Redoublement : Le Cnesco appelle les enseignants à témoigner
Malgré le décret, la réflexion continue. La conférence de consensus sur le redoublement et ses alternatives organisée par le Cnesco, le conseil indépendant de l’évaluation de l’école, aura bien lieu. Nathalie Mons, sa présidente, le confirme. Elle annonce une grande consultation sur les pratiques innovantes dans les établissements qui ont mis en œuvre des dispositifs de prévention de l’échec scolaire ou un travail sur l’orientation ayant conduit à un recul du redoublement dans leur établissement. Déjà les établissements scolaires partenaires ont adressé 2000 questions à la conférence. Le Cnesco et l’Ifé sont en train d’analyser et de synthétiser pour les soumettre aux experts qui interviendront lors des journées publiques des 27 et 28 janvier 2015. Un questionnaire portant sur la perception par les collégiens et les lycéens du redoublement et leur orientation est en train d’être administré par les établissements. Nathalie Mons, présidente du Cnesco et professeur de sociologie à l’université de Cergy-Pontoise, revient sur la publication du décret du 18 novembre qui encadre plus fortement le redoublement. Elle pose la question de l’utilisation des ressources libérées par le décret du 18 novembre.
Avec l’Ifé, le Cnesco multiplie les initiatives autour du redoublement. Où en êtes-vous ?
Comme nous l’avons dit la conférence de consensus de redoublement dure non pas deux jours mais un an. Ce travail a débuté dès mars 2014 et finira en avril 2015, donc après les journées publiques de janvier, par une phase de dissémination des recommandations. En partenariat avec l’Esen, Canopé, le réseau des Espés, ces recommandations seront traduites en modules d’information, de sensibilisation et de formation pour permettre à chacun praticien (enseignant, personnel de direction ou d’inspection, responsable de l’orientation, de la formation…) de s’emparer utilement et selon ses besoins des fruits de cette fabrication et cette intelligence collective. Nous allons tisser de liens avec les inspections et la Dgesco pour approfondir ces réfléxions. C’est donc une réflexion approfondie que nous souhaitons mener avec les acteurs à tous les étages du système scolaire, depuis l’administration centrale jusqu’aux praticiens de terrain. Nous prenons au sérieux la réflexion autour du redoublement et le traitement de la difficulté, nous nous inscrivons dans une réflexion approfondie de moyen terme avec les équipes pédagogiques.
Cette réflexion incorpore de nouvelles analyses réalisées par le Cnesco et Ifé ?
Tout à fait. Après avoir synthétisé les résultats de la recherche sur le redoublement et ses alternatives, mis en évidence des pratiques dans les pays européens différentes - notamment des décisions de redoublement fondées dans nombre de pays sur des critères beaucoup plus objectifs qu’en France -, nous avons lancé un questionnaire sur la perception par les collégiens et les lycéens du redoublement et leur orientation qui est en train d’être administré établissements. Par ailleurs la composition du jury de la conférence sera bientôt rendu publique sur la base d’un tirage au sort par catégorie professionnelle. Nous avons reçu des centaines de candidatures passionnantes.
Et aujourd’hui, vous lancez un appel à témoignage pour les établissements sur des dispositifs innovants dans le cadre de cette conférence de consensus. De quoi s’agit ?
Cet appel à témoignage s’adresse aux établissements qui ont déjà mis en œuvre des dispositifs de prévention de l’échec scolaire ou un travail sur l’orientation ayant conduit à un recul du redoublement dans leur établissement. Nous voulons à la fois faire connaitre et discuter les résultats de ces expérimentations collectivement. Certains d’entre eux seront invités à notre conférence pour témoigner que dans de nombreux établissements, les choses bougent déjà et surtout qu’on peut relever le défi de l’échec scolaire mais aussi que sur le chemin de ces établissements il y a nombre d’embuches qu’il nous faut aussi analyser pour les intégrer des propositions dans les recommandations.
Comment procède-t-on pour répondre à votre appel à témoignage ?
L’appel à témoignage se trouve sur notre site Internet. Il s’agit d’une grille de questions qui permet d’orienter la description du ou des dispositifs lancés dans l’établissement et des résultats produits, notamment en termes d’évolution des taux de redoublement.
La publication du décret du 18 novembre relatif au « suivi et à l’accompagnement pédagogique des élèves » et donc au redoublement vous oblige-t-elle à réviser cette démarche de réflexion collective ?
Non, évidemment, au contraire ! Elle montre que notre réflexion entamée dès mars 2014 au sein des équipes du Cnesco et de l’Ifé, c’est-à-dire bien en amont de ce travail réglementaire, est tout à fait d’actualité, elle s’est retrouvée propulsée au cœur de l’agenda politique. Mais l’agenda politique trace une voie générale, de surplomb mais ne peut remplacer les réflexions approfondies que nous devons conduire collectivement, c’est sur le terrain, au travers des réflexions et pratiques des praticiens que vivent ou… meurent les réformes. Le chemin et donc la réflexion sont encore longs et doivent être approfondis avant que des alternatives au redoublement voient le jour efficacement dans tous les établissements. Il faut penser pédagogiquement ces dispositifs alternatifs dans le détail, c’est de cela que nous traiterons dans cette conférence, il faut analyser, comprendre certains des résistances des équipes pédagogiques, des parents, voire des élèves parfois notamment les lycéens. Nous l’évoquerons aussi. Il nous faut explorer de façon approfondie ce champ du redoublement et de ses alternatives pour avancer sérieusement et sereinement sur une temporalité de moyen terme, au bénéficie des apprentissages des élèves. C’est ce que nous continuerons à faire dans cette conférence de consensus.
Est-ce que le recul du redoublement peut être une chance pour créer une nouvelle école en France ?
Oui, car il peut libérer des ressources, le redoublement consomme une partie non insignifiante des ressources du ministère de l’éducation, cependant il faut être très vigilant à ce que ces ressources soient bien réinvesties dans des dispositifs alternatifs au redoublement. C’est un des enjeux de notre conférence de consensus. Nous avons demandé à une équipe d’économistes d’évaluer la réallocation du budget redoublement. Tous ces éléments chiffrés - combien coûte la formation continue pour former les professeurs à de nouveaux dispositifs alternatifs dont nos connaissons l’efficacité pédagogique, les heures supplémentaires pour encadrer de façon plus personnalisée les élèves…, tous ces éléments seront soumis au jury. S’il n’y a qu’une injonction institutionnelle à faire reculer le redoublement, ce sera le cas pendant quelques années puis cette pratique se réinvitera dans le quotidien des établissements. Les pays qui n’ont pas pensé et budgété conjointement baisse du redoublement et soutiens intellectuel, financier, organisationnel aux dispositifs alternatifs au redoublement sont revenus au redoublement après quelques années d’errance et de désarroi dans le équipes pédagogiques. La Belgique francophone ou le Brésil en sont des exemples emblématiques.
Propos recueillis par François Jarraud
Témoignez des dispositifs mis en place dans votre établissements
Administrez le questionnaire élèves
Le pré-rapport de l’ifé-Cnesco sur le redoublement :
Des éléments synthétiques sur le redoublement :
Par fjarraud , le lundi 24 novembre 2014.