Les enjeux des élections professionnelles
30 novembre : redémarrage définitif (?) de la plate forme de vote. Les syndicats retiennent leur souffle et sont anxieux de leurs résultats. Mais le vrai enjeu de ces élections professionnelles c'est le taux de participation. Alors que le gouvernement attaque systématiquement tous les corps intermédiaires, l'Education nationale reste un bastion où les syndicats sont influents. C'est leur avenir, celui du système éducatif et des réformes Blanquer qui se dessine dans l'urne électronique.
Le traumatisme de 2011
Ce 30 novembre on a l'impression que tout est fait pour que le taux de participation aux élections professionnelles diminue. A peine ouvertes le 29, les urnes numériques ont rendu l'âme sans qu'on sache d'ailleurs très bien si les votes de cette première journée ont été correctement enregistrés. Le ministère reconnait pudiquement "un défaut de performance" de la plate forme et promet la réouverture définitive ce 30 novembre.
En attendant, la journée de vote perdue va automatiquement faire chuter le nombre de votants. Or la grande crainte de tous les syndicats c'est de revivre un nouveau 2011. Cette année là, avec la première application du vote électronique, le taux de participation aux élections était passé de 61% en 2008 à seulement 39% (pour le CTM). Seulement 369 000 personnels de l'éducation choisissaient de voter pour un syndicat. Ils étaient 618 000 en 2008. Une vraie claque pour les organisations. En 2014 le taux remontait un peu passant à 42%. On saura prochainement si la malédiction est levée.
Défendre les corps intermédiaires
Certes le passage du vote en groupe dans son établissement au vote numérique solitaire, de trois semaines de vote à une seule, tout cela a joué sur la chute du taux de participation. Mais déjà en 2014 Christian Chevalier, secrétaire général du Se Unsa à l'époque, nous disait : "Il y a une vraie défiance dans la société dans son ensemble envers les corps intermédiaires". Aujourd'hui, Francette Popineau, secrétaire générale du Snuipp Fsu, ne dit pas autre chose. "Il faut envoyer au ministère un message sur l'importance des corps intermédiaires face à la volonté de ce gouvernement d'un exercice solitaire du pouvoir".
Ce projet d'affaiblissement des forces sociales est bien à l'oeuvre dans le gouvernement. Il a toujours à son ordre du jour la quasi suppression des commissions paritaires pour "simplifier" la gestion de ses fonctionnaires. Le gouvernement ne recule pas à annoncer la généralisation des contractuels dans la Fonction publique. A l'Education nationale, le ministre défend une "gestion des relations humaines de proximité" qui sera surtout l'occasion de contourner les instances représentatives pour donner plus de pouvoir à la hiérarchie. Un projet qui va de pair avec la rémunération "au mérite".
Ce projet c'est bien ce qui séduit F Dubet chez JM BLanquer. S'il critique volontiers plusieurs mesures prises, il continue à voir en JM Blanquer un vrai réformateur pour cette raison. "Le recrutement des enseignants par les établissements mettra à mal la conception traditionnelle de l’autonomie professionnelle des enseignants et privera les syndicats d’une de leurs principales ressources, celle de la « cogestion » des carrières", écrivait-il peu de temps après le retour de JM Blanquer rue de Grenelle.
Aussi, alors que se prépare la fin du paritarisme, le ministère et les syndicats ont les yeux tournés vers le taux de participation à ces élections professionnelles. S'il est élevé cela voudra dire que les personnels craignent cette révolution gestionnaire et qu'ils vont se cramponner à leur statut. S'il baisse , alors une belle avenue se dégage pour JM BLanquer..
Quelles évolutions des différents syndicats
Le second enjeu des élections c'est évidemment le rapport de forces entre les organisations. La concurrence est rude et les réseaux sociaux ont vu passer des escadrilles de flèches empoisonnées depuis deux semaines.
C'est que les syndicats sont particulièrement divisés à l'Education nationale. Parfois ils savent les dépasser, comme le 12 novembre. Souvent ils s'affrontent car ils ont des priorités et des conceptions de l'enseignement opposées.
Depuis 2008, on assiste à un lent recule de la Fsu, même si elles reste de loin la première fédération. En 2008, la Fsu collectait 43% des voix . En 2011, elle recueillait 41% des voix. En 2014, elle n'avait plus que 36% des voix. Quoiqu'il arrive la FSU restera la première organisation syndicale. Mais si son poids s'affermissait cela aurait une signification pour JM BLanquer.
De son coté l'Unsa n'a cessé de progresser en voix depuis 2008. Se présentant comme réformiste, il est passé de 19% des voix en 2008 à 21% en 2011, puis 22% en 2014. Pour autant le camp "réformiste", composé de l'Unsa et du Sgen Cfdt était resté stable de 2011 à 2014.
Les grands gagnants des dernières élections ce sont les syndicats qui se sont mobilisés avec le plus d'éclat le contre les réformes ministérielles, à commencer par FO qui a gagné 4 points entre 2011 et 2014 (14%).
Les enjeux se déclinent aussi dans les différents corps. Chez les professeurs des écoles, la progression de FO entre 2011 et 2014 a pu inquiéter le Snuipp, qui est resté de loin le plus important syndicat (44%) . Chez les certifiés, le Snes avait reculé devant FO et le Snalc. On a bien senti récemment que les tensions sont fortes entre ces organisations... Chez les PLPle Snetaa arrivera -t-il à rester la première organisation alors qu'il a semblé peu mobilisé contre la réforme du lycée professionnel.
Une situation totalement nouvelle
Mais peut-on lire le scrutin de 2018 avec les yeux de 2014 ? Certes les réformes à répétition ont laissé des traces. Mais la situation sociale a totalement changé. Les syndicats se retrouvent unis pour s'opposer aux projets de JM BLanquer, comme on l'a vu le 12 novembre.
C'est aussi la question de la syndicalisation qui est posée à travers ces élections. La France se caractérise par un taux de syndicalisation particulièrement faible avec environ 1, 8 million de syndiqués soit 8% des actifs contre 25% en moyenne en Europe. Certes la situation est meilleure dans la Fonction publique (15%) et particulièrement à l'éducation nationale (24%). Mais ces taux sont en baisse régulière depuis les années 1980. L'action syndicale se déroule dans un contexte peu favorable. Depuis des années les syndicats se heurtent au gel des salaires dans la fonction publique et à des conditions de travail qui se dégradent. Le mécontentement envers la hiérarchie et l'employeur augmente, comme en attestent plusieurs sondages, sans que cela profite automatiquement aux organisations syndicales.
François Jarraud
Par fjarraud , le vendredi 30 novembre 2018.