se mettre à l’heure de l’éducation, en reliant les différents acteurs et lieux de l’apprentissage : école, associations périscolaires, associations culturelles, sportives et …. familles. Ce lien est une promesse pédagogique puisqu’il permettrait d’intégrer tous les savoirs engrangés dans les différents temps de la vie de l’élève, de donner du sens à tous ces savoirs buissonniers. Pour le faire vivre, il faudrait côté Education Nationale, repenser profondément les modes d’enseignement et d’apprentissage, ouvrir l’école de son carcan académique et ouvrir les esprits aussi pour reconnaitre des savoirs qui ne sont pas dispensés en son sein. Evolution ou révolution ? Nous avons beaucoup entendu parler de la nécessaire formation des enseignants. Au-delà de l’utilisation des outils et des usages nouveaux qu’ils pourraient favoriser, l’interrogation sur la nécessaire prise en compte de la continuité des apprentissages entre les différents compartiments de la vie de l’élève s’impose. Le dialogue entre les acteurs de l’éducation de l’enfant s’avère indispensable dans un univers où le cloisonnement perdure. Reconnaitre le rôle des uns et des autres : on entre dans des questions de citoyenneté. L’école est affaire de la cité, elle est affaire de politique. Le numérique peut fournir les outils pour replacer l’école au cœur du village, dans un village ouvert aux frontières définies par notre activité, les contours, les pleins et les déliés de notre vie quotidienne.

Du dialogue complexe entre collectivités territoriales et Etat est né un objet magique : l’ENT. Vilipendé par les uns, accusé d’enfermer des pratiques ouvertes par le web 2.0, prôné par l’Institution comme un cadre rassurant, il cristallise les débats et pourtant.. Imaginer un lieu virtuel de rencontres, de mutualisation entre les acteurs de l’éducation est une première pierre dans l’édifice d’une école reconstruite de façon concertée. Il reste à le penser dans une perspective de culture numérique telle que nous l’a présentée Serge Tisseron. Les témoignages venus de la Région PACA, exprimés à la tribune ou spontanés de la salle, ont été à ce sens éclairant. La concertation entre Etat et Région, la mise en commun des moyens, la coordination dans l’accompagnement des établissements et des équipes favorisent le développement des pratiques. En matière de politique comme de pédagogie, peu importe l’outil, pourvu qu’on ait l’intention et la stratégie qui sous-tendent les pratiques.

La crise frappe à la porte des territoires, frappe à la porte des politiques publiques. Elle contraint les acteurs politiques à un dialogue pour rendre efficients les investissements et favoriser une efficacité des mesures. Elle oblige aussi à se projeter dans l’avenir pour rendre un territoire attractif et performant, pour former les citoyens de demain. Les frontières du territoire se floute sous les faisceaux conjugués du numérique et des contraintes économiques. La complexité du partage des compétences en matière d’éducation brouille les pistes : à l’Etat le cadrage, la pédagogie, aux collectivités territoriales l’équipement, régions pour les lycées, départements pour les collèges, communes pour les écoles. Là-dessus vous rajoutez les communautés de communes, les bassins… Alors forcément, les compétences vont au-delà de leur périmètre, se juxtaposent, se brouillent et parfois se complètent. L’installation du haut débit, par exemple, mérite une réflexion entre différents échelons du territoire, échelons qui n’ont pas forcément la même teinte politique. Quel périmètre choisir pour définir une politique éducative locale efficace et économe ? La question percute le débat sur l’acte III de la décentralisation.

Débat sur la refondation de l’école, débat sur le partage des rôles dans le cadre de la décentralisation, débat sur la notion de territoires, incursion de la crise et des enjeux économiques, question de la gestion des compétences, le séminaire des collectivités territoriales a embrassé avec plaisir les thèmes qui investissent la rentrée politique. Ludovia a permis de bousculer les frontières, les prérogatives et de délier les langues. L’informel a pris le pas sur le conformisme. Comment rester sur son quant à soi quand les montagnes tout autour invitent à regarder plus haut et le décor champêtre ôte toute envie de conserver son costume citadin ? L’école numérique a investi Ludovia et à Ax les Thermes elle a pris la dimension qui lui sied : celle de l’Education avec un grand E dans une vision politique avec un grand P.

Monique Royer

Environnement Numérique de Travail, de l’appréhension technologique au plaisir d’une pédagogie renouvelée …

Le plaisir d’apprendre avec le numérique est aujourd’hui  associé aux tablettes et  aux jeux sérieux. Et associer plaisir et ENT semble pour le moins surprenant. Pourquoi cet a priori ? Sans doute parce que l’ENT est la représentation virtuelle de l’école (du collège, du lycée), et, pour le moment, de ses plus mauvais côtés : les notes et les devoirs.  Du côté des enseignants, on admet que les ENT et autres plateformes d’enseignement à distance offrent des fonctionnalités, des  possibilités complémentaires, mais aussi des contraintes. On leur reproche d’être un  outil imposé qui orienterait les choix  pédagogiques.

Que fait-on/que devrait-on faire sur un ENT ?

L’observatoire TICE académique mène des évaluations annuelles des utilisations de l’ENT dans l’académie de Toulouse, où, nous rappelle Anne-Marie Gros, il est aujourd’hui généralisé. Il y a eu cette année 11500 répondants en ligne.

 L’entrée se fait les services obligatoires de vie scolaire: les absences et les notes (chaque salle est équipée d’un poste informatique). Souvent ces services préexistaient et ont juste été intégrés à l’ENT. Depuis la dernière rentrée, il y a eu une Incitation forte à remplir le cahier de texte numérique (30% des utilisations en 2012). Il arrive en second avec la saisie des notes dans les fréquences d’utilisation, derrière la messagerie. Le cahier de texte est utilisé essentiellement de façon  réglementaire, en consignant le  travail réalisé et à envisager (les devoirs), il contient parfois des liens vers des contenus de cours et des  ressources. Les enseignants commencent à recueillir des devoirs en ligne, ce qui leur permet  une aide individuelle aux élèves par la connaissance de l’organisation de leur travail (devoirs rendus au dernier moment, non fait avec besoin de relance par exemple). Récemment, on a noté une utilisation du forum, par exemple pour avoir une représentation des connaissances  des élèves en amont sur un thème donné. Un des avantages reconnus de l’outil est le portail d’authentification unique pour accéder à plusieurs services. Les possibilités de travail collaboratif et l’exploitation des ressources proposées en sont à leurs débuts.

 

La FCPE, représentée ici par Patrick Palisson, déclare que la question du numérique à l’école occupe le centre des préoccupations des parents d’élèves, comme en témoigne le dernier numéro de leur lettre en ligne. Et en premier lieu, il s’agit bien de comprendre en quoi il va permettre la réussite de tous les élèves et leur bien-être à l’école. Les parents font confiance aux acteurs concernés pour le choix et le financement des équipements, à condition que l’école soit toujours  gratuite et égalitaire. Patrick Palisson insiste sur la nécessaire formation des enseignants qui doivent être en mesure d’utiliser ces technologies. Qu’attendent les parents de l’ENT ? Certainement pas la possibilité de regarder les notes de leurs enfants « par-dessus leur épaule », ni une communication à distance qui les éloignerait physiquement des établissements, ni la preuve que le prof a effectivement assuré son cours puisqu’il en a laissé une trace. Par contre, il est fort souhaitable que les enseignants s’en servent pour élargir leur palette pédagogique, pour instaurer le travail coopératif entre élèves, entre élèves et profs, et entre profs. Que les élèves aient accès à des  ressources audiovisuelles et modernes. Patrick Palisson regrette d’ailleurs qu’aucun élève ni étudiant n’ait été invité ici à exprimer son point de vue.

L’ENT s’avère un outil incontournable dans le cadre de l’enseignement à distance, pour Jean-Michel Leclerc, directeur du CNED. L’organisme a créé un ENT pour les enseignements dispensés de la  grande section de maternelle au master 2. Les services en place regroupés sur la plate-forme vont du recueil des copies en ligne aux forums et au tutorat, en passant par l’accès aux très nombreuses ressources numériques, notamment pour les formations en langues. Une sérieuse politique de transformation numérique est en cours, consistant à  revoir l’ensemble de la production des contenus et leur mise à disposition d’ici 2013.

Pour Jean Vanderspelen, consultant pour ITG, qui s’occupe essentiellement de formation pour adultes, les plateformes de téléformation induisent des changements dans les temps d’apprentissage : il n’y a plus un lieu unique pour apprendre, mais des moments, où que l’on se trouve physiquement, le temps l’emporte sur l’espace, et les modes d’apprentissage : on n’apprend plus seul, les espaces virtuels facilitent les interactions entre tous. De même, l’importance n’est plus donnée aux contenus,  mais aux activités collaboratives. On alterne les temps d’apprentissage, de production, d’interaction et on gagne en degré de liberté dans l’autorégulation des parcours. Les mots-clés des formations ouvertes et à distance (FOAD) sont aujourd’hui : Informer, encourager, rassurer, inciter à prendre des initiatives. Ces nouvelles approches favorisent le plaisir à s’engager et à interagir. Le challenge pour les formateurs consiste à  former les gens à se former tout au long de la vie, et non à leur délivrer des savoirs. Quand on parle maintenant d’enseignement à distance, il s’agit plutôt d’une distance pédagogique et culturelle que d’une distance kilométrique ! Il faut trouver un équilibre entre individualisation des apprentissages et collaboration, entre  approches individuelles et collectives. «  Apprendre à collaborer et collaborer pour apprendre », en conclusion.

Lever les appréhensions pour en arriver au plaisir

Nous entrons dans le concret avec l’intervention de Pascal Faure, conseiller TICE dans l’académie de Nancy-Metz. Depuis 10 ans, il observe l’attitude des enseignants face à l’entrée du numérique à l’école, et en particulier aujourd’hui face à l’ENT.

Les premières inquiétudes exprimées sont : « ça ne marche jamais ». Il y a un doute sur la fiabilité de l’outil, « ça prend du temps » et « je ne veux pas mettre mes cours sur Internet », ce qui dénote une mauvaise compréhension du fonctionnement du système.

Le deuxième pas consiste à s’identifier sur le système, et à éprouver des réticences face à la richesse des  possibilités : il y en a trop, je ne vais pas tout utiliser ! Donc, il faut identifier ses besoins. Ensuite, on a peur d’y passer tout son temps : je ne vais pas travailler tout le temps ! Et enfin, on ne sait pas trop à qui s’adressent les données, on a peur que tout soit vu par tous. Mais dès ce stade, l’outil fort critiqué est déjà devenu indispensable : si, si, je le garde, il y a beaucoup de documents, ça apporte quelque chose !

Vient ensuite l’étape de l’appropriation des usages courants, et  des besoins apparaissent : je veux plus de possibilités, je voudrais que ça marche différemment, et je le veux tout de suite. On se rend compte que c’est un outil collectif, ce qui entraîne une insatisfaction sur des besoins individuels et une contrainte venant de la non individualisation de l’ENT.

Enfin, vient  la « zénitude » : on ne parle plus de l’ENT, on l’utilise.

 

Mireille Bellais,  IEN à Marseille, s’est emparée du projet ENT pour le primaire en 2010, avec enthousiasme et succès, puisque 50 écoles ont rejoint le dispositif. Cet ENT et parti de la définition des besoins dans un comité de pilotage élargi aux utilisateurs. Le secret du succès a été d’une part la simplicité d’utilisation de l’interface choisie, d’autre part le libre choix d’utilisation, loin de toute contrainte hiérarchique. Un accompagnement sur le terrain par les formateurs TICE et une présence impliquée des cadres a permis de lever les appréhensions.

Jean-Pierre Rouby  IEN dans l’académie de Nice nous parle aussi de l’expérimentation du pilotage de l’ENT premier degré dans sa circonscription. Une solution ITOP adaptée au 1er degré a permis aux ENT des écoles de se regrouper sur l’ENT de circonscription. Cette harmonisation a eu un effet de stimulation sur les utilisations et les participations à des espaces collaboratifs.

André Tricot, professeur d'université en psychologie à l'IUFM Midi-Pyrénées, souligne que les tâches essentielles des enseignants et des élèves sont d’enseigner pour les premiers, d’apprendre pour les seconds, et que la question de l’utilisation de l’outil ENT est périphérique. Ceci posé, les conséquences de l’utilisation d’un outil a toujours eu des répercussions importantes sur ces actes fondamentaux (qu’il s’agisse du stylo, de la photocopieuse, ou du numérique). Il nous met aussi en garde contre de trop grandes espérances : l’arrivée de la télévision à l’école n’a pas non plus tenu ses promesses en son temps. L’observation des pratiques des étudiants montre qu’ils vont plutôt sur l’ENT « au cas où » ils y trouveraient quelque chose, plutôt qu’avec un but précis. Quant aux enseignants, ils ne comprennent pas pourquoi il faut aller faire précisément sur l’ENT ce qu’ils peuvent faire (et font souvent depuis longtemps) ailleurs, en utilisant d’autres logiciels adaptés à chaque tâche. L’ENT rassemble en une interface de multiples fonctions, ce qui est le propre des outils les moins utilisables, l’idéal étant d’associer un seul outil à une seule fonction. Si l’outil propose 1000 fonctions, chaque usager n’en utilisera de toute façon que 5.

3. Les usagers et le plaisir d’apprendre

Anne-Marie Gros nous dit que les enquêtes auprès des élèves révèlent qu’ils sont satisfaits de trouver sur l’ENT les documents du cours, de pouvoir rattraper les cours et les exercices s’ils ont été absents, disent que ça les rend plus autonomes et favorise le travail de groupes. La satisfaction des enseignants s’articule par ordre de préférence autour de l’accès aux ressources documentaires sans s’authentifier chaque fois, au travail entre collègues facilité, à la  valorisation et la lisibilité du travail au sein de l’établissement et à l’extérieur. Le lien avec les parents est également favorisé. L’ENT,  malgré ses défauts, est plébiscité par les utilisateurs.

Les parents de la FCPE s’interrogent : en quoi et comment les effets dans l’école de la troisième révolution industrielle apportent-ils  une dimension démocratique et républicaine ? Les priorités attendues de l’école qu’elle apprenne aux élèves à se servir de l’ordinateur et d’Internet, à en maîtriser les usages, qu’il y ait une véritable éducation à l’image et à la communication ; que l’école permette à tous d’accéder à des ressources documentaires  pour grandir, s’émanciper, s’autonomiser. Quant aux parents, ceux qui sont connectés apprécient de recevoir des infos (enfin !) sur l’école et sur leur enfant.

Pour les usagers du CNED, la satisfaction est évidemment à son comble, puisque l’ENT leur permet de se sentir appartenir à une communauté d’acteurs. Ici, ce n’est pas la continuité de l’établissement, c’est l’établissement lui-même qui devient accessible. Parmi les usages plébiscités, ce sont les forums entre étudiants, particulièrement et paradoxalement pour les prépas concours, suivent les échanges avec les parents pour le suivi de la scolarité, les échanges dans la  communauté enseignante, puis l’utilisation des  outils au service des communautés.

 

Comme on s’en doutait, il est difficile de parler de plaisir à propos de l’utilisation de cet outil, alors que le colloque scientifique nous confirme qu’il peut y avoir une vraie sensation de plaisir à manipuler les outils nomades comme le téléphone (vrai doudou), les tablettes tactiles (plaisir sensori-moteur), et un vrai abandon dans un plaisir intense à jouer en ligne (flow). Ici, dans un cadre contraint, constater une certaine satisfaction des utilisateurs est déjà très positif.

Béatrice Crabère

Ludovia – Le off : regards croisés sur l'éducation en francophonie

Mercredi, 17 heures, le troisième jour touche à sa fin, et la terrasse du café Le Couloubret , qui jouxte le Casino (si bien que l’on pourrait presque continuer à suivre les débats du « in » qui se déroulent sous le chapiteau de cirque si les touristes faisaient moins de bruit !) Sébastien Reinders, consultant  en formation TICE en Belgique (y compris pour les enseignants),  dans la province de Liège (si, si, il faut préciser, la Belgique, c’est tout petit, mais c’est un vrai puzzle, et tout dépend de l’endroit où l’on se trouve !) et Jacques Cool, technopédagogue dans le système d’éducation francophone au Nouveau-Brunswick (Canada), sont assis autour d’une table ronde (presque ronde),  et poursuivent une discussion fort sérieuse au sujet de l’éducation dans le monde francophone. Sébastien fait un état des lieux des manques qu’il constate dans le système éducatif belge, notamment au niveau de  la formation des enseignants aux TICE, et envie le système français. Jacques nous donne les clés du succès de l’appropriation des nouvelles pratiques dans sa province bilingue où la culture francophone est défendue par toute la communauté. Un regard croisé à bâtons rompus particulièrement intéressant. A écouter pour la beauté des accents !

Béatrice Crabère

Au micro du Café :

Avertissement - Veuillez nous excuser pour la qualité du son (ambiance ventée authentique)

Sébastien Reinders nous parle de l'égalité des chances en Belgique : le mp3 à télécharger

Regards croisés sur la formation aux TICE : le mp3 à télécharger

La crise des institutions belges: le mp3 à télécharger

Jacques Cool parle de changer le système éducatif à partir du livre de Michael Fullan "All systems go" : télécharger le mp3

Regards croisés sur l'innovation pédagogique- Le Nouveau Brunswick : télécharger le mp3

L'accompagnement aux usages du numérique : télécharger le mp3

La concertation s’invite à Ludovia

Un peu d’imprévu dans le programme de Ludovia : la conférence de presse prévue pour Olivier Dugrip, Recteur de l’Académie de Toulouse, se transforme en une concertation avec les participants de Ludovia sur le thème de la refondation de l’école autour du numérique, message ministériel exige. Nous nous installons tous sous le chapiteau du cirque, sur la place du Casino. La température monte en cette fin d’après-midi orageuse…

Anne-Marie Gros, de la mission TICE de l’Académie de Toulouse, Brigitte Jauffret CTICE AC Aix-Marseille et Jean-Pierre Rouby de l’Académie de Nice nous invitent (le public vient de tous les horizons, Ludovia oblige, chercheurs, développeurs, institutionnels, conseillers pédagogiques TICE, représentants syndicaux, bloggeurs indépendants et enseignants passionnés) à répondre à trois questions : A quelles conditions l’ENT est-il efficace pour

1.       favoriser les apprentissages

2.       lutter contre les inégalités

3.       Individualiser les parcours

Et c’est là que le bât blesse : que vient faire l’ENT dans cette galère ? Va-t-on encore se cacher derrière le mot magique et confondre le contenant et des contenus possibles ? Et si c’est par le numérique que l’on va changer l’école, ce numérique se réduit-il à l’ENT ?

Alors, quand les questions sont mal posées, on s’énerve, et surtout, on profite de la présence du Recteur pour demander encore une fois la mise en place d’une vraie formation pendant le temps de travail, non seulement des enseignants, mais de tous les personnels (syndicats UNSA et SGEN-CFDT). Il faut dire que le personnel non enseignant est particulièrement présent sur l’ENT. Il faudra une bonne heure d’interventions avant qu’un assistant d’éducation n’ose parler d’accompagnement des enseignants sur le terrain par les personnes ressources des établissements. Sinon, on se gargarise de changement de société au niveau mondial par les nouvelles technologies, et du fait que l’école ne peut pas rester en dehors. Il faut y aller, et vite ! Oui, ça, quand même, nous l’avons compris depuis longtemps… Mais on nous demande encore quels leviers il faudrait actionner, sans jamais écouter la réponse. Nous ne sommes vraiment plus dans le plaisir, mais dans la frustration. Avec une furieuse envie de retourner au colloque scientifique.

Nous sommes à Ludovia pour échanger sur les pratiques, pour réfléchir au fondamental avec les chercheurs, pour s’informer sur les derniers outils sortis. Et ça nous prend du temps. Et d’une année sur l’autre, nous n’avons pas de réponse unique et catégorique, chacun repart avec ses réponses temporaires et les incertitudes qui le feront avancer dans ses pratiques. Nous n’avons pas d’autres réponses à apporter dans le cadre de la concertation. Les enseignants innovants, les projets innombrables menés à bien sur le territoire se sont déjà emparés de la culture numérique. Que font donc nos décideurs? Où ont-ils les yeux ?

En dehors du colloque scientifique, les discussions se cristallisent autour des outils : les enseignants doivent les maîtriser, et en plus, ils changent tout le temps. Pourtant, les outils numériques, c’est comme le vélo : ça ne s’oublie pas, et les développeurs les rendent toujours plus intuitifs. Mais on se cache encore derrière cette peur. Affronter la question de l’attitude de l’enseignant dans la culture numérique et des objectifs éducatifs est autrement plus dangereuse, c’est pourquoi d’ailleurs ces questions ne seront évoquées que de façon globale : il faut intégrer les outils numériques dans les projets pédagogiques. Une enseignante propose quand même une nouvelle attitude face à l’évaluation des savoirs.

D’autres proposent d’évaluer la performance après utilisation des outils numériques : quels sont les indicateurs ? Quelles sont les performances améliorées ? Comment le mesurer ? Oui, des évaluations existent, à échelle locale, mais elles ne portent pas sur les compétences du socle, auxquelles il faudrait ajouter les notions de savoir naviguer, coopérer, exploiter.

On s’accorde à dire que le numérique à l’école comble les inégalités en zone rurale au niveau des élèves. Malheureusement, il les aggrave au niveau des familles non connectées. Il est nécessaire aussi de prendre en compte la formation et l’équipement des familles. Les collectivités locales réclament que la question de l’égalité territoriale soit réglée par l’Etat.

Béatrice Crabère

ExplorCamps, ateliers de démonstration déclinés sur les outils numériques mobiles et nomades

Aujourd’hui encore, deux sessions de 40 minutes nous sont proposées autour de présentations et de retours d’expériences.

Et  il va falloir choisir. L’utilisation des outils nomades en classe ouvre un large champ des possibles, et les tablettes sont malgré tout un outil assez récent pour que l’on ait besoin de quelques démonstrations sur le terrain. Je décide de ne pas m’attarder auprès des ateliers dont les activités ont été décrites au cours de la table ronde de ce matin, bien que le projet de Carole Lopez autour de la construction d’un abécédaire en grande section de maternelle avec les Ipad  m’ait vraiment impressionnée.

Je choisis pour cette première session  l’atelier de  Daniel Clero et Thierry Girault, du  CRDP de Midi-Pyrénées, autour du projet  Raconter une photo de presse : comment intégrer au projet les outils nomades de lecture et de capture.  

Daniel Clero et Thierry Girault ont pour mission d’accompagner des enseignants dans le cadre de projets centrés sur le multimédia et le numérique. « Raconter une photo de presse » a été proposé dans le cadre de la semaine de la presse, en collaboration avec le  CLEMI.
Il s’agit de proposer aux classes intéressées de faire une production radiophonique à partir des images choisies, c’est-à-dire de s’emparer d’une photo pour en faire son propre récit. La production audio ne devra pas dépasser 3 minutes.

Pour accompagner les enseignants dans leur démarche, les deux animateurs ont créé un site support où l’on peut trouver des photos de presse obtenues en partenariat avec l’AFP et la Dépêche du Midi, un kit pédagogique avec des grilles d’analyse de l’image et un kit technique pour les enregistrements audio et le travail du son. Les productions des classes sont mises en ligne ici. Pour avoir accès à l’intégralité des ressources, vous pouvez contacter directement les animateurs.

Ce projet s’inscrit dans les programmes officiels d’éducation à l’image. Les principes fondamentaux sont l’exploration de la notion de réalité, de vérité et du pouvoir de transformation de l’image, la confrontation de la certitude de la photo de presse (cette scène a vraiment existé) et de son incertitude (cette réalité est représentée). Il est alors permis de jouer avec ces images jusqu’à en modifier le sens.

Dans la démarche de l’éducation aux médias, on distingue trois étapes : s’exprimer autour de l’émotion, déconstruire par l’analyse, et communiquer en créant pour d’autres publics.

La dimension du plaisir est bien présente dans ce projet : on y trouve du jeu - s’exprimer sans contraintes, de la création - raconter autre chose, et le média radio demande l’utilisation du style radiophonique, forme d’écriture particulière, amusante. Le format de la production radiophonique est laissé au libre choix de l’enseignant, et les productions sont très diverses, du poème au micro-trottoir en passant par la mise en scène.

Pourquoi et comment intégrer la tablette numérique dans ce projet (qui n’a pour l’heure été réalisé que sur PC) ?

Tout d’abord, comme chacun s’accorde à le dire, pour l’instantanéité de l’outil et le plaisir que procure le support tactile. Les tablettes sont utilisables pour les étapes 1 et 2, mais ne permettront pas de façon satisfaisante de travailler le son (on continuera à préférer le logiciel Audacity sur PC). Les applications présentées ensuite sont également disponibles sur Ipad et sur Androïd.

La première utilisation basique est l’utilisation de la tablette comme ardoise pour montrer l’image. On peut utiliser l’exploration de l’image par agrandissement, déplacement, avec toutefois une limite due à la faible résolution. On entre alors dans l’analyse de la photo. On peut poursuivre cette analyse à l’aide de l’application Skitch, qui permet de dessiner, annoter et intégrer l’image dans Evernote, qui synchronise les document sur différents postes, et permet de faire des prises audio. Skitch permet par exemple de tracer des lignes de force, de fuite et de recadrer l’image. Il est possible en s’abonnant au flux du blog radio ARTE Radio de consulter les productions sur la tablette par l’application  Beyondpod hd ou Downcast sur l’Ipad.

Changement d’atelier pour la deuxième session : Les tablettes dans le premier degré. Présentation de logiciels existants. Réflexion sur l'adaptation des outils PC aux tablettes.

 

Jean-Pierre Lanta est conseiller pédagogique départemental dans l’Académie de Toulouse. Une de ses fonctions est d’apporter une expertise des usages du numérique aux collectivités locales qui équipent les établissements en outils informatiques. C’est tout naturellement qu’il explore les possibilités offertes par les tablettes numériques pour justifier un nouvel équipement des écoles primaires et maternelles de son département non plus en ordinateurs (les équipements des ENR Ecoles Numériques Rurales) sont maintenant obsolètes, mais il s’agit de savoir, en partant des usages, si les tablettes peuvent se substituer aux PC (fixes ou classes mobiles).

Le choix se porte sur la solution Androïd pour des raisons budgétaires par rapport à l’Ipad : on pourra équiper beaucoup plus de classes pour le même tarif), même si tous les visiteurs de l’atelier viennent d’assister à cette même table à la brillante démonstration de Carole Lopez sur Ipad avec l’Abécédaire de la grande section de maternelle. Nous allons voir que les applications disponibles pour Androïd ne permettent pas ce genre de création multimédia.

Que peut-on faire sur cet Androïd ? Du côté de la consultation, on peut naviguer sur Internet, télécharger des livres gratuits et les consulter des livres (avec un confort moindre que sur l’Ipad), stocker dans une bibliothèque. Mais on ne peut pas consulter de Cédérom. Du côté de la production, Mix Soft donne accès à une suite office classique avec traitement de texte, tableur et création de diaporama. San compter les applications en ligne si l’école est connectée. Toutes ces applications font de la tablette des pseudo PC, en moins intéressant, finalement.
La difficulté est de trouver des applications simples pour les maternelles. Le site Pepit.be permet de  récupérer des jeux flash  tactiles.

Pour ce qui est de prendre des photos, l’appareil est en mode webcam, il faut tourner l’écran vers l’objet à photographier, ce qui pose problème avec les petits.

Il est possible d’enregistrer du son, mais il est plus compliqué de le manipuler

Il faut donc qu’Androïd évolue et que des applications pédagogiques simples soient créées, car la tablette sera l’outil des élèves très rapidement. Le CATICE de Bordeaux travaille actuellement en ce sens avec une demande de tablette dédiée à la pédagogie auprès d’un développeur.

Des sites commencent à proposer des créateurs d’exercices, comme Etigliss, jeux d’étiquettes par glisser/déposer, présenté autour de la table par son concepteur, et qui enchante les enseignants du 1er degré présents.

La tablette reste cependant un outil très intéressant et incontournable : il est léger et autonome.

 D’ailleurs, les outils évoluent si vite que la solution sera peut-être de doter les familles de chéquiers-numérique à l’image des chéquiers-lecture qui existent dans la région Midi-Pyrénées. L’équipement deviendrait alors individuel et pourrait évoluer plus facilement.

On s’aperçoit donc à l’usage que la tablette est un outil très attractif en soi, mais que ses utilisations sont d’autant plus limitées que les applications nécessaires aux activités de classe ne sont pas suffisamment développées. Un net avantage qualitatif se détache pour l’Ipad, mais sa non gratuité est un obstacle pour son utilisation à grande échelle dans l’Education Nationale.

 Béatrice Crabère

Le plaisir est il soluble dans un dispositif ?
 

Parler de plaisir d’apprendre est il une gageure en matière d’éducation ? A Ludovia, la question se pose tant les discours nous ramènent sans cesse, au cadre, au référentiel, aux contraintes institutionnelles ou aux représentations carrées de virsce qu’est l’éducation. Pourtant le matin, Serge Tisseron l’exprimait clairement : la culture numérique nous invite à l’incertitude, à la construction des savoirs sans plan préétabli, avec des repères parsemés. En la croisant avec la culture du livre, les enseignants ont moyen de bâtir une éducation du XXIe siècle au quotidien …. Pour peu que l’institution le permette, que les politiques fassent le pari d’un investissement concerté, pour peu que chacun se lâche, laisse un peu de son pré-carré, de son carcan sécurisant, pour peu que tout le monde se jette à l’eau.

Penser l’éducation numérique c’est quitter la séculaire relation hiérarchique et réfléchir ensemble en ouvrant ses oreilles, en admettant de laisser sur le côté son discours habituel pour l’enrichir de paroles que jusqu’ici on a si peu écoutées. Dans la gêne y’a pas de plaisir, dans la contrainte existe-t-il un plaisir d’apprendre ou un plaisir d’enseigner ? Imaginer l’éducation numérique réclame de gommer représentations et d’élaborer de nouvelles identités, celles des fonctions, celles de ceux qui les animent. Sommes nous prêts ?

A Ludovia, lorsque on écoute une table ronde, on aimerait que les intervenants délaissent une seconde leur institution, leur fonction pour construire le temps d’un débat une nouvelle vision de l’école. Anne Sophie Benoit et Brigitte Jauffret l’ont dit chacune à leur manière, pour qu’un projet numérique réussisse, il faut que tous les acteurs de la communauté éducative se sentent impliqués, associés. Chiche ! Ouvrons les frontières, les murs de l’école puisque le numérique le permet.

Oui mais.. il faut impulser une concertation entre l’Etat et les collectivités territoriales, il faut former les enseignants, il faut créer un dispositif qui permettra de repérer, apprendre, partager, enseigner. La résistance au changement est imputée aux enseignants certes mais à écouter les tables rondes on pressent que cette résistance se partage à tous les étages.

Alors un, deux, trois, lâchons nous, l’école du XXIe siècle ne vivra que si nous concédons enfin à laisser le plaisir gagner nos échanges.

Monique Royer

«La gouvernance- les partenariats – comment les formaliser ?»

Cette table ronde aborde les partenariats avec les acteurs de l’Education Nationale.

Le développement du numérique dans les établissements scolaires dépend des conventions passées traditionnellement entre l’Education nationale, l’Etat et les collectivités locales à différents niveaux (municipalités, départements, régions). Ces partenariats se sont avérés souvent difficiles dans le passé, malgré quelques expériences réussies, comme la mise en place de l’ENT en Midi-Pyrénées dès 2005. Doit-on poursuivre le partenariat sur le même modèle, ou définir des missions et des objectifs sur tout le territoire, et instaurer une cohérence du continuum éducatif à l’ére numérique de la maternelle au lycée ? Ne faudrait-il pas repenser les systèmes de conventionnement, ne pas s’enfermer dans des structures anciennes, pour donner toute sa chance au numérique ? La DGESCO souligne les améliorations à apporter aux structures de coopération, telles le  Conseil territorial de l’Education Nationale, qui n’est pas le meilleur instrument pour échanger, il faut rénover ces instances de discussion. Mais si la -compétence sur le numérique éducatif est  partagée,  les domaines de la pédagogie et du développement des usages restent de la compétence de l’Education Nationale.

Les oppositions persistent. Les acteurs locaux ne supportent plus de financer des équipements dont l’Education Nationale ne s’empare pas comme elle le devrait. Thierry Cagnon, de la Région Aquitaine insiste : « Donnons-nous les moyens de la réussite » ! Les collectivités locales ont beaucoup investi dans le développement du numériques, il faut des résultats, on ne peut plus se permettre d’attendre. Jean-Pierre Quignaux, de l’ADF pense qu’il faut repenser les cadres des partenariats et donner une place plus importante aux finalités et objectifs –« La vocation de l’école est de ne pas handicaper l’avenir des élèves en s’enfermant dans la tradition du passé ». Jean-Yves Capul, de la DGESCO salue l’effort considérable des collectivités locales, bien entendu, mais s’oppose à l’augmentation de leurs domaines de compétences : l’Etat prend en charge la  formation et l’accompagnement des enseignants, les  collectivités locales, les infrastructures.

Parmi ces revendications répétées au fil des ans, Bruno Roussel, de la région Midi-Pyrénées est fier de présenter un partenariat qui a fonctionné. Il fait l’historique de la mise en place des ENT dans sa région. Dès 2005 l’Ariège, l’académie et Midi Pyrénées décident de travailler ensemble pour construire le projet ENT, et ils sont rejoints par 6 autres départements. C’était la première concertation entre 9 départements. Aujourd’hui, l’ENT est généralisé. Après le succès technique, la 2ème génération d’ENT doit relever le défi des usages et des services. Une nouvelle convention simple, sur le modèle de la précédente, arrivée à terme, doit préciser le rôle du comité de pilotage et des services de mise en œuvre des orientations politiques.

Des objections dans le public viennent tempérer ce succès : dans la plupart des régions, les conventions n’aboutissent pas et la concertation est de mauvaise qualité. La réponse des intervenants (« ça, c’était avant ») sous-entend que de nouvelles relations sont possibles depuis l’avènement d’une nouvelle majorité gouvernementale. D’autre part, les partenariats qui encadrent des changements sont naturellement soumis à des frictions, et cela n’a rien à voir avec le numérique. Il est indispensable d’élargir ces partenariats aux parents d’élèves et passer à la « coélaboration », selon Jean-Pierre Quignaux.  « Il ne faut pas rester sur le clivage des compétences qui empêcheront de résoudre les défis à venir ».

Béatrice Crabère

 

 

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