La chronique de V. Soulé : Fallait-il ressortir la question des rythmes scolaires ?
Lors de la mise en place des nouveaux rythmes scolaires en 2012-2013, les maires ruraux étaient montés au créneau. Ils estimaient n'avoir ni les moyens matériels ni les moyens humains d'assumer les activités périscolaires rendues obligatoires. Quatre ans plus tard, Emmanuel Macron amorce une volte face : les communes vont pouvoir choisir les rythmes scolaires et même revenir à la semaine de quatre jours. Qu'en pensent les intéressés ? Nous avons interrogé Vanik Berberian, président de l'Association des maires ruraux de France (AMRF).
Manque d'animateurs pour organiser des activités intéressantes, problèmes de transports scolaires pour faire revenir les enfants le mercredi, coûts des trajets supplémentaires pour les profs aussi... Avec la création par l'Etat d'un fonds d'aide aux communes, les maires récalcitrants - les élus ruraux mais aussi tous les autres - avaient fini par se ranger à la réforme, bon gré mal gré.
Quatre ans plus tard, quasiment tous ont mis en place de nouveaux rythmes avec trois heures d'activités périscolaires hebdomadaires (les TAP), souvent gratuites mais pas toujours et de qualité inégale - en fonction de la prospérité des communes et aussi de la priorité accordée à l'école et à la jeunesse par la municipalité.
Ce retour sur l'une des réformes emblématiques de l'ère Hollande pourrait toutefois être moins radical que prévu. Le nouveau ministre Jean-Michel Blanquer a en effet expliqué que les communes auraient besoin de l'aval final de l'Education nationale et que la mesure entrerait progressivement en application, d'abord à titre expérimental en 2017.
Vanik Berberian, qui préside une association de 10 000 maires de communes de moins de 3 500 habitants, explique les implications de la mesure.
Y êtes-vous favorable ?
De manière globale, j'estime que tout ce qui peut concourir à laisser l'initiative au local est une bonne chose. Je salue donc la proposition. Au-delà de l'école, il faudrait en faire un principe pour nombre de sujets.
Concernant les rythmes scolaires, il faut toutefois faire très attention aux conséquences éventuelles. Il ne faudrait pas que ce soit une manière déguisée pour l'Etat de faire des économies sur le Fonds de soutien, l'Etat disant : " vous changez les rythmes, vous ne faites plus d'activités complémentaires, donc vous n'avez plus besoin de financement ". Or si une commune décide d'arrêter ces activités, c'est qu'elle n'a pas suffisamment de moyens. Et elle va apparaître comme la seule responsable de la suppression des activités. C'est pourquoi nous voulons que le Fonds de soutien (prévu pour fonctionner jusqu'en 2018) soit maintenu. C'est l'un des critères indispensables pour assurer la poursuite de ces activités.
Les communes rurales ont-elles commencé à prendre position ?
Il est prématuré de dire ce qu'il va se passer. Chaque situation est particulière. Il faudra attendre les réunions statutaires qui vont avoir lieu – celles des conseils municipaux, des conseils d'école avec les parents... - pour voir la tendance.
Dans ma commune par exemple, à Gargilesse-Dampierre (Indre), nous n'avons pas encore abordé la question. Nous sommes dans un syndicat intercommunal des écoles, regroupant cinq communes avec deux sites scolaires. Nous avons eu des activités qui posaient problèmes en raison des enfants ou des animateurs mais les rythmes scolaires n'étaient pas en cause. Je pense que nous allons continuer car le dispositif est satisfaisant. Mais je ne peux pas répondre pour l'ensemble des communes.
Vous diriez que le bilan des nouveaux rythmes est plutôt positif ?
Même si elles ont connu des difficultés, la majorité des communes qui s'y sont mises ont finalement trouvé un certain intérêt aux activités périscolaires, sous réserve bien sûr qu'elles aient les moyens humains et matériels pour les mener. Pour cette raison, je ne suis pas si sûr qu'il y ait beaucoup de modifications de rythmes.
Il y avait pourtant eu de nombreuses protestations au début.
En effet. Mais derrière, il y avait deux attitudes. Certains protestaient car sincèrement, ils n'avaient pas les moyens d'assurer des activités. D'autres le faisaient en raison d'un positionnement politique.
Le sujet était d'ailleurs dépassé. Ces derniers temps, nous débattions des chartes pour l'école rurale. Ces conventions proposées par l'Education nationale visent à concentrer les écoles dans les chefs-lieu de cantons, à faire des regroupements de regroupements. Ce qui ne nous convient pas.
La question des rythmes semblait ainsi entendue. Si le président Macron ne l'avait pas remise à l'ordre du jour, on n'en parlerait pas. Est-ce utile de relancer le débat ? Nous verrons.
Vous doutez de son utilité ?
On peut en effet se demander quel était l'intérêt de remettre le sujet dans la chaudière. Peut-être que durant la campagne électorale, l'équipe Macron a cherché des thèmes saillants pour récolter des voix. C'est comme pour la suppression de la taxe d'habitation contre laquelle les communes se sont élevées.
Vous n'imaginez donc pas de chambardement ?
Mon intuition est qu'il n'y aura pas de mouvement significatif dans nos communes. C'est déjà compliqué d'arriver à trouver une organisation. Vous ne la changez que si elle pose vraiment problème.
Ceux pour qui cela reste compliqué faute de moyens, ils auront la possibilité d'arrêter. Pour ceux qui ont mis les choses en place et pour qui c'est positif, il n'y a pas de raisons de revenir en arrière. Et si le but est de faire des économies, il faudra expliquer aux familles pourquoi ils préfèrent économiser sur l'école plutôt qu'ailleurs.
Même si ça coûte aux communes ?
Bien sûr, ça coûte. Mais il faut savoir ce que l'on veut. Dans nos communes rurales, nous avons accepté le principe car c'est une manière de proposer aux enfants des activités auxquelles ils n'ont pas accès d'habitude. En milieu rural, ils n'ont pas tout ce qui est proposé dans les centres urbains.
Il y aura toujours des grincheux disant que les enfants feraient mieux d'apprendre à lire et à écrire plutôt que faire de la danse ou de la musique. Mais c'est un débat archaïque avec des personnes qui n'ont pas compris qu'un enfant se regarde de manière globale et qu'une diversité d'activités concourt à son éducation.
Recueilli par Véronique Soulé
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Par fjarraud , le lundi 29 mai 2017.